Algérie

L'armée électorale


Pour gagner une guerre, il ne faudrait pas avoir uniquement une grande armée. Mais un bon moral et une ardente passion dans les troupes. Pour gagner une élection, il ne suffit pas d'avoir uniquement de bons candidats et mener des campagnes. Mais aussi tout essentiellement une bonne administration. Ils étaient plus d'un million qui n'étaient ni candidats, ni chefs de partis à avoir eu durant un temps journalier plus long qu'un mandat à assurer le socle pour l'expression d'une démocratie qui se recommande de s'ancrer davantage. Je les ai vus déchirer les voiles de l'aube pour faire installer les commodités réglementaires d'un suffrage qui malgré des garanties peine encore à se virginiser. Aux premières heures de l'ouverture légale des écoles non pas pour des écoliers mis d'office en vacances, ils étaient là à accueillir qui avec mine patibulaire qui avec sourire encore somnolent, les premiers électeurs, ceux qui avaient préféré se décharger en priorité chronologique d'un devoir moral.Il n'est pas aisé pour le banal scrutateur social de pouvoir mesurer la force de travail injectée tel un sérum vivifiant dans une telle organisation. Les actes multiformes qu'engage un ministère de l'Intérieur par son intégrale exhortation, comme s'il s'agirait d'un état d'urgence, sont exemplaires. Il reste cependant énormément d'efforts à construire pour arriver à ancrer sans ambages ni doutes cette « culture de l'acte électoral », chose qui semble crescendo s'installer dans les m?urs politiques nationales.
Un fonctionnaire est toujours pris pour un matricule ou un dossier individuel. Ses grades ne servent que comme indice à sa somme soldatesque, une expression de salaire. Seulement sa compétence, sa hargne et sa discipline n'ont d'égal que son abnégation au service des grands rendez-vous de l'histoire nationale. Pourtant, il reste toujours assujetti à ce cliché que l'on fait mal de lui. Silencieux et acquiesçant, il s'astreint à une obligation qui l'étouffe et emmagasine en soi toutes ses noires colères. Pourtant, c'est à travers cet « individu » que l'Etat se manifeste, que la loi s'exerce, que la justice se rend, que la vie officielle toutefois subsiste.
Pour traiter, rafraichir et aérer un conglomérat numérique de plus en plus important et intense, il est managérialement exigé d'avoir recours à du génie. Une élection n'est pas une partie de football ou un demi-jeu inter-quartiers. Il s'agit bel et bien d'une ?uvre collective où chacun tentera d'y mettre ses couleurs. Les nuances architecturales y sont nécessaires pour savoir obtenir une belle géographie sans mauvais reliefs, ni climat aléatoire. Ils étaient ainsi plus d'un million à pianoter des listings, des courbes et des ratios. Il y avait de l'?il à sécuriser le chemin des écoles, contrairement où, dans un passé récent, le calcul macabre, le meurtre et l'effroi suppléaient à toute aspiration démocratique. La démocratie en ces temps-là ne valait pas le sauvetage ou la prévention d'une vie.
Avec ses vices et ses vertus, l'opération électorale se devait de se faire. Elle s'est faite avec des gens apolitiques, simples salariés et assurés sociaux. Ils n'étaient contre personne, ni ne pouvaient craindre quiconque. Seule une conscience tranquille noyée dans de soyeux plis de neutralité semblait animer ces éléments d'une armée civile. Les élus sont heureux. Les autres crient au loup. Personne n'a de pensée pour l'armada qui a permis sans le vouloir à ceux-ci et à ceux-là d'avoir des réjouissances ou des frustrations. Pour elle, il n'y a ni gagnants ni perdants. Juste un comptage de voix anonymes et une inscription comptable chiffré et impersonnelle.
Dire qu'un journaliste ou un chroniqueur n'est fait que pour noircir des tableaux et pervertir des paysages est plus mortifiant que le cliché que l'on porte très souvent sur ces femmes et hommes qui vous scrutent au postage de votre enveloppe. Un geste furtif et lapidaire qui tient à ne pas déchiffrer ce qui l'avait précédé et ce qui allait le suivre. Respect.
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