Tout change à Bejaïa et pas toujours dans le bon sens. Boulimat. Dans un fabuleux décor qui marie montagne, maquis et mer, s'élève une colonne de fumée qui empeste l'atmosphère à des lieues à la ronde. Ici, on brûle les immondices déversées quotidiennement par camions. L'hiver, la décharge de Boulimat est oubliée. Il n'y a, tout le long de la route qui serpente, que des habitations dispersées, généralement des résidences de vacances. Mais l'été, la côte ouest est envahie de vacanciers qui n'en reviennent pas d'une telle mauvaise surprise, et par les Bejaouis qui, en allant à la plage, redécouvrent cette verrue qui défigure ce paysage idyllique et la réputation de la wilaya. Beaucoup de palabres ont remué les forums de la cité et des projets de délocalisation se sont empilés, mais rien n'y fait, le ravage continue. Bejaïa ne cache même plus ses tares. Traversée par des oueds, ce qui aurait pu être d'un apport positif au tissu urbain, la ville souffre de leurs flots malodorants ininterrompus, gîte de dangereuses nuisances et source d'inondations récurrentes. La situation perdure au grand dam des riverains. Dans les quartiers excentrés, la saleté est omniprésente et s'allie à la vétusté pour donner un aspect repoussant à ces endroits jadis boisés. Espace vert ' C'est bien le cadet des soucis face à la spéculation foncière. Bejaïa n'a pas encore réussi à faire baisser la fièvre des promotions immobilières qui s'est emparée d'elle depuis la décennie 1990. La ville s'étend dans toutes les directions possibles, et la moindre superficie libre est convoitée. Même les jardins publics font l'objet de sombres desseins et de machiavéliques plans pour les détourner de leur vocation première. Il y en a pourtant très peu pour une agglomération de la taille de Bejaïa. Récemment encore, les habitants de la cité CNS se sont mobilisés pour qu'un petit espace boisé ne soit pas détruit pour laisser place à une quelconque construction. Le P/APC se range du côté des habitants et déclare qu'il ne délivrera aucun permis de construire au propriétaire, promettant d'en faire un espace vert. Le wali estime que le terrain en question est trop étroit pour être constructible et se range à l'avis des habitants tout en estimant que l'APC pourrait proposer au propriétaire de le lui céder contre indemnisation... Mais la mobilisation citoyenne reste trop faible pour éviter que la ville de Bejaïa ne se mue, à terme, en une sorte de hérisson de béton. Dans les nouvelles cités, des espaces ont été réservés pour être des jardins ou des aires de jeux pour les enfants, mais ce ne sont que des terrains vagues, au mieux livrés aux herbes folles. Le lac Mezaïa, lieu de villégiature pour beaucoup de familles bejaouies, après un moment de gloire, est retombée dans la divagation. Pour autant, il ne faut pas oublier les efforts entrepris pour donner du lustre à la ville, à l'instar de ces jeunes, recrutés dans le cadre du pré-emploi, qui s'échinent à débarrasser la cité des Hammadites de ses scories. Des associations militent pour faire d'abord connaître les merveilles naturelles de Bejaïa, à l'instar des paysages forestiers de l'Akfadou, et sensibiliser à leur préservation. Des initiatives citoyennes, il en existe, comme au village de Tiwal, dans la commune de Beni Maouche, qui ferait rougir de jalousie n'importe quel bourg suisse. Ou de ce citoyen qui créé un zoo à Tifrit, dans la commune d'Akbou. De la société savante GEHIMAB, qui, tout en déterrant l'histoire de la région, lève le voile sur un patrimoine naturel méconnu, comme celui de la région de Toudja où elle a participé à la création d'un musée de l'eau. Les institutions ne sont pas en reste, qui mènent campagnes pour sensibiliser ou pour assainir le milieu urbain, nettoyer les plages, protéger la flore et la faune, valoriser des sites, à l'exemple du projet de création d'un parc naturel pour protéger la forêt de l'Akfadou où des cerfs de Barbarie ont été réintroduits. Pour autant, l'environnement est-il mûr pour le succès des « verts » ' Pour l'heure, hélas non. Un exemple suffit : Bejaïa, en raison des oppositions systématiques des citoyens, est incapable de dégager des sites pour implanter des décharges publiques contrôlées. Ainsi, réduite au seul aspect de la préservation du milieu naturel, la question de l'environnement souffre de sa déconnection d'avec celle des exigences de la société humaine. Prendre conscience de l'importance de l'environnement ne suffit pas. Il faudrait que cette nécessité soit socialement partagée et exprimée politiquement et juridiquement. Cela pose, en fait, toute la problématique des politiques de développement : quelle société ambitionne-t-on de construire et au profit de qui ' Car qui ne rêve de vivre dans une maison agréablement entourée de verdure et d'arbres bruissant sous le vent, à l'orée d'un plan d'eau cristalline ou au bord d'une plage paradisiaque ' Vain souhait pour la majorité qui n'aspire qu'à une eau plus saine, un air moins pollué, des rues plus propres, moins bruyantes... et quelques arbres pour atténuer l'agression du béton.
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Posté Le : 04/06/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ouali M
Source : www.horizons-dz.com