«Toujours le chef
est seul en face du mauvais destin». De Gaulle
L'Algérie serait
grosse de deux scenarii selon les évolutions du pays. Le premier n'est pas
souhaité par les populations qui portent les stigmates de la décennie rouge
sang. Le prix versé inciterait à des consensus, à un volontarisme politique et
à développer un projet de société qui mettrait le holà aux velléités salafistes et à l'activisme dans la société de courants
intégristes, rentiers, et qui entendent reconduire un statu quo mortel. Dans le
respect de la
Constitution, des lois et de toutes les libertés, y compris
celles du culte, de l'information et de l'activité politique pacifique.
Le second serait
un retour dans la paix et la négociation franche à l'essence des réformes
initiées il y a deux décennies, dans des conditions internes et financières
très difficiles. Et à ce niveau, il y a lieu de rafraîchir des mémoires
sélectives dans la déficience et la volonté de faire oublier des réels
lourdement vécus. La pression des institutions financières internationales, le
délitement de l'Etat pris en otage par l'intégrisme local, l'indifférence sinon
la complicité de la « oumma », une police politique
restée dans l'esprit de la Stasi,
une bureaucratie ravageuse, l'étouffement de toutes les libertés
caractérisaient le début des années 90. Une histoire chaude qui reste à faire
sereinement.
Le scénario
catastrophe serait la continuité d'un système assis sur la rente pétrolière,
une démocratie de façade, un pluralisme affairiste dominé par l'informel dans
les activités commerciales, politiques, religieuses, qui font la part belle aux
importations alimentaires, à une gestion surréaliste des IDE, de l'économie
productive, au découpage politicien des syndicats et en l'absence d'une
politique audacieuse de l'économie fondée sur le savoir, vers les technologies
nouvelles qui n'ont aucune chance avec toutes les censures sous-développées qui
entrent en transe avec la publication d'un simple livre qui serait désobligeant
envers telle ou telle institution.
Les pays
émergents (B.R.I.C.) et ceux qui cumulent les prix Nobel, les brevets, des
dizaines de TV, des centaines d'associations autonomes, une société civile
contestataire et intelligente avec laquelle les grands de ce monde vivent en
parfaite harmonie dans le débat contradictoire parce qu'elle est une richesse
inestimable et un contrepouvoir qui enrichit les gouvernances et les sociétés
où il fait bon vivre, capitalisent toutes les oppositions. Ces contrées sont
rêvées, fantasmées par la jeunesse des pays arabes et africains, reçoivent le
gros d'émigrés clandestins, désespérés et suicidaires. A-t-on entendu parler
d'un Européen qui met sa vie en jeu pour rejoindre un quelconque pays africain
ou arabe ? La question mérite d'être discutée par des « élus » bien payés, gras
et surtout fainéants et incompétents.
Entre les deux
scénarii, les patriotes qui ne se revendiquent ni de l'histoire ni de la
religion musulmane (qui est venue pour toute l'humanité), en dehors des
circuits partisans dont la faillite est indiscutable, ont des choix à faire de
toute urgence, sans coquetterie stupide. Comment se défaire de l'extrémisme du
T.V.M. (tout va mal) et de l'esprit courtisan psalmodié au rythme du T.V.B.
(tout va bien), qui ne trompe personne lorsqu'on a écouté le pays profond
durant le périple du Conseil national économique et social (CNES), loin des
microcosmes aliénés par la promiscuité des appareils et des sectes algérois ?
Pour les choix à faire, il y a des réalités incontournables qui pèsent sur le
pouvoir, l'opposition et la société entière. La nostalgie prégnante du parti
unique, qui a définitivement perdu le label de la légitimité historique en
fonction de la moyenne d'âge nationale et parce qu'il est représenté par une
alliance à trois têtes foncièrement contradictoires, obnubilées par les quotas
respectifs au Parlement et travaillées par des échéances proches et
dangereuses, n'est plus opératoire. En face et contre, il y a la société qui
bouge, une jeunesse branchée sur le net, explosive, inventive et un
environnement continental et international qui évolue chaque jour.
Dans une forêt de
contradictions majeures, dangereuses, M. Bouteflika
apparaît comme le dernier refuge, l'arbitre ultime pour des populations coupées
des partis, du pouvoir et qui détestent l'administration retranchée dans le
bunker des photocopies légalisées, les budgets des APC et des APW qui échappent
aux « élus » pour leur exécution et par la fonction administrative
approximative de n'importe quel acte directement adressé aux citoyens. L'Etat
apparaît fragile, craintif à la moindre émeute et surtout soucieux de maintenir
un système obsolète en l'état. Tout et son contraire a été dit, écrit sur la
politique du premier magistrat. Sauf l'alternance programmative.
La gestion de M. Bouteflika sera faite par les
historiens, les experts algériens et étrangers, en dehors des sectes partisanes
et des appareils officiels qui se sont accommodés de plusieurs présidents. Le
sceau scientifique sera apposé un jour sur l'histoire du pays sous le règne de
M. Bouteflika.
Pour ceux qui ont
suivi peu ou prou la concertation menée par le CNES, à partir d'une saisine
présidentielle, à travers les différents secteurs représentés et une écoute non
partisane ou idéologique, les réalités nationales sont porteuses de toutes les
ruptures, dans un sens ou dans l'autre, qui méritent des lectures non
sélectives et surtout aux antipodes du TVB et du TVM. Et ne pas rendre compte
des souffrances algériennes, que le média soit public ou privé, renvoie à des
thèses que les citoyens ne veulent pas. L'après-Bouteflika
est à ce jour inexploré de manière rigoureuse par le pouvoir et les oppositions
éclatées publiquement en direction des populations. Et il y aura bien un après-Bouteflika un jour ou l'autre.
Les mandats du
premier magistrat ne peuvent être analysés correctement, de façon non
courtisane, non partisane, qu'à l'aune constitutive de la décennie rouge, du
rôle joué par des chefs militaires, de civils sous influence, y compris
étrangère, qui avaient pris toutes les précautions pour être à l'abri, avec
armes et bagages, famille et prébendes, et par l'ex-FIS qui était persuadé
(pour ceux qui ont eu à subir ses outrances dans l'exercice de leur fonction)
que le pouvoir était au bout de fetwas bricolées et
politisées à la va-vite.
M. Bouteflika, avec de grosses erreurs de casting, a conquis «
le quart manquant » et cette conquête n'a de sens que mise en perspective avec
les terribles dégâts dans toutes les institutions, dans les corps
intermédiaires, dans les familles, au cÅ“ur de la société. Ceux qui ont vécu la
tragédie au quotidien mériteraient d'être écoutés. La décennie, managée par des
forces qui se moquaient de l'intérêt du pays, de son avenir, qui étaient rivées
à des intérêts financiers algériens et étrangers, a débouché sur les crises
vécues aujourd'hui.
Une jeunesse
formidable, comme celle qui combat dans tous les pays développés, veut participer
à 100% à la construction démocratique de l'Algérie. Vouloir la stériliser dans
les conflits, rendus publics, d'appareils à l'intérieur de la majorité et
limiter son horizon au tout va mal (TVM), ou au tout va bien (TVB), est
criminel. L'Algérie étant le produit d'une histoire anticoloniale, d'une
indépendance prostituée et du règne d'un parti unique qui a échoué sur toute la
planète, mérite à coup sûr d'être le phare pour le continent.
Que les partis «
au pouvoir », les opposants et les véritables républicains démocrates disent
aux Algériens et au monde quel est leur projet pour l'après-Bouteflika.
Est-ce trop demander ? Le premier magistrat n'est pas éternel, les chefs de la
majorité et des oppositions non plus. Alors quid de l'Algérie en 2018-2030 ?
Que la majorité atomisée et l'opposition éclatée le disent au peuple, sans
arrogance ni démagogie stérile.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 13/10/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdou B
Source : www.lequotidien-oran.com