Algérie

«L'approche stratégique est en panne en Algérie»


«L'approche stratégique est en panne en Algérie»
Quel bilan faites-vous des projets de partenariat en Algérie 'Avant de faire un bilan du partenariat en Algérie, il est important de situer son importance stratégique dans le processus de développement économique du pays, et en particulier dans un processus d'émergence internationale et de réindustrialisation. Dans ce cadre, le partenariat économique international peut se situer aux niveaux suivants :- le partenariat financier, quand les partenaires mettent en commun des fonds pour assurer le montage financier nécessaire à la réalisation de projets.Cette dimension a été dévalorisée en Algérie durant la dernière décennie en raison de l'aisance financière du pays, ce qui a amené un certain nombre d'opérateurs financiers internationaux à réduire leurs opérations, comme la Banque mondiale (BM), la Banque européenne d'investissement (BEI), ou la Banque africaine de développement (BAD). Il va être assez difficile de faire revenir ces acteurs stratégiques aujourd'hui que nos ressources financières sont réduites pour une longue période, car nous avons malheureusement créé une crise de confiance avec ces institutions.- Le partenariat technologique et commercial, quand il s'agit de s'associer pour un transfert de technologie ou pour acquérir des marchés nouveaux, notamment au niveau international. A l'exception de Sonatrach, presque aucun projet de partenariat en Algérie n'avait de réelle dimension exportatrice, alors que nous parlons de développement des exportations et de diversification économique hors hydrocarbures depuis 30 ans. Il est malheureux de constater que très peu d'entreprises algériennes, en partenariat ou non, sont intégrées dans les chaînes de valeurs internationales ou disposent de partenariats orientés export.Un bilan rapide des projets de partenariats internationaux du secteur économique montre qu'à l'exception de celui dans les cimenteries, le résultat est très mitigé car depuis l'ouverture économique à la fin des années 80', la structure économique en Algérie est la même, et elle se caractérise par la dépendance excessive vis-à-vis de la ressource hydrocarbure. Un tissu économique national orienté vers le marché intérieur, faiblement compétitif, et entièrement dépendant des protections douanières et des subventions publiques directes et indirectes (notamment sur le coût de l'énergie) et un faible nombre d'entreprises aptes à l'exportation et à la domination du marché national.Nous ne disposons que de 300 entreprises industrielles de taille potentiellement internationale, alors qu'il nous en faudrait 10 fois plus, notamment grâce au partenariat international. Nous sommes très loin du compte. Néanmoins, il faut dire que si la politique générale de partenariat international du secteur économique manque gravement de vision stratégique à même de tirer pleinement profit d'une politique de partenariat international, et même qu'il y a une panne de vision stratégique, le bilan à faire au niveau micro-économique se distingue par une situation contrastée :- d'un côté, il y a des success stories, notamment dans la cimenterie, dans le secteur pharmaceutique, la gestion déléguée des eaux à Alger spécifiquement.- D'un autre, il y a des échecs latents ou avérés, comme dans le secteur de la gestion portuaire ou aéroportuaire où les problèmes restent entiers, et certaines privatisations qui sont des échecs notoires.Il ne faut pas oublier non plus de parler des partenariats dans le secteur des hydrocarbures, car si ce sont des succès au niveau micro-économique, la faible attractivité actuelle de la destination Algérie dans le secteur ne permet pas au partenariat de jouer son rôle de levier de croissance.Qu'en est-il des résultats enregistrés à l'issue des prises de participation des entreprises étrangères dans le capital des sociétés publiques 'Il faut savoir d'abord qu'il y a très peu de partenariats au sens structurel du terme avec la création de joint-ventures et ou d'ouvertures de capital, cela se compte en quelques dizaines, alors qu'il en faudrait des milliers comme indiqué plus haut, et donc des centaines pour le cas particulier des EPE.Par ailleurs, tous ces partenariats sont orientés vers le marché local, à quelques exceptions près, ce qui ne permet pas de mettre en ?uvre une politique de diversification économique réelle. Je ne parle pas ici des consortiums ou groupements ponctuels créés pour la réalisation de marchés publics et dont la durée de vie est limitée au marché. Bien que cette démarche soit positive, elle n'a pas encore d'impact structurel sur le tissu économique, cela reste trop fragile.A un niveau micro-économique, le bilan est à faire au cas par cas, il y a des situations positives et d'autres qui sont négatives ou à améliorer.Quelles sont les leçons à retenir, notamment des dossiers Djezzy et Arcelor Mittal 'En ce qui concerne Arecelor Mittal Algérie (AMA), c'est malheureusement un échec déplorable dont les deux parties portent la responsabilité. Du côté d'Arcelor, le changement de stratégie opéré depuis la fusion Arcelor avec Mittal Steel a conduit la nouvelle entité à se désintéresser du complexe d'El Hadjar qui est obsolète technologiquement, notamment dans la partie amont, alors que la stratégie initiale du partenaire consistait justement, à l'époque ISPAT, à racheter ce genre d'actifs à l'international pour les moderniser et leur donner une seconde vie.Cela s'ajoute à un marché de l'acier déprimé au niveau mondial depuis 2009.Côté algérien, de nombreuses erreurs et hésitations stratégiques ont été commises, notamment la tergiversation sur le nécessaire basculement technologique à faire dans la zone amont.Les propositions du partenaire n'ont jamais été traitées sérieusement avec la célérité qu'il fallait jusqu'à ce qu'il se désintéresse totalement du sujet et laisse mourir le complexe. Aujourd'hui, le rachat opéré règle plus les problèmes d'Arcelor Mittal que ceux de la partie algérienne.Enfin, je pense qu'Arcelor Mittal n'a pas accepté d'être mis à l'écart du projet Bellara, et c'est peut-être une autre erreur stratégique du gouvernement algérien de les avoir mis à l'écart et de leur avoir créé un concurrent. S'il y a une leçon à tirer de cette expérience, c'est qu'il faut aller vers le partenariat international avec des visions prospectives vers le futur et pas avec les yeux dans le rétroviseur, en essayant de maintenir en vie coûte que coûte un outil moribond.Enfin, sur Djezzy, il n'y a pas grand-chose à dire, sauf qu'on a délibérément cassé quelque chose qui marchait bien. Je ne suis pas au fait des tenants et aboutissants de cette démarche.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)