Algérie

L'aphonie mobile



L'aphonie mobile
Apprendre les langues est sans doute la façon la plus extraordinaire de voyager. Le polyglotte est un super globe-trotter qui ne bouge pas forcément mais qui possède le monde plus sûrement qu'un abonné aux lignes aériennes. Bien sûr, le parcours des latitudes et des longitudes reste une irremplaçable merveille. Mais, sans pouvoir communiquer, on n'en profite que si peu ou si mal.Loin d'être simplement un «outil» ou un «vecteur», chaque langue ? même la moins parlée ? renferme à elle seule un univers vivant, immense et étonnant. Et c'est un véritable amusement que de découvrir l'étymologie des mots, la magie de leur création, l'ingéniosité de leur signification. Il n'est pas indispensable, sans doute, de savoir que le mot «banque» vient de l'italien «banco», un simple banc que les prêteurs ou usuriers trimballaient sur les marchés du Moyen-âge, leurs clients s'asseyant de l'autre côté et le milieu servant à compter l'argent. Cela peut, en tout cas, aider à mieux comprendre le système financier dont le fondement repose encore sur la discussion préalable. Aussi, si votre banquier ne vous parle jamais, quittez-le. Ce n'en est pas un.De même, les emprunts entre langues présentent des aspects souvent agréables à découvrir. Mais ce n'est pas le cas quand je me rends au marché (pour rester dans le domaine) où les commerçants s'obstinent à ne pas afficher les prix. Il me pèse alors sérieusement de savoir que le mot français «tarif» vient de l'espagnol «tarifa», emprunté lui-même au mot arabe «taa'rifa» ou notification ! Mais il est difficile de se faire comprendre de personnes qui ne considèrent que la langue de l'argent. Et il serait inutile de leur expliquer que la civilisation musulmane avait tellement codifié les relations commerciales que, par exemple, le mot français, «denier» vient aussi de l'arabe «dananir», pluriel de dinar. Bon, passons?Parlons plutôt des expressions qui, dans toutes les langues, cachent une anecdote ou révèlent un esprit, infligeant des casse-têtes formidables aux traducteurs. Celle qui consiste à dire «tu m'as fait rougir» est bien plaisante. Alors qu'en français, elle renvoie à la honte ou à une grande gêne, elle exprime tout l'inverse en arabe où elle désigne le plaisir ou la reconnaissance que l'autre, en nous honorant, fait monter à notre face.Oui, apprendre les langues est non seulement utile, mais aussi édifiant et enrichissant. L'engouement des Algériens à cet égard est donc réjouissant. Les cours de langues, chinois compris, sont souvent complets. Mais il faudrait cependant ? quel enjeu ! ? que l'"école" en vienne un jour à transmettre correctement la maîtrise des langues nationales pour faire en sorte que nos compatriotes parviennent à s'exprimer clairement et efficacement. Faute de quoi les futures générations, mêmes dotées de la 12G, seront culturellement bègues, sinon «aphones» au sens littéral du mot.




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