Algérie

L'anti-jeu...



Décidément, le feuilleton de Lamine Merbah Darna Lakdima semble, par son contenu et le message politique qu'il véhicule, donner bien des soucis aux responsables de la programmation de la télévision algérienne qui, visiblement, l'ont « casé » sur Canal Algérie sans pouvoir lui garantir une diffusion normale et régulière. Déja qu'il n'a pas eu les faveurs du prime-time, ce feuilleton, certainement le mieux élaboré parmi les productions contenues dans la grille de cette année, a connu jusque-là des passages plutôt en dents de scie (diffusion très tardive, déprogrammation intempestive) qui ont eu pour effet de dérouter complètement le téléspectateur, et pire encore, une censure qui, après le courroux du réalisateur, a fait sortir de ses gonds Sid Ali Kouiret pour « le sacré coup porté à la liberté d'expression ». « On veut étouffer la création. Je considère cet acte comme une humiliation pour tous les artistes, particulièrement pour ma personne », a déclaré à la presse le comédien qui campe dans ce téléfilm le rôle du père honnête, intransigeant avec ses principes et refusant tout compromis avec son fils sorti de prison pour appartenance à des groupes terroristes.Darna Lakdima qui est loin d'être une simple « drama » teintée à l'eau de rose, est devenu donc, en posant subtilement (et courageusement) le problème des traumatismes sociaux liés au phénomène de l'islamisme subi par la société algérienne, une sorte de mauvaise conscience pour la direction de l'Unique en venant bousculer une ligne éditoriale très lisse et qui de surcroît a toujours pris ses distances avec un sujet aussi crucial. Résultat des courses : pour ne pas connaître d'embrouille politique, on fait du côté du boulevard des Martyrs carrément dans l'anti-jeu, histoire peut-être de décourager à l'avenir tout réalisateur qui aurait l'ambition de suivre la voie de Lamine Merbah. Quand la politique s'empare du petit écran, ça grince forcément. Deux images cette semaine sont venues nous le rappeler. La première est celle qui a suivi les très fortes émotions qu'ont vécues les Algériens avec le match Algérie -Zambie. Collés à leurs téléviseurs, ces derniers ne savaient plus comment retenir leur souffle devant l'insoutenable suspense livré par la rencontre,jusqu'au coup de sifflet libérateur de l'arbitre qui allait plonger les rues et ruelles de tout le pays dans une incroyable ivresse populaire.La ferveur était immense, sincère, entière, comunicative. Un pur moment de bonheur comme nous l'ont montré les séquences prises sur le vif bouclant, cependant, le JT de Karim Bousalem par des cris de joie dédiés non pas au football, mais... à la gloire de Bouteflika (...) Voir en gros plans quelques bandes d'adolescents scander « spontanément » le nom du président de la République et le mêlant à une qualification de football, c'était un peu sortir du contexte, n'est-ce-pas... Y-a-t-il eu manipulation de foule pour tenter de récupérer l'événement sportif ' Allez savoir quoique la caméra de l'Unique, plus que celle de Mourad Khane qui a manqué cette année terriblement d'imagination, est capable de réaliser les pièges les plus tordus. Pour ce genre de tour, on peut lui faire confiance...La seconde image nous est venue de l'APC de Sidi M'hamed ou Amine Zaoui recevait la Plume d'or de la pensée et de la créativité qui lui a été décernée par les responsables de cette commune initiatrice de cette distinction. A cette cérémonie, prenait part un membre du gouvernement, en l'occurrence le ministre des Transports Amar Tou.Voilà donc un autre couac politique qui frise l'irréel lorsqu'on sait que l'heureux lauréat n'est autre que l'ex-directeur de la Bibliothèque nationale débarqué de manière inélégante de son poste par la ministre de la Culture pour avoir donné la parole au poète libanais Adonis considéré comme un intellectuel infréquentable.De deux choses l'une : ou cette séquence a échappé à l'Unique, ce qui est peu probable compte tenu des mécanismes de censure mis en place pour éviter toute dérive, ou alors elle a été tout simplement encouragée pour réhabiliter médiatiquement l'écrivain, ce qui paraît comme un retournement qui ne restera pas sans conséquence pour l'avenir politique de Khalida Toumi complètement déjugée dans cette affaire. C'est la note mélo de cette semaine tirée d'un programme ramadhanesque qui a tendance à s'essouffler, notamment avec, à mi-parcours, la fin de la série Djemaï Family qui laisse un vide difficile à combler sur Canal Algérie et la chaîne terrestre ENTV. Le sitcom de Djaffar Gacem nous a fait rire aux larmes, mais mieux que ça, il nous a surtout confortés dans l'idée que l'Algérie est capable de produire des séries télévisuelles de haut niveau qui ont leur place dans le marché mondial de la télévision. L'acteur Mohamed Arslane qui s'est éloigné du petit écran parce que blasé par les mêmes rôles qu'on lui propose a vu juste en disant qu'avec quatre ou cinq réalisateurs de la trempe de Gacem, l'Algérie pourrait avoir une grande notoriété cinématographique. Hélas, avec des feuilletons du type Bine el Bareh Ouel Youm de Brahim Ameur, elle risque aussi de connaître le pire discrédit qu'on peut imaginer tant cette réalisation, tournée au Canada, aura été insipide et bien en-dessous de l'acceptable. Mal structuré, monté sur les péripéties de trois familles qui éclatent avant de connaître la réconciliation sous l''il bienveillant d'un imam, jamais feuilleton algérien n'a reçu autant de critiques acerbes de la part du public pour la nullité des acteurs et du scénario.


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