Algérie

L'ANC rappelé à ses devoirs


L'ANC (African national congress) a, comme prévu, remporté mercredi une victoire attendue et son chef, Jacob Zuma, propulsé par le système de vote indirect à la magistrature suprême. Rien, absolument rien ne permettait de douter d'un tel succès tant l'ANC demeure le parti dominant en Afrique du Sud depuis la chute de l'apartheid et les premières élections pluralistes en 1994. De ce point de vue, la continuité est totale, malgré les signaux qui pouvaient laisser croire au contraire. Il s'agit du bilan de quinze années de pouvoir ANC qui n'est pas reluisant au plan social, et cela s'est manifesté de manière dramatique l'année dernière quand des Sud-Africains pauvres faisaient la chasse à des immigrés africains aussi pauvres qu'eux. Ou encore la dissidence au sein même du parti majoritaire. Et c'est le leader historique Nelson Mandéla qui est sorti de sa retraite pour rappeler à l'ANC ses obligations. Une première fois au mois de juillet dernier, et la deuxième en pleine campagne électorale. Il y a trop de pauvres, disait-il, alors que l'Afrique est un pays immensément riche.Autrement, l'ambiance était festive hier dans les rangs de l'ANC, mais la presse mettait en garde Jacob Zuma contre les lendemains difficiles. L'ancien mouvement de lutte contre l'apartheid, au pouvoir depuis l'avènement de la démocratie en 1994, a recueilli deux tiers des suffrages aux législatives de mercredi, selon un décompte partiel.L'Alliance démocratique (DA), issue de l'ex-opposition blanche au système raciste, disposait pour sa part de près de 16% des voix et semblait en mesure d'emporter ' pour la première fois ' la province du Western Cape (sud-ouest). Le Congrès du Peuple (Cope), formé en décembre par des dissidents de l'ANC après des mois de luttes intestines et la démission forcée de l'ex-président Thabo Mbeki, suivait avec à peine 8%. Ces chiffres ne portent que sur 60% des suffrages, mais l'ANC a déjà commencé à fêter sa victoire. « Nous savons que le dépouillement est toujours en cours mais nous pouvons sentir les 70% », avait lancé Jacob Zuma devant plus de 2000 personnes. La presse saluait à l'unanimité le « raz-de-marée » ANC. Le parti a « confirmé l'ampleur de son soutien malgré de nombreux défis de la campagne », soulignait notamment le quotidien The Times. Outre l'apparition du Cope, le parti a dû batailler contre les doutes sur l'intégrité de Jacob Zuma, qui a bénéficié in extremis d'un abandon de poursuites pour corruption à son encontre. « Jacob Zuma et l'ANC ont mené une campagne brillante et réussi à faire passer les élections de 2009 pour un duel entre les riches noirs et blancs d'un côté, et la grande majorité des pauvres noirs de l'autre », analysait l'hebdomadaire Mail and Guardian. Zuma, orphelin de père et fils d'une femme de ménage, « a fait en sorte de s'identifier à la marginalisation des pauvres », poursuivait le journal.Mais, attention, « ils se retourneront contre lui s'il échoue à répondre aux attentes. » « S'il n'est pas encore effrayé par l'ampleur du chômage, de la pauvreté et de la criminalité, ni par les faiblesses des systèmes d'éducation et de santé, il le sera bientôt », ajoute son éditorialiste. L'Afrique du Sud est la première économie du continent, mais plus de 43% de sa population vit sous le seuil de pauvreté, tandis que le chômage frôle les 40%. Des statistiques susceptibles d'empirer alors que le pays s'apprête à entrer en récession pour la première fois depuis 17 ans. Autres fléaux : 50 homicides sont recensés chaque jour dans le pays, qui compte également le plus grand nombre de séropositifs au monde, avec 5,5 de ses 48 millions d'habitants porteurs du virus du sida. « Le plus grand défi pour Zuma réside dans les espoirs de la classe ouvrière et des pauvres, qui sont en grande partie derrière le phénomène Zuma », renchérissait l'analyste Aubrey Matshiqi, dans le quotidien The Star. « Ces électeurs ont (...) l'espoir d'être sauvés par Zuma, un homme à qui ils ont donné leur soutien parce qu'il a la même origine qu'eux », poursuivait le chercheur. « Mais la réalité est que l'Etat post-apartheid n'est pas en mesure de répondre à leurs aspirations dans un futur proche. » Et, en ce sens, une telle victoire peut aussi être porteuse de désillusions. L'exercice du pouvoir comme on a pu le penser au plus fort de la crise de septembre dernier qui avait conduit à la démission de Thabo Mbeki, n'est pas une fin en soi. Les populations des townships l'ont fait comprendre.
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)