Algérie

L'amortissement des projets incertain



En visite dans la wilaya de Khenchela, une région en contact direct avec le vaste territoire aride du sud du pays, la semaine dernière, le ministre des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal, se veut rassurant en affirmant que la sécurité hydrique est garantie en Algérie. Certes, l’Algérie renferme des potentialités relativement appréciables comparativement aux autres pays de la région du Maghreb, mais la problématique de la mobilisation de ces ressources et leur gestion rationnelle persiste encore.
De prime abord, il est utile de noter qu’au-delà des régions côtières du nord du pays, qui ne représentent qu’un peu plus de 10% du territoire national, la pluviométrie n’est que rare, voire nulle dans le reste du pays. En conséquence, les populations locales, notamment dans les wilayas du Grand-Sud et celles des Hauts-Plateaux ne doivent leur salut qu’à l’exploitation des ressources souterraines pour l’approvisionnement que ce soit en eau potable ou pour l’irrigation. Dans cette perspective, la réalisation du réseau de transfert d’eau d’In Salah pour l’alimentation de la wilaya de Tamanrasset est à inscrire au registre des projets phare de la conjoncture actuelle.
Dans l’ensemble, les ressources hydriques en Algérie demeurent fragiles malgré leur disponibilité qui peut être considérée comme importante à présent. Dans son livre L’économie algérienne à la croisée des chemins (Editions Dahleb 2008), Mustapha Mekidèche, économiste et vice-président du CNES (conseil national économique et social), souligne : « En Algérie, autant la large disponibilité de l’énergie est un facteur favorable au développement durable, autant le déficit structurel en eau en constitue une contrainte majeure, dont l’ampleur du défi a été longtemps sous-estimée, en particulier au lendemain de l’indépendance».
Dans le même ouvrage, il reviendra en détail sur les ressources hydriques mobilisables dans le Grand Sud en précisant que «les grandes nappes du Sahara septentrional disposent d’un potentiel de 6 milliards m3/an et des ressources exploitées de 1,5 milliard de m3/an». En revanche, l’exploitation de ces ressources nécessite une politique rigoureuse dès lors que les réserves sont considérées comme fossiles ou peu renouvelables.
Le vice-président du CNES relève aussi le défi que présente l’érosion des sols qui «affecte les plaines septentrionales (et) diminue non seulement le potentiel agricole, mais affecte également les capacités de mobilisation des ressources en eau. Ajouter à cela, les diverses pollutions des eaux et les pertes dans les réseaux de distribution d’eau potable et d’irrigation aggravant la situation en matière de disponibilité d’eau. A titre d’illustration, les pertes totales dans les réseaux de distribution d’eau potable dans les villes sont estimées à 50% des volumes prélevés et 40% pour les réseaux d’irrigation».
8 milliards m3/an de potentialités souterraines
Evoquant les potentialités en ressources souterraines dans le détail, M. Mekidèche précise que les études ont permis de «répertorier, pour le Nord, 147 aquifères,
9000 sources, 23 000 forages et 60 000 puits avec un potentiel de deux milliards de mètres cubes/an et une exploitation de
1,8 milliard de mètres cubes/an. Pour le Sud, les grandes nappes du Sahara septentrional disposent d’un potentiel de 6 milliards de de mètres cubes/an et des ressources exploitées de 1,5 milliard de mètres cubes/an ». Globalement, l’Algérie dispose ainsi d’un potentiel total de ressources en eaux souterraines de 8 milliards de de mètres cubes/an, soit près de 22 millions de de mètres cubes/jour.
Cependant, les disponibilités en ressources souterraines différent d’une région à une autre. Il y a des zones où l’eau est disponible en grandes quantités, alors que dans d’autres cette ressource est plutôt en baisse. C’est le cas de la région de Tiaret, à titre indicatif, où les autorités locales ont interdit l’exploitation des eaux de la nappe à l’irrigation.
Pour rappel, il y a quelques jours, les autorités locales ont dû intervenir pour détruire pas moins de 60 ha de cultures maraîchères dans la wilaya de Tiaret pour éviter la surexploitation de la nappe souterraine d’où est alimentée cette région en eau potable. Les services de l’hydraulique de cette wilaya ont expliqué alors que le débit de cette nappe chute de plus de 50% dès qu’il y a exploitation pour irrigation. Dans cette région des Hauts Plateaux, l’agriculture irriguée est donc interdite, alors qu’elle fait partie des régions agricoles du pays. C’est la première wilaya en termes de production céréalière.
L’autre question qui se pose dans l’exploitation et la gestion des ressources hydriques est relative à la rentabilité des investissements engagés. Ces cinq dernières années, le secteur vient d’être doté d’importantes infrastructures à la faveur des disponibilités financières exceptionnelles en Algérie, dues à la hausse des cours du pétrole. Pour ne citer à cet égard que le réseau de transfert depuis le barrage de Taksebt dans la wilaya de Tizi Ouzou vers la capitale sur une centaine de kilomètres. Réalisé par la société canadienne SNC Lavalin, l’amortissement de ce projet prendra des décennies sans doute, (voire n’interviendra jamais), sachant que la tarification de l’eau potable est loin de refléter le coût de revient du produit.     


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