Algérie

L’Ami algérien. (Co Gérard Tobelem) de Salah Guemriche, (Textes) - Éditions JC Lattès, Paris, 2003



L’Ami algérien. (Co Gérard Tobelem) de Salah Guemriche, (Textes) - Éditions JC Lattès, Paris, 2003
Salah Guemriche et Gérard Tobelem / Les deux amis de Guelma

Une amitié s’est tissée entre deux enfants, dans l’Algérie colonisée, précisément à Guelma, un peu avant le déclenchement de la guerre de libération, puis s’est développée dans toute son innocence durant les années de braises.

Une amitié entre un enfant pied-noir et un enfant indigène, le premier du quartier européen, ou celui des colons, enfin de la ville basse, l’autre du quartier des indigènes, de la ville haute. Mais dans la ville basse, il y avait aussi les petites gens, dont les parents du petit pied-noir par exemple.

Au revoir les enfants

Les deux écoliers s’éclataient aux jeux de la récré à l’école primaire Anatole France (aujourd’hui Mouloud Feraoun), puis au collège d’Alembert (aujourd’hui Mohamed Abdou), où ils s’amouracheront de leur prof de science, la belle Claude Raynaud aux yeux bleus ; ils partageront tant d’émotions et tant de douleurs aussi. Car, le pied-noir partira précipitamment pour la France, la veille de l’indépendance, sans pouvoir avertir son petit ami algérien. Puis les deux destins creuseront leur chemin, chacun de son côté, enfin d’un côté et de l’autre de la Méditerranée. Puis voilà, le pied-noir deviendra professeur de médecine et directeur de l’Institut des vaisseaux et du sang, l’autre bourlinguera d’abord en Algérie, taquinant la muse par-ci, tâtant du journalisme par-là, puis finira par «atterrir» en France la plume finement affûtée en tant qu’essayiste et romancier. 1962-1999, 37 ans après s’être quittés, ils se retrouveront en 1999. Nous parlions de Gérard Tobelem et de Salah Guemriche. Comment faut-il sceller ces retrouvailles ? Par un livre L’Ami algérien, où ils racontent chapitre après chapitre, leurs souvenirs d’enfance, et s’expliqueront l’un et/à l’autre sur tant de quiproquos et tant de on-dits de l’époque. Avec tendresse, avec sincérité et parfois ou souvent avec humour, mais non sans sérieux. Les chapitres s’alternent d’une manière équitable, à chacun le sien et à chacun son style.

En fait, les deux styles se complètent, comme les deux amis sont complémentaires l’un à l’autre. Adultes, l’un et l’autre farfouillent dans leur mémoire et couchent leurs souvenirs personnels et communs et les sensations de l’enfance. Tobelem écrit ceci : «L’Algérie était certes un département français, mais avec un statut à part. Les droits n’étaient pas les mêmes pour tous, et les pieds-noirs s’en accommodaient. Un ouvrier agricole européen ne se sentait pas solidaire d’un ouvrier agricole arabe».

Beaucoup de ce genre de témoignages sincères pullulent dans le livre. Mais outre ces deux petits héros du livre, il y a aussi Guelma. Guelma du 8 mai 45. Guelma de l’Escadron noir, qui aura la Coupe d’Afrique du Nord en 1953. Guelma des «cinq cadavres de fellaghas» exposés à la Place Saint-Augustin, une scène terrible et terrifiante pour les deux mômes, qui auront vu ce que c’est que la mort. Guelma, Calama des Romains avec ses stèles et autres statues millénaires, dont beaucoup seront détruites au lendemain de l’indépendance. Un très beau livre sur l’enfance et la naissance d’une amitié et de l’Algérie libre. Une naissance de l’Algérie dans la douleur vue et vécue par deux enfants, que «tout rapproche (ait) et sépare (ait) à la fois».


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