L?ami...
Le meurtre de Jebrane Tuéni nous affecte très fortement. C?était une voix libre, un journaliste passionné, un brave, un homme de conviction, qui ne craignait pas d?afficher des idées parfois tranchées et radicales dans un Liban tumultueux et instable. Les journalistes algériens ont bien connu Jebrane Tuéni. Il était leur ami. Il a été l?une des rares personnalités des médias du monde arabe à s?impliquer, ouvertement, sans la moindre ambiguïté, à nos côtés dans les moments les plus durs. Pas uniquement par des mots. Il est bien connu que, durant les dix années d?enfer que les journalistes algériens avaient vécues, les médias arabes se sont tus. Ils ne se sentaient pas concernés. Ou très peu. Jebrane Tuéni ne s?est pas tu et a beaucoup agi. Il a manifesté une solidarité humaine très particulière. Champion de la liberté dans son pays, élevé dans une famille libérale, dont le grand-père a fondé An Nahar en 1932, et dont le père Ghassan Tuéni est une autorité morale et intellectuelle incontournable au Liban, Jebrane Tuéni a marqué son soutien au combat des journalistes algériens par des actes concrets et précis. En tant que membre du comité de défense de la liberté de la presse de l?Association mondiale de journaux (AMJ), qui regroupe 15 000 quotidiens, il intervenait régulièrement auprès des autorités algériennes, dénonçant les actes de censure et autres atteintes au travail des journalistes. Tout comme il exprimait, à chaque assassinat de journaliste algérien, son indignation, son horreur et sa colère. En septembre 1995, Tuéni invite cinq directeurs de journaux (El Khabar, Liberté, La Tribune, Le Soir d?Algérie et El Watan) au Liban lors d?une conférence panarabe. Ce fut un moment d?émotion qui nous avait permis d?expliquer aux médias libanais et arabes le sens du combat mené en Algérie, faisant face aux groupes terroristes islamistes et à l?autoritarisme. Tuéni, dont le pays, à l?époque, était occupé par Israël et la Syrie, était un homme qui saisissait parfaitement la complexité de la tâche des journalistes, confrontés, au quotidien, à tant de défis. En septembre 1998, il fait partie d?une délégation de l?AMJ qui séjourne à Alger. Il se fait fort d?interpeller les autorités sur les suspensions de journaux, l?emprisonnement de journalistes... Jebrane Tuéni était un farouche militant de la liberté de la presse dans le monde arabe et n?avait pas de mots assez durs pour qualifier les régimes arabes fermés à toute évolution. Sa mort est une énorme perte. C?est un coup dur pour les hommes libres du monde arabe.
Posté Le : 13/12/2005
Posté par : sofiane
Ecrit par : Omar Belhouchet
Source : www.elwatan.com