Algérie

L'ambassadeur de la Turquie au Quotidien d'Oran Le «made in» turc revient



« Oran est la région qui commerce le moins avec la Turquie». C'est l'une des petites révélations de l'ambassadeur turc, lors de son crochet au Quotidien d'Oran. Occasion de donner quelques détails sur la présence turque en Algérie, celle du «made in...», des entreprises et des échanges commerciaux. L'Oranie reste un terrain à conqué-rir pour les entreprises turques et «Oran est la région qui commerce le moins avec la Turquie», révèlera l'ambassadeur de ce pays à l'occasion de sa 3ème visite dans la ville. «Une 3ème visite parce que à chaque déplacement, j'ai rarement eu l'occasion d'entrer véritablement en contact avec la société de cette ville et à comprendre ses attentes», nous confiera-t-il à l'occasion d'une discussion «libre». La teneur faible des échanges, mis à part une entreprise de bâtiment qui a déjà à son actif un gros chantier de logements et un prochain projet de fabrication de rond à béton pour un investissement qui se chiffre en centaines de millions de dollars, «serait peut-être due à l'absence de ligne aérienne directe entre Oran et Istanbul». La raison? «Officiellement, la compagnie algérienne a parlé de concurrence déloyale» malgré un plaidoyer insistant - «depuis des années», dira Mr Ahmet Necati Bigali - et l'existence d'un marché et d'une clientèle qui se bouscule «au point où il est impossible de trouver une réservation un mois à l'avance». Le marché aérien entre les deux pays reste «verrouillé» alors que la «présence» des compagnies aériennes charters ne date pas d'hier en Algérie et que les pilotes turcs font partie du personnel d'Air Algérie depuis longtemps. «La concurrence ? Elle se situe peut-être dans la qualité des services mais surtout dans les coûts, puisque la compagnie algérienne reste très cher» face à des privés turcs qui se déploient agressivement dans le marché mondial, offrent mieux et «rentabilisent» au maximum les saisons mortes de l'hiver turc «durant lequel le flux des 23 millions de touristes par an est au point mort». Il existe, «pour information», 06 vols hebdomadaires à partir d'Istanbul vers Alger, et «les avions sont archi-pleins, alors qu'Air Algérie assure un programme de trois vols hebdomadaires avec un taux de remplissage faible pour des raisons d'offres de services aussi». Pour l'ambassadeur, «L'itinéraire Alger reste l'itinéraire le plus cher au monde» : un vol Istanbul-New York coûte 500 dollars, alors qu'un billet Istambul-Alger revient à 700 dollars, nous assurera-t-il. Reste que face à une Air Algérie qui impose ses prix, la concurrence impose la ruse en quelque sorte: «pour les compagnies turques, si vous voulez aller à Tokyo à partir d'Alger via Istanbul, on vous fera payer le vol Alger-Istanbul à 700 dollars selon les prix fixés, mais vous ne payerez que 50 dollars entre Istanbul et Tokyo par exemple». La Turquie reste cependant, selon son représentant, un «gros carrefour» pour la carte du transport aérien mondial et pour l'Asie centrale par exemple, malgré des concurrences naissantes. Les filons de la clientèle sont quant à eux constitués par les Algériens intéressés par les étalages turcs, touristes ou porteurs de valises, mais aussi des Chinois et des Japonais dont la main-d'oeuvre investit le marché algérien en force et les Turcs eux-mêmes, entre opérateurs, représentants de sociétés ou simples ouvriers de chantiers. Au fait, «combien sont-ils en Algérie ?». 1.600 pour les résidents permanents, avec carte de séjour, mais «ils ne faut pas oublier les 5.000 par jour qui transitent par Alger pour de courts séjours de travail ou de transactions». Un flux motivé par les échanges commerciaux entre les deux pays et qui ont connu une «explosion» depuis 2004. «Au début de 2004, à ma prise de fonction, j'avais vu qu'il existait 16 sociétés turques au total qui avaient une représentation à Alger. Aujourd'hui, elles sont 164». Les chiffres des échanges sont eux aussi très éloquents: «Le commerce extérieur turc avec votre pays était de l'ordre de 1.32 milliard de dollars pendant longtemps. En 2006, ce chiffre était de trois milliards de dollars pour la globalité des échanges. Ceci sans parler de la nouvelle crise d'approvisionnement» en gaz imposée par l'Iran à la Turquie. «Nous avons été obligés de revenir nous approvisionner en Algérie et pour le seul début de 2008, nous en sommes déjà à une facture payée de plus d'un milliard de dollars en gaz». Les chiffres de la balance commerciale entre les deux restent cependant peu capables de «refléter» la réalité. «Les statistiques ne disent pas la vérité sauf pour le GNL avec un peu plus de deux milliards/an». L'explication est assez complexe et se résume à l'inexistence d'un accord de libre échange avec l'Algérie, «ce qui oblige la marchandise turque à transiter par des pays européens pour bénéficier des effets d'exonération de l'accord entre l'Algérie et l'UE», analysera l'invité «puisque la Turquie est, commercialement parlant, membre de l'UE mais n'étant pas encore membre à part entière, elle ne bénéficie pas des mêmes relations privilégiées avec l'Algérie». Certains pays développés du nord de la méditerranée se sont même fait une spécialité juteuse de ce filon d'achat de produits turcs à revendre pour les pays tiers de la rive sud dans le cadre de l'accord «UE». Un frein pour le flux de la production turque qui a su, selon beaucoup, attirer le marché des délocalisations, capter les ventes de licences de fabrication, qualifier sa main-d'oeuvre et se placer dans le marché mondial par une «politique d'ouverture sans limites» pour tout ce qui pourra relancer l'économie de ce pays. Le catalogue des produits «made in Turkey» écoulés dans le marché algérien est vaste: fer, acier, textile, électronique, électroménager, produits finis ou semi-finis et, surtout, les véhicules. La rumeur des voitures européennes montées en Turquie est une réalité donc. «La Turquie est devenue le 2ème grand producteur de l'électroménager en Europe», selon le représentant de ce pays, et «50 % des téléviseurs vendus en Europe viennent de la Turquie». Ceci sans parler des coups d'éclats comme l'achat par des entreprises de ce pays de grandes marques européennes de l'électronique pour des fabrications ou des montages sous licence «dans des pays étrangers comme l'Allemagne ou l'Autriche par exemple». Des formules diversifiées avec, souvent, des capitaux d'investissements étrangers et une production turque. Mieux encore, nous révèlera notre interlocuteur, presque pour illustrer le débat prévu aujourd'hui à Oran, sur invitation de la Confédération des cadres de la finance et de la comptabilité, sur le modèle de développement turc, certains grands labels ont démarré avec la formule de «coopératives d'anciens officiers de l'armée qui ont investi leur argent dans ces secteurs», par exemple. Le modèle de développement turc ? Peut-être une solution à creuser, pour ce pays qui nous ressemble tant, coincé entre la montée de l'islamisme, le poids du nationalisme, le jeu de séduction-répulsion face à l'Europe, la position géographique enviée et les obligations d'alliance pour la survie, sans parler des fragilités du système politique en quête d'équilibre.


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