L'alliance Grains Overseas peine à faire face à l'offensive russe

La bataille du blé entre la France et la Russie n'est pas arrivée à sa fin. La menace de perdre leurs clients traditionnels ou du moins de voir réduire les quantités de blé exportables fait réagir les producteurs français qui ont décidé de constituer une alliance.Appelée Grains Overseas, cette alliance française de coopératives céréalières, qui a vu le jour au début du mois en cours et a pour mission de «relever le défi de l'approvisionnement en mer Noire», aura du mal à faire face à la concurrence grandissante de la Russie, notamment en Afrique du Nord.
Cette alliance, regroupant InVivo, Axereal et NatUp, qui ont décidé de combiner leurs exportations de blé tendre et d'orge fourragère en dehors de l'UE, risque, selon les analystes, de ne pas suffire à sauver les marchés traditionnels de la France, premier producteur de céréales de l'Union européenne. Le marché algérien est vital pour les producteurs français et ils semblent avoir du mal à le garder, expliquent des négociants et analystes à l'agence Reuters.
La montée en puissance de la production russe pour devenir premier exportateur mondial de blé a eu une incidence négative sur les ventes françaises sur les marchés marocain et égyptien, et menace sérieusement de concurrencer ses parts du marché algérien.
«La France devient plus tributaire de l'Algérie, dont les exigences en matière d'appel d'offres excluent effectivement le blé russe», mais pas pour longtemps. «Le jour où l'Algérie ouvrira son marché à la Russie, le blé français sera condamné. Les coopératives françaises peuvent consolider ce qu'elles veulent, cela ne changera rien, si le blé français n'est pas capable de faire le poids, en termes de qualité et de prix, avec la céréale provenant de la mer Noire», déclare un négociant à Reuters.
Au cours de la campagne 2018-2019 jusqu'au 30 juin dernier, la France avait expédié quelque 10 millions de tonnes de blé tendre en dehors de l'UE, contre plus de 12 millions de tonnes enregistrées au début de la décennie. Les exportations russes quant à elles se maintiennent à 36 millions de tonnes, largement loin des 21 millions de tonnes produits par l'Europe.
Grains Overseas «se donne ainsi pour mission de maintenir des volumes importants de céréales françaises en Afrique du Nord, tout en évitant les pertes financières qui ont nui aux pupitres de négociations ces dernières années», explique-t-on. «Cela pourrait être un bouleversement pour le secteur français, alors qu'il réalise qu'il n'est pas seul sur les marchés d'exportation?
Le fait que vous ayez trois grosses coopératives impliquées pourrait forcer le marché français à se faire concurrence sur les prix internationaux», estime un commerçant interrogé par Reuters, d'autant que sur le marché international, le blé de la mer Noire offre des avantages en termes de qualité et de prix.
La Russie envisage d'ailleurs de booster davantage sa production, qui est déjà très importante, en investissant des dizaines de milliards de dollars à l'horizon 2035 dans ce secteur céréalier et en visant des marchés pour l'heure acquis à la production européenne, que sont l'Algérie et l'Arabie Saoudite.
Si les producteurs français ne revoient pas leur politique tarifaire, ils auront bien du mal à tenir longtemps dans ces marchés dont les recettes financières sont tributaires des prix du pétrole et veulent maintenir un même niveau d'approvisionnement en céréales mais moyennant une facture moindre.
«Si l'Algérie modifie ses conditions d'adjudication (pour l'achat du blé russe), le prix du blé français perdrait dix euros du jour au lendemain? Où irait le blé français alors '» se préoccupent des commerçants en notant que la conjoncture politique et économique en Algérie plaide pour le recours à un blé moins cher.