Publié le 29.07.2024 dans le Quotidien l’Expression
Le tourisme est un gisement d'or national inestimable et inépuisable. Mais nous n'avons pas le savoir-faire dans ce domaine.
Les yeux fermés, nous marchons sur un trésor historique, naturel et humain. L'Histoire ancienne a gâté l'Algérie d'une mémoire rarissime. Mais nous n'avons pas su, ou nous ne voulons pas, enseigner notre histoire avec toute sa gloire et sa splendeur plurielle. La nature d'Allah a offert à notre pays des paysages singuliers. Nous sommes les gardiens d'une beauté inouïe, mais nous n'avons jamais su être à sa hauteur.
Certes, nous ne voulons pas faire un tourisme à l'image de nos voisins de l'Est ou de l'Ouest. Le tourisme est le miroir de l'honneur d'un peuple. Le tourisme positif ouvre l'esprit citoyen sur le monde et sur les valeurs des cultures universelles.
Pour faire de l'Algérie une destination concurrente, il faut inculquer aux Algériens toute une nouvelle philosophie de culture de l'hospitalité touristique.
Certes, l'Algérien est hospitalier, mais son hospitalité est vide de toute rentabilité économique. L'Algérien est généreux, sa générosité provient des restes de la culture tribale. Mais le rapport à l'autre dans le domaine du tourisme est régi par une autre équation, celle de l'offre et de la demande.
Le touriste, ce n'est pas quelqu'un qui frappe à ta porte privée, mais celui avec qui nous partageons des valeurs symboliques et économiques. L'Algérien ne s'est pas encore libéré de la culture du nif. Cette culture est contradictoire avec les valeurs du tourisme. Être au service d'un touriste ne signifie en aucun cas une situation de déshonneur ou humiliation. Nos écrivains, nos peintres, nos cinéastes, nos musiciens n'ont pas travaillé l'image de l'Algérie, ou pas assez. Nous n'avons pas de grands romans sur l'Algérie de la beauté, celle qui fascine. Notre littérature est pleureuse, hantée par les périodes dramatiques de l'Histoire de l'Algérie; la Guerre de libération, la période du socialisme ou la décennie noire du terrorisme. Il n'y a pas de littérature du bonheur, celle qui donne envie aux autres de venir voir notre pays, goûter à notre joie locale.
Nos peintres, et ils sont nombreux, des grandes signatures, n'ont pas pu transmettre les traits du visage de cette belle Algérie qui longtemps a bouleversé les peintres européens depuis le début du XIXe siècle. L'Algérie que nous voulons présenter musicalement au monde d'aujourd'hui, dans un but touristique, doit être libérée du poids de l'évènementiel de l'occasionnel. Nous ne disposons pas d'un guide touristique digne de ce nom. Il n'y a pas de site électronique touristique qui attire l'attention de l'autre, capable de peser dans la concurrence internationale.
Il faut libérer l'Algérie de l'image des années 1970, avec tout le respect dû à cette période et aux hommes les bâtisseurs de l'État-nation indépendant. L'image de l'Algérie souffre de beaucoup de clichés de stéréotypes qui relèvent d'une autre ère, d'un temps révolu. Nous n'avons pas produit suffisamment de beaux livres sur les villes et les villages algériens, sur les hammams, sur le désert, sur les plages, sur le costume féminin et masculin, sur nos montagnes, sur nos forêts et sur nos chevaux.
Pourquoi nos voisins espagnols ont-ils su sauvegarder et profiter du patrimoine architectural légué pas les musulmans berbères et arabes et, nous, nous n'avons pas appris la leçon pour créer une visibilité touristique internationale de tous les vestiges légués par les Romains et les Français?
Les villes algériennes coloniales, à titre d'exemple, avec leur architecture diversifiée, représentent un parc touristique inestimable.
Le Sud algérien, par son Parc national Tassili N'Ajjer est un musée à ciel ouvert avec une surface de plus de 72000 Km2 et dont la surface dépasse celle de beaucoup de pays en Europe.
Nous marchons sur l'or et nous ne savons pas la valeur de toutes ces richesses foulées et négligées.
Nous sommes un pays de tourisme religieux qui peut attirer les foules des touristes dans ce sens. Nous sommes le pays de saint Augustin, de saint Donat, deux figures emblématiques dans la culture chrétienne.
Nous possédons un capital exceptionnel dans le domaine du tourisme culturel, malheureusement non exploité ou vu d'un oeil méprisant. Il faut rappeler la Grotte de Cervantès, située sur les hauteurs du Hamma, à Alger, la Grotte d'Ibn Khaldoun, située à Frenda, wilaya de Tiaret, la tombe du grand poète Mohamed Benmesayeb à Tlemcen... Nous avons de quoi fasciner le monde, nous sommes le pays qui a donné Yves Saint Laurent, Jacques Derrida, Althusser, Albert Camus, Jacques Berque, Jean-Pierre Elkabbach, Jean Daniel, Reinette l'Oranaise, Lili Boniche, Messaoud El Madioni... Nous avons besoin d'un guide ou d'un dictionnaire culturel professionnel qui mentionne et retrace les lieux où ont vécu ces célébrités qui ont marqué le monde de la littérature, de la mode et de la musique. L'Algérien marche sur un trésor, mais sans s'en rendre compte, et cela n'est pas de sa faute!
Nous avons besoin d'une pédagogie politique et culturelle juste, claire et efficace afin que l'Algérien prenne conscience de ses richesses touristiques, et c'est l'heure de la cloche du nouveau réveil!
Amin Zaoui
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 10/08/2024
Posté par : rachids