La définition d’un territoire n’est pas une invention survenant ex nihilo. Au cours de son histoire, il peut éventuellement évoluer. En Algérie, le grand chamboulement est intervenu incontestablement lors de la colonisation. Bien que le peuple algérien ait résisté stoïquement, force est de reconnaître qu’après l’échec du soulèvement de 1871 la domination coloniale devient totale.
Cela dit, à en croire Abdelkader Yefsah, dans « la question du pouvoir en Algérie », cette domination produit le but inverse que la colonisation s’est assigné. « En détruisant avec violence les structures féodales et précapitalistes, le colonialisme français libérera plusieurs millions d’hommes de leur léthargie et de leur univers traditionnel pour les propulser dans l’arène internationale », écrit-il.
Inconsciemment, le colonialisme donne un cadre dans lequel les Algériens apprendront à vivre ensemble. D’ailleurs, c’est en défendant ce territoire que la conscience nationale commence à prendre forme. Bien que les revendications soient, au début, timorées, le mouvement national ne cesse de progresser. Ainsi, du lancement du mouvement des « Jeunes Algériens », en 1912, où l’on réclame la juste répartition de l’impôt et l’abrogation du code de l’indigénat, au Front de libération nationale (FLN), en 1954, où le mouvement révolutionnaire recourt à la lutte armée en vue de libérer le territoire, la radicalisation du mouvement national va crescendo.
Néanmoins, bien que les différents courants s’en tiennent au même cadre national, il n’en reste pas moins que le mouvement est scindé en deux grandes familles : les réformistes et les indépendantistes. Le premier courant ne revendique pas forcément la fin du joug colonial, mais se bat pour son évolution vers des réformes égalitaires. À l’intérieur de cette coalition, il arrive que des échanges soient houleux entre ses membres. La réponse d’Abdelhamid Ben Badis à Ferhat Abbas, à propos de l’existence de l’Algérie, dénote le malaise régnant au sein du courant réformiste.
Cependant, à l’exception du PCA (parti communiste algérien), faisant partie lui aussi du courant réformiste, qui reste enfermé dans sa conception restreinte de la lutte des classes –le PCA veut intégrer la revendication algérienne à un cadre international plus large, selon ses dirigeants –, force est d’admettre que les positions des Oulémas et du parti de Ferhat Abbas évoluent vers la rupture.
Pour ce dernier, dès 1943, le constat est tranchant. « Le peuple algérien, dans son désir de servir à la fois la paix, la liberté, élève sa voix pour dénoncer le régime colonial qui lui est imposé », écrit-il dans le fameux manifeste présenté aux autorités coloniales en mars de la même année.
Le second courant revendique, quant à lui, dès sa création, la fin de la domination coloniale. De l’ENA (étoile nord-africaine) au FLN, le mouvement indépendantiste ne cesse d’accroître son influence. Malgré les dissolutions de l’ENA en 1937 et du PPA en 1939, à chaque fois le mouvement indépendantiste se reconstitue en élargissant sa base. Hélas, sa force représente aussi son talent d’Achille.
En effet, à partir du moment où le parti devient un mouvement de masse, il est normal que courants puissent exister en son sein. Ainsi, à quelques mois de la scission du PPA-MTLD, trois courants distincts animent le parti. Le premier est composé des centralistes. Leur conception ne diverge pas fondamentalement de celle de l’UDMA de Ferhat Abbas.
Le second regroupe les messalistes. Bien qu’ils soient radicaux en théorie, Messali Hadj n’agite le spectre de la révolution que pour inciter les autorités coloniales à traiter avec lui. Enfin, le courant activiste regroupe les anciens membres de l’OS (organisation spéciale). Interdits de congrès en avril 1953, ces derniers attendent le moment idoine en vue de s’affranchir de la tutelle des centralistes et des messalistes.
En novembre 1954, ils créent leur propre parti, le FLN. Devenu un véritable rouleau compresseur à partir de 1956, le FLN historique concrétise le rêve de tout parti révolutionnaire : l’unification de toutes les tendances politiques en vue de restaurer et de refonder la nation algérienne dans ses frontières héritées de la colonisation.
Bien évidemment, dans cette reconquête du territoire, à chaque fois que le mouvement révolutionnaire a fait appel à la population (grève des huit jours en 1957, les manifestations de décembre 1960), l’adhésion au mot d’ordre se fait sans encombre.
Hélas, à l’indépendance, les usurpateurs du pouvoir se sont privés de cet élan en écartant uniment le peuple algérien de la gestion des affaires du pays. Et c’est justement ce capital humain qu’il faudrait mobiliser pour que l’Algérie se mette derechef en mouvement.
Pour conclure, il va de soi que l’Algérie est un legs à protéger. Car, ses meilleurs fils ont donné leur sang pour que ce territoire soit enfin libéré. Est-ce qu’une opposition au régime est une façon de compromettre la souveraineté nationale comme tente de l’accroire Saïd Saidani ?
C’est faux. Ceux qui ont trahi le combat des martyrs de la révolution sont ceux qui ont pillé les richesses du pays, empêchant par la même occasion son développement, et ceux qui ont créé une Algérie à deux vitesses, alors que la proclamation de novembre 1954 prône un régime démocratique et social.
Aït Benali Boubekeur
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 02/03/2016
Posté par : AitBenaliBoubekeur
Ecrit par : Ait Benali Boubekeur
Source : http://ait-benali.over-blog.com/