Après la
démission de Rabah Saadane, le Bureau fédéral de la FAF semblait avoir tranché le
problème du choix d'un nouvel entraîneur.
A l'époque,
paris, supputations et sondages furent ouverts, pour résoudre l'épineuse
question : faut-il recruter un entraîneur algérien ou un étranger ? Prenant son
courage à deux mains, et après concertation avec les responsables de la Place
du 1er Mai, le Bureau fédéral opte pour un algérien et nomme Abdelhak
Benchikha.
Les incertitudes de
la gouvernance footballistique
Nous pensions
l'affaire définitivement réglée, surtout après que le nouvel entraîneur de l'EN
ait tenu conférence de presse au cours de laquelle il déclara «je veux réussir
!». Peut-être avait-il trop parlé, puisque de nouvelles instructions firent
leur apparition. Je vous en rappelle la teneur telle que parue dans le
Quotidien d'Oran du 21 septembre 2010 : «La FAFF a reçu des instructions pour
recruter un entraineur étranger de renom à partir de janvier prochain… C'est
dans le souci de s'aligner sur les grandes nations du football que cette
décision a été prise par les plus hautes instances de l'Etat.». Le Président de
la FAF est ainsi sommé de se mettre en route, dés à présent, pour recruter
l'oiseau rare, même si son salaire venait à crever le plafond des 200.000
euros, par mois, il faut bien le préciser. Les raisons évoquées : imiter les
nations huppées du foot mondial, veiller au standing acquis par l'EN lors du
dernier mondial et sacrifier aux obligations qu'imposent la nouvelle
organisation professionnelle du football algérien. Tout cela ne semble que
confirmer le processus d'étatisation du mouvement sportif national engagé à
partir du fameux décret 05.405. Processus consacré par la loi de finances
complémentaire de 2010 attribuant la part du lion, au seul football professionnel,
au détriment des autres disciplines sportives.
Nous revoilà donc revenus à la case de
départ, avec une échéance qui nous pend au nez pour le mois prochain : le match
contre la Centrafrique. Mettez vous à la place de Benchikha. Comment va-t-il
aborder ce match ? Quelle influence sur son moral et sa propre préparation
psychologique à cause de ce coup de tonnerre qui sape son autorité naissante ?
Que vont en dire et penser les joueurs ; parce qu'à leurs yeux, il ne sera pas
le véritable patron? Quelqu'un d'autre viendra occuper la place préparée par
son travail et celui de Saadane. C'est ce que tous les entraineurs algériens
seront en droit de penser, face aux incertitudes de la gouvernance de leur
discipline.
Les aléas du développement
sportif
Revenons donc à
cette fameuse question du choix de l'entraineur de l'EN : national ou étranger
? Pour prendre la décision de nommer Benchikha, le Bureau fédéral de la FAF a
du interroger les résultats obtenus par l'EN depuis l'indépendance à nos jours.
La réponse est nette : ce sont les entraineurs algériens qui ont obtenu les
meilleurs résultats. Mekhloufi et l'équipe du FLN ont fait monter l'Algérie sur
la plus haute marche du podium, en août 1975, lors de la septième édition des
jeux méditerranéens d'Alger. Sept années plus tard, ce sont des entraineurs
algériens qui vont lui ouvrir avec Khalef et Saadane les portes de la
qualification au Mondial de 1982 et créer l'incroyable en faisant chuter l'ogre
allemand. Nous serions passé au deuxième tour n'eût été la combine antisportive
germano-autrichienne. En 1990, l'Algérie organise et remporte la Coupe
d'Afrique des Nations grâce à Cheikh Kermali de la glorieuse équipe du FLN.
Puis, un trou noir de vingt quatre années,
une traversée du désert à nulle autre pareille que la décennie noire ne peut
expliquer à elle seule. Il faudra plutôt chercher les causes du côté de
l'instabilité politique qui aura lourdement affectée le secteur jeunesse et
sport qui vit défiler un nombre impressionnant de ministres en une période relativement
courte. Une instabilité expliquant l'impossibilité de définir et de mettre en
Å“uvre une véritable stratégie du développement sportif fondé sur le sport à
l'école, un système de détection et de perfectionnement des jeunes talents
sportifs, soutenu par la formation au sein des clubs, en y investissant les
moyens nécessaires. Or, au cours de cette longue période, le sport scolaire fut
traité en parent pauvre et s'est vu accorder la portion congrue, lorsque la
Sonatrach, entre autres clubs riches, se permettait un budget dix fois
supérieur à toute une fédération riche de milliers de pratiquants.
Mais, dans cette
contribution, je vais en rester à la question des entraîneurs, en relation,
bien entendu, avec tous autres paramètres du développement sportif en général
et du football en particulier.
Football et
politique
Tout le monde est
désormais convaincu du poids politique et social du football, dans l'imaginaire
des foules, en Algérie, ou ailleurs, dans le monde. La qualification au Mondial
de Johannesburg, révéla avec force, la relation du football, avec l'univers des
valeurs patriotiques, pour expliquer les gigantesques déferlements provoqués à
l'occasion de chaque match. Les politiques ont surfé avec habilité et à propos
sur ces vagues déferlantes de ferveur populaire ; d'où l'importance accordée au
choix de l'entraineur de l'EN. Le départ de Saadane n'a pas livré tous ses
secrets pour savoir qui de la volonté de l'intéressé ou de l'intervention de
«la main invisible» fut déterminant dans sa démission. Même si beaucoup
considèrent le recrutement d'un entraîneur étranger comme une nécessité, pour
ne pas dire une panacée, je fais partie de tous ceux et celles qui pensent que
nous devons d'abord faire confiance aux forces et compétences nationales. Ce
principe est valable aussi bien pour le choix des entraineurs que celui des
joueurs. Car les uns et les autres sont l'expression concrète du niveau de
développement réel atteint par notre football, loin de toutes les illusions
nées de recrutements hors de nos frontières. Bien sûr, le challenge étant de
nature essentiellement politique l'on objectera qu'il serait mal venu de bouder
les facilités qu'offre le choix d'entraineurs étrangers, sans en mesurer les
conséquences et les inconvénients.
Au commencement
était la formation des cadres
Il est indéniable
qu'en football les résultats évoqués plus haut nous paraissent être les seuls
critères pertinents pour valider la justesse de tel ou tel choix. Ils
démontrent, si besoin en était, la valeur ou l'insuffisance de notre système de
formation. Celui ci a produit des cadres de qualité ayant fait leurs preuves et
le bonheur d'autres pays, notamment ceux du Golfe, dont le décollage est patent
dans plusieurs sports. Pour ne citer que quelques noms, pour le football, le
CNEPS et l'ISTS n'ont-ils pas fourni Saadane, Tikanouine, Saadi, Zekri,
Mahdaoui et Benchikha. Et je ne cite que ceux surgis au fil de ma mémoire
faisant bien du tort à tous ceux dont le nom aurait mérité d'âtre évoqué.
Rappelons que, dans les années soixante dix,
les premières promotions subirent la critique de ceux que l'on désignait, à
l'époque, par le vocable de «pragmatiques». Bardés de leurs diplômes, les
«scientifiques» n'avaient pas encore subi les épreuves initiatiques du terrain.
Fausse querelle de l'époque ; bien vite dépassée par la conjonction des forces des
uns et des autres, lorsque seules primaient les exigences du développement du
football national.
L'entraîneur moderne n'était plus un gourou
tout puissant, mais la plaque tournante où organisation et logistique, médecine
du sport et kinésithérapie, psychologie et dynamique des groupes, et/ou
sophrologie (devenue une pratique courante dans certains sports, notamment en
ski, en athlétisme, natation, tennis et peu usitée encore en football) étaient
articulées en un ensemble harmonieux et opérationnel. Il ne faut pas oublier la
communication pour éviter que des apprentis sorciers, plus soucieux de la vente
de leur journal que de l'intérêt de l'EN, sèment rumeurs et ragots de
coulisses, empoisonnant la vie d'une équipe toujours à la recherche de sa
cohésion et de son âme. Une équipe pas toujours en mesure de surmonter ses
problèmes internes, d'une part, et ceux créés par les attentes incontournables
du public et la pression toujours présente et insistante des politiques, si
l'entraineur n'était doté d'une personnalité à la mesure des enjeux de l'heure.
Quels critères pour
choisir ?
Nous voyons ainsi
que les résultats sont le produit d'une équation de plus en plus complexe dont
le centre nodal est la formation de cadres modernes dont il conviendra de mieux
cerner le profil. Autrement dit, le Bureau fédéral de la FAF, a certainement du
se fonder sur des critères plus ou moins objectifs pour décider du choix d'un
entraineur. La compétence technique et l'expérience, la personnalité et le
charisme, la force de caractère et la finesse dans le jugement dessinent pour
l'essentiel le portrait de l'entraineur idéal. Mais ce qui est pardessus tout
attendu d'un entraineur moderne, ce sont les capacités d'animation et de
direction d'un groupe d'hommes et de joueurs aux personnalités contrastées, aux
parcours différents, pour en faire un groupe cohérent, tendu vers la
réalisation collective du plus haut niveau de performance possible.
Ceci dit sans tenir compte de la nationalité
de l'entraineur ; car à compétence égale, il est évident que la connaissance du
pays et de son histoire, de sa culture et de sa langue, des clubs et de leurs
entraineurs, des joueurs de leurs qualités physiques et techniques, de leur
marge de progression, vont être des facteurs objectifs de comparaison et de
discrimination positive ou négative. En outre, l'entraîneur algérien vit sur
place sans grandes difficultés, tandis que l'étranger, le plus souvent coupé de
ses racines, éprouve toujours des difficultés d'adaptation pouvant avoir des
répercussions psychosociales, pas toujours favorables au plan moral.
Le football entreprise
planétaire
Faut-il aussi
rappeler que le football est devenu une entreprise planétaire brassant des
milliards de dollars dans un marché où entraineurs et joueurs sont devenus des
vecteurs de la marchandisation effrénée du football. Troussier, l'ancien
entraîneur de l'équipe nationale du Japon, dont il fut question selon les
rumeurs, coûtera, aux dires des spécialistes, dix fois plus cher que Saadane ou
Benchikha. Il en fut ainsi de Schnitegger qui bien qu'activant au niveau d'une
Direction technique nationale bien peu écoutée, a saigné, aux dires de certains
responsables du MJS, les caisses du Fonds national prévu pour encourager les
initiatives de jeunesse et de sport. Sur la base de ces quelques
considérations, entre les compétences nationales et celles venant de
l'étranger, beaucoup d'algériennes et d'algériens optent sans conteste pour les
nationales, parce que notre «salut» doit être durablement assuré, en prenant
les mesures adéquates. Choisir étranger n'est-ce pas dévaloriser les produits
de notre formation et accentuer leur migration vers des cieux plus enclins à
les reconnaître tout en les phagocytant. Que de médecins, de chercheurs et
d'universitaires algériens ont fait le bonheur de l'étranger. Pour ne citer que
Benchikha ne fut-il pas le sauveur du club africain de Tunis. Et puis
finalement, tout le monde en convient, le football n'est pas une science
exacte. Que dire du naufrage de Capello et de l'Angleterre face à l'Allemagne
en quart de finale du dernier mondial ? Que dire du tir d'Antar Yahia à
Omdourman qui expédia l'Egypte en enfer et l'Algérie au paradis. Rien, si ce
n'est que de pareils gestes, nulle science, comme nul entraineur, ne peut les
prévoir ou les programmer. Ils sont le fruit de l'aléa !
Alors soyons cohérents avec nous-mêmes ; avec
la nouvelle politique «patriotique», mise en Å“uvre dans le domaine économique
par les pouvoirs publics, et choisissons algérien !
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Posté Le : 23/09/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Si Mohamed Baghdadi
Source : www.lequotidien-oran.com