Algérie

L'Algérie retient son souffle



Un faisceau d'indices plaide pour que la présidentielle fixée au 4 juillet soit remise en cause. Le premier, le plus probant, réside dans la force, toujours intacte, de la pression populaire exercée sur les autorités tous les vendredis et mardis.Hier encore, en dépit d'un fort déploiement sécuritaire, le hirak a clamé haut et fort son rejet du système ainsi que l'annulation pure et simple de la présidentielle du 4 juillet prochain avec, dans la foulée, le départ du chef d'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, et du chef du gouvernement, Noureddine Bedoui.
L'autre revendication majeure est la mise sur pied d'une période transitoire durant laquelle devront être élaborés un nouveau dispositif juridique électoral et un projet de Constitution. Elle serait conduite par des personnalités indépendantes et un gouvernement d'étape.
Le second indice plaidant pour le report de la présidentielle réside dans le refus des leaders politiques de poids de l'opposition ou indépendants de déclarer leurs candidatures. A deux jours de la date limite du dépôt de dossier, seuls des personnages anonymes ont déposé les leurs : on imagine les conséquences si un illustre inconnu venait à être élu à la tête d'un pays aussi important que l'Algérie.
Le troisième élément est d'ordre constitutionnel : le mandat du chef d'Etat par intérim s'achèvera le 9 juillet, ce qui entraînera inévitablement un vide juridique dans le pays et une situation ingérable s'il surgissait un second tour d'un vote maintenu le 4 juillet contre vents et marées. Enfin, comme la population rejette ce scrutin, elle serait amenée à décider d'un boycott massif et l'élection serait inévitablement invalidée en cas de taux de participation extrêmement bas.
Autre facteur, l'organisation du vote s'en ressentirait si les fonctionnaires chargés de ce travail optaient pour le boycott : des magistrats et des élus communaux ont déjà fait part de cette intention et d'autres catégories de fonctionnaires seraient susceptibles de le faire. La balle est dans le camp des décideurs militaires, qui ne peuvent pas ne pas être conscients de l'impasse créée par les fausses solutions qu'ils ont mises en place.
En toute logique, ils devraient décider de l'annulation le plus tôt possible du scrutin du 4 juillet et entrer en contact avec les éléments constitutifs de la société et de l'opposition politique dans le but d'installer cette fameuse période de transition et les instruments qui vont avec.
Un dialogue est impératif pour la recherche d'un compromis, à la condition que cela se fasse dans l'esprit et la lettre du Mouvement populaire, qui doit rester la référence suprême et non la Constitution faite sur mesure pour Bouteflika et maintes fois bafouée. L'état-major de l'ANP se débarrasserait ainsi d'une épine du pied en même temps que le pays se remettrait à fonctionner dans un nouvel esprit.
Les citoyens seraient soulagés, apaisés et confiants en l'avenir du pays et le hirak n'aurait plus de raison d'exister, sauf si de nouvelles man?uvres surgissaient tendant à faire dévier de son cours le fleuve de la révolution. Car le mouvement citoyen a également une fonction d'alerte. Dans l'esprit des Algériens, il est désormais inscrit comme un instrument privilégié de protection de leur pays.
Il a déjoué toutes les man?uvres visant à le dévitaliser et il possède toute la légitimité et la force pour devenir un partenaire incontournable des autorités politiques et militaires. C'est une nouvelle réalité de l'Algérie post-Bouteflika qui doit s'atteler à de lancinantes difficultés, une fois levée l'hypothèque de l'élection du 4 juillet.
Le premier défi est de remettre sur les rails la machine économique. Depuis des mois, les transactions concernant les entreprises et les particuliers ont considérablement faibli et les investisseurs potentiels refusent de s'engager sur un avenir hypothétique, notamment les étrangers frileux par définition dans le placement de leurs capitaux. Le chômage et la cherté de la vie font des ravages.
L'ambiance est délétère sur fond d'incarcérations et de procès de personnalités civiles et militaires au nom de la lutte anticorruption et également au nom de «la sécurité de l'armée et de l'Etat». Pour l'heure donc, alors que le hirak en est à son 13e vendredi, le pays retient son souffle, attendant une décision salvatrice relative au scrutin présidentiel.


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