Algérie

L'Algérie peut satisfaire ses besoins en céréales mais doit changer de modèle


L'Algérie peut satisfaire ses besoins en céréales mais doit changer de modèle




L'Algérie peut augmenter, de manière significative, sa production de céréales, estimée cette année à 50 millions de quintaux. Mais elle doit changer de modèle et d'organisation pour y arriver.

L'Algérie a franchi un premier palier, qui lui a permis de stabiliser sa production de céréales au-dessus de 50 millions de quintaux par an. Selon M. Omar Zaghwane, directeur général de l'Institut technique des grandes cultures, l'Algérie a réussi à dépasser les 50 millions de quintaux pendant quatre années de suite, entre 2009 et 2012. Elle devrait obtenir un résultat similaire en 2013, après le record de 62 millions réalisé en 2008, année d'une pluviométrie exceptionnelle. Durant la décennie précédente, la moyenne était de 31 millions de quintaux.

Mais pour que l'Algérie puisse atteindre un nouveau palier, celui qui permettrait d'équilibrer la balance céréalière, elle doit changer de modèle et d'organisation. Passer d'un système traditionnel où le rendement est autour de vingt hectares, avec l'espoir d'arriver à une moyenne de trente hectares dans deux à trois ans, à un autre, où il serait possible d'approcher une moyenne de 50 quintaux à l'hectare.

Sur un plan expérimental, le modèle est possible. Dans des périmètres irrigués, le rendement a atteint 50 quintaux à l'hectare à Tiaret, 70 à Constantine et des pointes de 80 quintaux à l'hectare à Aïn-Defla, a indiqué M. Zaghwane. Avec de tels résultats, il n'est pas déraisonnable d'espérer parvenir à une moyenne nationale proche de 50 quintaux à l'hectare, ce qui permettrait à l'Algérie de doubler sa production. Mais pour y arriver, il faut un investissement gigantesque dans l'irrigation, la mécanisation et une réorganisation des exploitations.

Premier paradoxe de l'agriculture algérienne, l'eau est au sud, non au nord. L'immense nappe phréatique est disponible, et peut servir à irriguer des milliers d'hectares. Mais il faudrait, pour cela, un immense maillage des terres à exploiter, pour les doter de réseau électrique, de réseaux d'irrigation, et du dispositif nécessaire pour accompagner toute cette mutation. Au nord, il faudra aussi poursuivre l'effort de maîtrise des eaux. Il s'agit de collecter toutes les eaux de pluie disponibles, en vue de l'utiliser pour l'irrigation alors que l'eau potable continue d'être rare dans de nombreuses régions.

LE MORCELLEMENT DES EXPLOITATIONS, UN IMMENSE HANDICAP

Au nord, un problème majeur empêche le développement des céréales : le morcellement des terres. Qu'il s‘agisse d'exploitations publiques ou privées, les superficies ne sont pas assez grandes pour justifier certains investissements d'envergure dans l'irrigation et la mécanisation. Il faudra bien un jour faire ce constat, et engager une formule qui permettrait de reconstituer des exploitations assez vastes pour susciter la modernisation nécessaire. Mais pour l'heure, les 700.000 exploitations disponibles couvrent le plus souvent de petites superficies, plus proches de l'agriculture vivrière que de l'agriculture moderne.

Le ministère de l'agriculture met les moyens qu'il peut. Essentiellement de l'argent. Les sommes consacrées aux projets agricoles sont énormes, mais leur rentabilité n'est pas évidente. Malgré les déperditions, le ministère persiste dans ces choix. Il finance toutes sortes d'équipements, en espérant que ça finira par donner des résultats. L'Etat finance, par exemple, 60% du prix pour le renouvellement d'une moissonneuse batteuse, en vue de faciliter la moisson dans les 3.5 millions d'hectares consacrés aux céréales, selon M. Zaghwane.

Ces chiffres sont toutefois sujets à caution. Ils signifieraient en effet que le rendement moyen serait plutôt autour de quinze quintaux à l'hectare, un chiffre ridiculement bas. Avec un tel rendement, il serait difficile de croire les chiffres du ministère de l'agriculture, qui a annoncé que la production agricole a connu une croissance moyenne de 13% durant les quatre dernières années. Ce qui signifierait que la production totale a augmenté de 63% en quatre ans!

INCOHÉRENCES

Comme dans de nombreux autres secteurs, les chiffres concernant l'agriculture sont «peu crédibles, et souvent incohérents», nous dit un spécialiste des statistiques. Les prévisions de production 2012 ont été estimées à 56 millions de quintaux, avant d'être ramenés à 52 millions. Quant aux objectifs pour le long terme, il s'agirait de passer de 3.5 à cinq millions d'hectares consacrés aux céréales, en gagnant de nouvelles terres, selon M. Zaghwane. Dans le même temps, il faudra atteindre un million d'hectares irrigués. Les intentions sont là, mais ni les moyens, ni la démarche, ni l'organisation à mettre en place ne sont définis. Les fellahs, de leur côté, suivent avec curiosité cette évolution. Car eux, sont confrontés à des problèmes plus terre à terre. Chaque été, par exemple, se pose pour eux le problème de stockage de la récolte des céréales. Les coopératives de céréales, rapidement débordées, se trouvent contraintes de refuser la production des plus malchanceux.Ceci sans compter l'autre tabou, que personne n'ose aborder : celui du prix. Entre le quintal de blé vendu à une coopérative de céréales, le même quintal transformé en semoule cédée au boulanger ou au pâtissier, et ce que paie le consommateur final, le prix des céréales se détache progressivement de sa valeur économique, pour perdre toute rationalité. En refusant d'envisager une évolution du prix du pain, malgré une grève des boulangers en avril, le ministère du commerce a maintenu toute l'incohérence du marché des céréales.


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