Algérie

L'Algérie peine à convaincre l'Europe



L'Algérie peine à faire valider sa demande de report du calendrier du démantèlement tarifaire de ses produits, par le Conseil d'association avec lequel elle se réunit au Luxembourg depuis hier.

C'est ce qui ressort des déclarations que le ministre du Commerce a fait en marge des assises de l'Habitat. D'ores et déjà, des responsables algériens en font un premier commentaire. «Les Européens savent très bien qu'en trois ans, les choses ne vont pas changer,» nous disent-ils. L'Algérie a demandé, pour rappel, un report du calendrier du démantèlement tarifaire qu'elle avait négocié avec l'UE, avant de conclure l'accord d'association. Elle voulait en fait, faire reporter de 2017 à 2020, la décision de l'ouverture d'une zone de libre échange au sud de la Méditerranée. Elle a soutenu cette demande par celle d'une révision partielle par les deux parties, de la liste des produits exempts des taxes douanières, en raison des pertes sèches qui en ont résulté. Ses représentants ont tenté de la faire accepter durant les 4 rounds de négociations qu'ils ont tenus à cet effet avec les experts de la Commission européenne. L'Algérie continue sa quête d'un accord à ce sujet à travers le 6ème Conseil d'association qui se tient au Luxembourg, ces 19 et 20 juin, sous la présidence du ministre hongrois des Affaires étrangères dont le pays préside depuis janvier l'Union européenne, et son homologue algérien, Mourad Medelci. Les Européens étaient certains que les Algériens n'arriveraient pas à les convaincre en l'espace de 4 rounds de négociations. «La liste est trop longue pour liquider ça en quatre réunions» nous disaient des sources de Bruxelles, à l'ouverture du 4ème round, le 30 mai dernier. La seule chose qui les a laissés optimistes c'est, rappelaient-elles que «le ministre algérien des Affaires étrangères avait dit au commissaire européen chargé de l'élargissement et de la politique extérieure que la délégation algérienne a eu instruction de conclure les négociations sur ce sujet.» Des responsables du ministère du Commerce rappellent cependant, que le 4ème round des négociations sur le démantèlement tarifaire, tenu le mois dernier à Alger a mis au-devant des divergences de taille entre les deux parties. L'UE a déjà fait savoir en plus aux Algériens qu'elle refusait de renégocier la liste des services et les quotas de produits agricoles. «L'UE refuse de céder sur les services,» nous avaient déjà dit ces mêmes responsables.

A entendre le ministre du Commerce en parler, il serait plutôt difficile pour l'Algérie de convaincre les Européens de sa bonne foi, de vouloir vraiment saisir cette période de report pour relancer l'entreprise nationale. «Elle n'a pas réussi à le faire sur ces dix dernières années, elle veut faire croire qu'elle peut y arriver en trois ans ? C'est vraiment trop prétentieux,» estiment nos sources du Commerce.

«La négociation avec l'UE dépasse les diplomates et les cadres algériens»

Des commentaires d'experts algériens font savoir que «l'Algérie n'a pas bien argumenté sa demande, elle aurait dû mettre en place un groupe de véritables experts et spécialistes pour contrer l'entêtement de l'UE et lui faire voir les véritables problèmes qui pèsent sur l'économie nationale.» Ils sont surtout persuadés que «ce ne sont pas les diplomates et les cadres qui peuvent faire ça, ça les dépasse totalement.»

 L'histoire a même gardé à l'Algérie des précédents qui font d'elle un pays qui gère au «par à coup.» En effet, pris de panique par les effets néfastes du démantèlement tarifaire sur l'entreprise nationale, le gouvernement algérien a décidé de revoir le calendrier, conformément aux clauses de sauvegarde que l'Accord d'association lui permet de faire valoir, en cas de pertes de gains pour l'économie nationale. Dès l'entrée en vigueur du calendrier en question, les Algériens avaient vite fait d'observer un profond déséquilibre pour ce qui est des dividendes techniques et financiers devant être générés par l'application de l'Accord d'association, au profit de son économie. Elle a pu faire ces observations grâce à une étude d'évaluation élaborée par … la Commission européenne, 5 ans après l'entrée en vigueur de l'Accord d'association. Pourtant, c'était aux responsables algériens d'en évaluer les premiers, les effets. Les Européens tentent de nuancer les faits en soutenant que «nous avons élaboré cette étude avec une étroite collaboration des autorités algériennes.» Ils en veulent pour preuve que «les chiffres que nous avons consignés dans notre étude nous parviennent de la Banque d'Algérie.» La collaboration s'arrête ici.

Ceci étant dit, les calculs n'étaient pas difficiles à faire pour se rendre compte que le gouvernement algérien avait fait tout faux en négociant les listes des produits devant être soumis à un démantèlement tarifaire. Déjà, durant les négociations pour la conclusion de l'Accord d'association, les choses en la matière, penchaient dangereusement du côté des Européens. L'état de déliquescence et la gestion par à coup de l'économie nationale n'ont jamais rassuré pour gagner quoi que ce soit avec qui que ce soit.

Effets d'une gestion «par à coup»

Le gouvernement algérien avait pris plus d'une dizaine d'années avant d'accepter de signer un accord qui lui était, de prime abord, défavorable justement parce qu'il était persuadé que l'accord ne lui sera d'aucune utilité. Pour prendre toutes ces années, comparativement aux autres pays de la rive sud de la Méditerranée qui avaient conclu leur accord en à peine deux ans, il avait alors fait valoir la situation sécuritaire qui avait totalement plombé l'économie nationale. Des experts algériens et même européens, interrogent à ce jour pourquoi l'Algérie a-t-elle conclu un tel accord et pourquoi s'est-elle empressée d'enclencher les négociations avec l'Organisation mondiale du Commerce. Rien ne l'obligeait à le faire !»

 Six ans sont déjà passés depuis la mise en application de l'Accord d'association (le 1er septembre 2005), mais rien n'a montré que l'entreprise algérienne s'est mise un tant soit peu, au diapason des normes universelles de management. La déliquescence de l'économie et la gestion par à coup sont restées intactes. L'on continue à ce jour, à réfléchir sur le remplacement des sociétés de gestion et de participation de l'Etat (SGP) par toute autre formule capable de tirer le redressement recherché de l'outil public de production. Les entreprises privées continuent de quémander une assistance financière auprès des pouvoirs publics, même si leurs patrons savent pertinemment que pour l'instant, ils ne peuvent leur être que des «alliés» conjoncturels pour des échéances électorales à venir comme ils l'ont été dans celles précédentes. Aujourd'hui, le ministre du Commerce reconnaît implicitement que la liste des produits à (re) soumettre aux taxes douanières qui a été présentée par les Algériens n'a pas convaincu les Européens. Il est dit, ici et là, qu'en réalité, le groupe de travail algérien s'est trompé de liste de produits et de niveau de démantèlement à réviser. Encore une fois, le gouvernement semble avoir fait tout faux, toute honte bue. La seule chose qu'il pourra réussir est d'exiger le gel du calendrier global du démantèlement tarifaire «en attendant de voir plus clair,» disent des experts. Ceci, «s'il aura le courage d'avouer qu'il n'est pas capable de comprendre les choses telles qu'elles se présentent et telles que le pays doit les avoir pour sortir de l'impasse,» ajoutent-ils. Il devra commencer par accepter de mettre sur pied un groupe d'experts qui ont fait leur preuve en matière de négociations économique, commerciale et financière et aussi en matière de réglementation internationale.

Les fausses concessions

En attendant, les Européens ne baissent pas de vigilance. A chaque fois que les autorités algériennes se plaignent du déséquilibre constaté, l'UE tente de leur faire avaliser des dossiers qu'ils ont rejetés par le passé. C'est ainsi qu'à leur demande d'octroi de facilitations de visas, il leur est reproposé de signer un accord global de réadmission. Accord qui fait mal à la politique défendue par le ministère des Affaires étrangères. C'est d'autant plus contrariant pour le MAE, qu'en ces temps de déversement de flux migratoires en provenance des pays du Sud et du Sahel africain sur les côtes italiennes, il refuse à juste titre, de camper le rôle du gendarme au profit des Européens. C'est la seule fois où l'Algérie a réussi à faire jouer la réciprocité en terme de coopération. Le ministère de la Justice est ainsi le seul à avoir échappé au diktat européen que l'Accord d'association conforte, dans toute son ampleur. Ceci, tant que les autorités algériennes s'obstinent à vouloir comprendre les choses, selon les visions étriquées qu'elles ont toujours mis en avant pour projeter le pays sur des voies sans issue. Il faut admettre qu'à ce jour, la partie -européenne- n'est pas du tout gagnée. C'est donc à juste titre que l'Algérie refuse d'accéder à la demande européenne d'un Accord global de réadmission. On apprend cependant, de sources crédibles, que le gouvernement oserait -s'il s'y voit contraint pour arracher un report du calendrier du démantèlement tarifaire- transgresser un de ses principes, celui d'en signer avec quelques pays membres de l'UE. Il s'agirait notamment de certains pays d'Europe de l'Est que le commissaire européen chargé de la politique extérieure et de l'élargissement, Stephan Füle, qualifie de «récalcitrants». La raison en est que ces mêmes pays refusent d'accorder des facilitations de visas dans l'espace Schengen et ce, en brandissant leur droit de veto au sein de la commission européenne. Bien que ces questions fassent l'objet de discussions entre l'Algérie et l'UE, nos sources se plaisent à souligner que «tout ceci ne sera pas rendu public.»

 Ce qui est évident est que le point d'achoppement de toutes les discussions entre les deux parties sera indéfiniment la question de la circulation des personnes. Point pour lequel, l'Algérie doit négocier avec les Etats membres de l'UE, chacun à part. Son refus d'un Accord global de réadmission est justifié par une telle attitude qu'elle reconduit à son profit en exigeant des facilitations de visas d'une manière globale. Combien même ce serait le cas, les responsables algériens pensent que «ce sont de fausses concessions !»

 L'UE tente d'y répondre en affirmant avoir initié un nouveau système à cet effet qu'elle appelle VIS. (Voir le Quotidien d'Oran du 30 mai 2011). L'Algérie est retenue, dit-on comme pays pilote pour de nouvelles procédures de délivrance de visas Schengen. Le lancement de cette opération test est prévu pour l'automne prochain. Des responsables algériens rappellent que l'idée vient de chez eux et qu'elle a été exprimée en 1998. «C'est une idée qui a été discutée avec l'ambassadeur de France, il y a 13 ans, la formule demandée était comme celle appliquée pour les Marocains, un visa Schengen de 4 ans pour que non seulement la personne qui en bénéficie soit classée et connue par les services consulaires européens mais aussi pour éviter toute falsification du visa,» nous dit-on. Aujourd'hui, les deux parties achèvent leur 6ème conseil d'association. Elles signeront ensemble un communiqué pour dire à quoi elles ont abouti.




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