Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'Algérie a mobilisé près de deux milliards de dollars en 2011 pour importer des carburants.
Cette information qui a été rendue publique récemment a suscité moult commentaires au sein de l'opinion publique nationale. Pour le simple citoyen, comment expliquer un tel niveau des importations des hydrocarbures de la part d'un pays qui tire plus de 97% de ses recettes d'exportations à partir du pétrole et du gaz naturel ' L'explication de ce paradoxe vient du fait de la forte croissance de la consommation de carburants destinés aux véhicules et autres engins ces dernières années. Selon les données chiffrées de la Sonatrach, la croissance de la demande nationale en carburants (gasoil et essence) dépasse la moyenne annuelle de 7%. En 2003, le pays consommait 7,5 millions de tonnes de carburant automobile. En 2011, cette quantité est passée à près de 12 millions de tonnes (8,9 millions de tonnes de gasoil et 3 millions de tonnes d'essence). Ce qui représente une forte hausse, dépassant les 70% en neuf ans. Ce qui est énorme. En parallèle, les capacités nationales théoriques de raffinage ont stagné autour de 22 millions de tonnes de pétrole brut. Depuis la fin des années soixante-dix aucune nouvelle raffinerie n'est venue renforcer les capacités de production de carburants et autres dérivés en dehors de celle d'Adrar. En 2007, et dans la perspective de valoriser les nouvelles découvertes de pétrole dans la région d'Adrar une petite raffinerie est entrée en production en association avec une entreprise pétrolière chinoise. Cette nouvelle raffinerie est dotée d'une faible capacité de production de l'ordre de 12 500 barils par jour (600 000 tonnes par an). La raffinerie d'Adrar était appelée à couvrir les besoins en carburants de la région du sud-ouest du pays. Récemment et après plusieurs semaines de grèves des travailleras algérien, entraînant une tension sur les carburants dans cette région, la Sonatrach décide de racheter les parts de l'entreprise chinoise associée. Mais les capacités de production de cette petite raffinerie ne pourront, en aucun cas, couvrir la forte croissance de la demande en carburants du marché national. Quatre grandes raffineries appartenant à Naftec, une filiale à 100% de la Sonatrach, sont en activité dans le pays. La plus importante reste celle de Skikda avec une capacité de raffinage de 300 000 barils par jour, soit l'équivalent de 15 millions de tonnes. Viennent ensuite celle d'Arzew avec une capacité de raffinage de 3 millions de tonnes et celle de Sidi Arcine à Alger avec 2,7 millions de tonnes. Enfin, la raffinerie de Hassi Messaoud dispose d'une capacité qui ne dépasse pas le demi-million de tonnes annuellement. La totalité des raffineries en activité dans le pays sont dotées d'une capacité avoisinant les 22 millions de tonnes. Et pour faire face à la forte croissance de la demande la compagnie pétrolière nationale a décidé de lancer un important plan de modernisation des trois grandes raffineries citées plus hauts. Bénéficiant d'un montant de quatre milliards de dollars, ce programme se fixe comme objectif de porter la capacité nationale de raffinage à plus de 27 millions de tonnes par an contre 22 millions actuellement. Sonatrach compte aussi construire plusieurs nouvelles raffineries d'ici à 2016. Mais en raison de plusieurs facteurs et attendant la concrétisation de ces projets, il faudrait s'attendre à un alourdissement de la facture des importations des carburants (gasoil et essence) dans les années à l'avenir. Hausse du parc automobile et baisse des recettes d'exportations des produits raffinés En 2011, pas moins de 390 000 véhicules ont été importés contre 285 337 véhicules en 2010. Ce qui représente une forte hausse avoisinant les 37% en l'espace d'une année. En 2010, le parc national automobile comptait près de 4,3 millions de véhicules, dont près de 2,7 millions est constitué de véhicules de tourisme. Selon les données de l'Office national des statistiques (ONS) plus de 65,70% des véhicules roulent à l'essence contre 34,27% au gasoil. Mais la forte demande en gasoil relève des camions qui roulent à près de 95% au gasoil. En raison de la forte croissance du parc national automobile attendue pour les années à venir la pression de la demande sur les carburants, particulièrement le gasoil, restera soutenue. Pour répondre à cette forte croissance du parc automobile nationale l'Algérie est devenue, graduellement, un grand pays importateur de carburants. En 2011, les importations de gasoil opérées par la Sonatrach ont augmenté de 77%. Tandis que celles de l'essence ont bondi de 240%. En quantité physique, la compagnie pétrolière nationale a importé, l'année passée, prés de 2,3 millions de tonnes de produits raffinés, dont 1,3 million de tonnes de gasoil et 380 000 tonnes d'essence. Pour avoir une idée sur l'ampleur des quantités de produits raffinés importaient, il suffirait juste de dire que ces dernières sont presque équivalentes aux capacités de la raffinerie de Sidi Arcine d'Alger. La facture payée en devises par la Sonatrach pour importer des carburants a été de l'ordre de deux milliards de dollars. Soit l'équivalent de la totalité des recettes des exportations hors hydrocarbures de l'année 2011. Cette forte croissance de la consommation du marché national en carburant posera dans un proche avenir un véritable dilemme pour ceux qui gèrent l'économie nationale. Pour un pays qui dépend à hauteur de 97% de ces recettes des exportations des hydrocarbures des choix difficiles doivent être faits rapidement. Est-il alors possible de mobiliser d'importantes quantités de pétrole et de gaz au profit des exportations pour couvrir les importations financer soutenir les investissements publics et en même temps supporter une importante croissance de la consommation interne en carburant et en gaz naturel ' Les statistiques de la Banque d'Algérie répondent par la négative à ce dilemme. En 2010, les exportations des produits raffinés ont rapporté à l'Algérie 9,2 milliards de dollars sur un total des exportations des hydrocarbures de l'ordre de 52,6 milliards de dollars. Les produits raffinés représentent ainsi 17,5% de l'ensemble des recettes des exportations des hydrocarbures. Ce qui n'est pas du tout négligeable. En 2010, un baril de pétrole raffiné a été exporté pour un prix de 82,6 dollars. En ces premiers mois de l'année 2012, le prix moyen du baril de pétrole est resté largement supérieur à 110 dollars. Mais si ce prix est bénéfique pour les exportations de pétrole et de gaz naturel de l'Algérie, il aggraverait la facture des importations de carburants. A la fin de cette année, le montant des importations en produits raffinés du pays pourraient atteindre les trois milliards de dollars. Ce qui est énorme. Pourtant, il y a cinq ans une étude a attiré l'attention sur cette tendance qu'aurait l'Algérie à recourir aux importations pour couvrir la forte demande du marché national en carburants. Cette étude partait déjà du constat que l'Algérie importait pour 200 millions de dollars de gasoil entre 2005 et 2006. Ce montant a été de 300 millions de dollars en 2009 et plus de 500 millions de dollars en 2010. L'étude soulignait que le parc national y compris les bus et les camions tendait à la «diésélisation» avec un accroissement de 27% à 30% du nombre de véhicules diesel importés durant la période s'étalant de 2000 à 2006. Durant cette période, l'augmentation de la consommation de gasoil a été de l'ordre de 9% par an. L'analyse de la répartition par secteur d'activité faisait ressortir que le secteur des transports absorbait 49% de la consommation nationale de gasoil suivi par les secteurs tertiaires et résidentiels avec 23%. L'agriculture et les travaux publics représentaient 17% et 11% de la demande nationale en gasoil. Un Etat fuyant ses responsabilités La forte hausse, ces dernières années, des importations de véhicules légers, lourds et des différents engins a eu pour conséquence une explosion de la demande nationale en carburants. Avec une croissance moyenne annuelle de l'ordre de 9%, la consommation nationale des carburants (gasoil et essence) passera de 12 millions de tonnes en 2012 à près de 18 millions de tonnes en 2016. Il est attendu qu'une partie de ces énormes quantités bénéficiera aux contrebandiers. Selon une récente étude d'un cabinet allemand, l'Algérie est classée dans le top 20 des pays producteurs de pétrole où le litre d'essence ne dépasse pas les 0,38 euro, soit près de 23 DA. Une autre étude menée par des Algériens en 2007 faisait remarquer déjà qu'au moment où le litre de gasoil est vendu en Algérie à 13,70 DA, chez nos voisins, marocains et tunisiens, il était vendu à 35 dinars. Cet important écart des prix a encouragé un important trafic de carburants tous au long de nos frontières. Des centaines de milliers de litres de gasoil et d'essence quittent quotidiennement le territoire national en direction du Maroc, de la Tunisie, mais aussi du Mali et du Niger. De véritables organisations criminelles se sont formées autour du trafic de carburants. Les contrebandiers et les groupes terroristes activant dans la région sahélienne roulent avec du carburant algérien. Le trafic des carburants accompagne donc celui de la drogue, des cigarettes et des armes. Le carburant, dont le prix est soutenu par l'Etat algérien est devenu une véritable menace sur la sécurité nationale. Malgré la gravité de la situation et l'énorme préjudice causé à l'économie nationale l'Etat tarde à réagir et surtout à prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à la saignée. Pourtant et depuis longtemps, les solutions existent. Avec d'importantes réserves en gaz naturel, notre pays dispose de tous les atouts pour généraliser l'utilisation de cette énergie propre comme carburant. Dans le monde pas moins de sept millions de véhicules, en particulier les transports en commun, roule au gaz naturel. Le même exemple s'applique au GPL carburant. Ainsi et au moment où pas moins de 13 millions de véhicules dans le monde roule au GPL l'utilisation de ce carburant alternatif reste timide dans notre
pays. Pourtant, l'Algérie est le plus grand producteur de GPL dans le monde avec 8 millions de tonnes. Les prix du gaz naturel carburant et du GPL sont largement inférieurs à ceux du gasoil et de l'essence. Ils sont aussi de loin moins polluants. L'Etat doit prendre des mesures pour encourager sérieusement les constructeurs et importateurs mettre en circulation des véhicules de transports en commun et taxis roulant au gaz naturel et au Gpl. L'Etat doit aussi imposer des normes aux concessionnaires automobiles concernant la consommation des carburants et les rejets du monoxyde de carbone. Des taxes supplémentaires doivent être imposées aux véhicules roulant au gasoil. Dans les régions frontalières de sévères mesures doivent être prise pour encourager la circulation des véhicules roulant au gaz naturel et au Gpl et décourager ceux utilisant le mazout. L'Etat qui mobilise actuellement des centaines de milliards de dinars pour développer les transports en commun (train, tramway, métro...) doit réfléchir sérieusement à un processus d'augmentation graduel des prix du gasoil et de l'essence. Dans le cas contraire et d'ici à l'an 2025, l'Algérie non seulement n'exportera plus de produits raffinés mais deviendra surtout un grand pays importateur de carburants.
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Posté Le : 18/04/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Réda C
Source : www.lnr-dz.com