Je tiens d'abord à remercier vivement le ministère de la Défense nationale à travers l'Institut de documentation, d'évaluation et de prospective de cette aimable invitation sur le trafic des frontières et la sécurité au Sahel sous le patronage d'Ahmed Gaid Salah vice- ministre de la Défense nationale, chef d'Etat major de l'ANP. En ce mois de mars 2018, où l'Algérie connait la stabilité, rendons hommage à nos valeureux martyrs qui nous ont permis de vivre dans une Algérie indépendante, tous les martyrs de toutes les régions du pays, à l'instar de mon père feu le Moudjahid emprisonné à Lambèse et à El Harrach de 1958 à 1962.L'Algérie pièce maîtresse de la stabilité de la région, durant ces dernières années à travers les actions de l'ANP et les différentes services de sécurité a intercepté à ses frontières des trafics de marchandises, bon nombre de réseaux terroristes, comme elle a abrité les réunions d'Afripol, du G5 qui ont abordé les réalités du terrorisme transnational, du narcotrafic et de la criminalité organisée, afin de proposer les voies et moyens de nature à assainir la région de ces fléaux criminels dévastateurs et de garantir à ses populations la paix, la stabilité et la sécurité.
La criminalité transnationale organisée renvoie aux réseaux criminels organisés et par voie de conséquence au terrorisme qui profite de la vente de marchandises illégales, dès lors qu'il existe une demande. Ces marchés illicites internationaux, anonymes et plus complexes que jamais, génèrent chaque année des milliards de dollars. C'est que les enjeux au Sahel préfigurent d'importantes reconfigurations géopolitiques et géoéconomiques dans une zone sensible rentre dans le cadre de la nouvelle stratégie mondiale à laquelle l'Algérie ne saurait échapper et d'une manière générale toute l'Afrique. Ces enjeux sont intiment liés aux nouvelles mutations mondiale actuelles qui devraient qui conduire à de profondes reconfigurations socio-économiques, technologiques mais également sécuritaires, objet de cette présente contribution.
Bouleversements géostratégiques au Maghreb et au Sahel
C'est que la fin de la guerre froide marquée par l'effondrement du bloc soviétique et les attentats survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001 représente un tournant capital dans l'histoire contemporaine. Le premier événement marque la fin d'un monde né un demi siècle plutôt et la dislocation d'une architecture internationale qui s'est traduite des décennies durant par les divisions, les déchirements et les guerres que nous savons. Aujourd'hui, les menaces sur la sécurité ont pour nom terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, crises régionales et délitement de certains Etats. Or, les défis collectifs nouveaux, sont une autre source de menace : ils concernent les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, l'environnement. Ils sont d'ordre local, régional et global.
En 2018, nous assistons dans la région à de profondes mutations de la géopolitique saharienne après l'effondrement du régime libyen, avec des conséquences pour la région. Déjà, les rapports entre le Sahel et la Libye de Kadhafi étaient complexe. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi le Sahel est l'un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers. Kadhafi disparu des armes, dont 15 000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de l'armée libyenne dont une partie a été accaparé par de différents groupes qui opèrent au Sahel.
Avec les tensions géostratégiques récentes le trafic a pris plus d'ampleur notamment les conflits en Irak, Syrie et pour cette zone l'instabilité au Mali, Niger et surtout libyenne. Récemment, certaines sources de renseignement n'écartent pas le retour d'Al Qaïda en Afrique de l'Ouest dans la mesure où la Somalie est devenue une porte d'entrée des terroristes en provenance de la Syrie et l'Irak et au niveau du Sahel et de l'Afrique du Nord.
Les récentes investigations dans le cadre de la lutte antiterroriste menées par les services de renseignements révèlent de nouvelles donnes au niveau du Sahel. Ce qui complique davantage la situation c'est la non reconnaissance par les tribus libyennes du gouvernement qui n'est pas en mesure d'assurer la protection des frontières, devant impliquer les tribus dans les négociations, d'autant plus que ces dernières détiennent un lot d'armement important puisé dans les casernes de la défunte armée libyenne. La Libye n'est plus la seule menace potentielle, le Mali qui gagne du temps pour appliquer les accords d'Alger profitant d'une situation instable avec le facteur étranger dans la région. Cette menace est certes préoccupante, mais pas que pour l'Algérie dont les frontières nord sont ouvertes sur la Méditerranée, mais aussi pour l'Europe.
Mais en tout cas, ces nouvelles donnes impliquent une nouvelle stratégie sur le plan sécuritaire mais aussi diplomatique. Au Sahel, les groupes armés ont proliféré, ont accru leur capacité de nuisance, se sont diversifiés en terroristes, insurgés, criminels et milices, selon des variables, comme leur vision, leur mission ou les moyens mis en ?uvre. Désormais, une coopération et une convergence rassemblent ces groupes. L'exemple le plus évident de ce type de coopération-convergence, c'est le narco-terrorisme selon James Stavridis, ancien commandant-en-chef des forces alliées en Europe (2009-2013) et de l'US Southern Command (2006-2009). L'aspect le plus troublant de la connexion semble être la façon dont le commerce de la drogue illégale sape les efforts pour poursuivre les réformes politiques et le développement nécessaires pour endiguer la radicalisation et la montée des groupes terroristes dans plusieurs régions du monde déjà fragiles.
Pour lutter contre le terrorisme et trafiquants en tous genres, le G5 veut mettre l'accent avant tout sur l'échange de renseignements qui doit se faire de manière instantanée, pratiquement en temps réel, harmoniser des politiques de lutte contre le terrorisme et de patrouilles communes le long de ces frontières difficiles à contrôler. Mais l'approche pourrait plus large, étant dans l'éducation, de lutter contre la mauvaise gouvernance et de la former des imams. Le Sahel est également une zone de transit pour les passeurs. 50 à 60% de ceux qui traversent la Libye vers l'Europe passent par la région. Selon les différentes résolutions du G5, si les événements récents ont souligné que la traversée de la Méditerranée peut se transformer en drame et qu'il est urgent que tout le monde coopère pour arrêter les flux migratoires.
C'est pourquoi il y a lieu d'accorder une attention particulière aux tensions au niveau du Sahel où ceinture sahélienne recouvre, entièrement ou en partie, les pays suivants : l'Algérie (à l'extrême sud) ; le Sénégal ; la Mauritanie (au sud) ; le Mali ; le Burkina Faso (au nord) ; le Niger ; le Nigeria (à l'extrême nord) ; le Tchad (au centre). Le Sahel est un espace sous-administré et souffrant d'une mauvaise gouvernance chronique. La vulnérabilité du Sahel découle d'une profonde vulnérabilité des Etats caractérisé par une forte croissance démographique. Le Sahel devrait doubler sa population d'ici 25 ans, et comptera vraisemblablement plus de 100 millions d'habitants en 2020.
Cette croissance affectera certainement la sécurité humaine et notamment alimentaire de la région dans son ensemble. A cela se greffe du fait de la mondialisation avec d'importantes inégalités tant internes aux pays développés qu'entre le Nord et le Sud l'intensification de la radicalisation qui est le fruit d'une conjonction de facteurs liés à l'individu, ses relations, sa communauté et son rapport à la société. Identifier un processus de radicalisation ne se fait pas sur la base d'un seul indice mais d'un faisceau d'indicateurs.
Ces indicateurs n'ont, par ailleurs, pas tous la même valeur et seule la combinaison de plusieurs d'entre eux permet d'établir un constat. Dans ce cadre, les USA veulent renforcer leur principal programme au Sahel, le partenariat transsaharien contre le terrorisme, dans la perspective de promouvoir la coopération sécuritaire avec les pays de la région, a indiqué à l'APS, Brian Neubert, porte-parole de langue française du département d'Etat.
Ce programme, créé en 2005 pour remplacer l'initiative Pan Sahel (PSI), qui a été discuté à l'occasion de la réunion ministérielle américano-africaine sur le commerce, la sécurité et la gouvernance, à Washington, a permis d'examiner les moyens «d'opérationnaliser cette collaboration entre une dizaine de pays africains pour renforcer notre coopération sécuritaire». Mais existe des enjeux économiques. Le Sahel est un espace recelant d'importantes ressources ministères d'où les ingérences étrangères manipulant différents acteurs afin de se positionner au sein de ce couloir stratégique et de prendre le contrôle des richesses sont nombreuses. L'arc sahélien est riche en ressources : après le sel et l'or, pétrole et gaz, fer, phosphate, cuivre, étain et uranium sont autant de richesses nourrissant les convoitises de puissances désirant s'en assurer le contrôle.
Le commerce des stupéfiants, par exemple, a le potentiel de fournir aux groupes terroristes un bonus supplémentaire : les recrus et les sympathisants parmi les agriculteurs appauvris, négligés et isolés, et qui non seulement peuvent cultiver pour le compte des trafiquants, mais aussi populariser et renforcer les mouvements anti-gouvernementaux.. Selon différents experts trois facteurs permettent de comprendre les liens entre trafic et terrorisme : premièrement, l'existence de mouvements communautaires, ethniques et religieux, qui permettent une collaboration entre terroristes et criminels, sur la base de valeurs partagées et de confiance mutuelle.
Deuxièmement, la survenance d'un conflit armé. Troisièmement, les contraintes qui jouent lors d'échanges transnationaux complexes de marchandises illégales; des échanges qui impliquent souvent d'autres parties intermédiaires et de certains segments de l'administration corruptibles.
Informalité, trafic aux frontières et terrorisme
Les différents trafics sont liés à l'importance de la sphère informelle, produit des dysfonctionnements des appareils de l'Etat, en fait de la gouvernance, du poids de la bureaucratie qui entretient des relations diffuses avec cette sphère et des distorsions des taux de change représentant en Afrique plus de 50% du produit intérieur brut,(PIB) devant différencier pour les calculs soit la référence au PIB, à l'emploi ou à la masse monétaire en circulation, devant préciser qu'existe plusieurs méthodes de calcul donnant des quantifications différentes.
Les principaux déterminants de l'informalité peuvent être résumés comme suit. Premièrement, la faiblesse de l'emploi formel. C'est un facteur qui explique l'évolution du secteur informel à la fois dans les pays développés et en développement. Ainsi, l'offre d'emplois formels sur le marché du travail ne peut plus absorber toute la demande car la population active, en particulier la main-d'?uvre non qualifiée, croît à un rythme accéléré.
(A suivre)
Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international
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Posté Le : 28/03/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Abderrahmane Mebtoul
Source : www.lnr-dz.com