Algérie

"L'Algérie était et restera un importateur net de produits pétroliers"



Liberté : Les importations de carburants ont augmenté de +181,14%, à 465,46 millions de dollars durant le premier trimestre de l'année, contre 165,56 millions de dollars à la même période de 2019. Comment expliquez-vous cette hausse fulgurante à l'heure où le discours officiel rassure sur la fin proche des importations de carburants et l'autosuffisance en matière de raffinage 'Ali Kefaifi : De manière globale, l'Algérie était, est et sera annuellement un importateur net de produits pétroliers, notamment de gasoil, et à un degré moindre d'essence, de kérosène pour avions. Bien plus, tout sera clair et limpide lorsque l'Algérie cessera totalement d'exporter la moindre goutte de pétrole, c'est-à-dire vers 2024, année où la consommation de ces 3 produits pétroliers sera supérieure à la production de pétrole brut algérien, hors pertes de raffinage (absence d'optimisation par la programmation linéaire) et production de gaz GPL.
Une analyse plus fine des statistiques montre aussi que le "brouillard de ces statistiques biaisées à l'algérienne" (cf. IEA, Jordi, Opec) empêche de déceler la vérité, ce qui permet à certains responsables d'annoncer des "couleuvres à avaler", comme par exemple dire qu'en 2025 l'Algérie exportera des produits raffinés vers l'Afrique.
Mais la vérité est là ! Jusqu'en 2017, l'Algérie importait chaque mois de grandes quantités de produits pétroliers, dont la valeur globale variait avec le prix du pétrole, mais aussi le surprix du gasoil et de l'essence (ou Spread) sur le Brent ou le Sahara Blend. En 2018 et 2019, les importations de gasoil et d'essence n'ont eu lieu qu'au 1er trimestre 2018 et au dernier trimestre 2019 (cf. Jodi). Ceci s'explique par la moindre croissance du parc automobile (2017) et le fait que la consommation des carburants est fortement corrélée avec l'âge du parc.
La raffinerie d'Augusta acquise par Sonatrach en Italie n'a pas servi à grand-chose tout compte fait contrairement au discours selon lequel l'Algérie allait passer d'un statut d'importateur de carburants à celui d'exportateur. Bien au contraire, cette raffinerie se révèle un énorme gouffre financier.
La raffinerie d'Augusta était une belle acquisition compte tenu de la situation algérienne. Mais ici le diable est dans les détails, à savoir dans le compte d'exploitation et non dans l'investissement. Elle permet à son exploitant de disposer d'une marge unitaire (Spread) supérieure à celle des raffineries algériennes. Nos raffineries, dites simples, sont moins rentables, voire déficitaires, par rapport aux raffineries semi-complexes comme pour la raffinerie d'Augusta.
Mais là aussi, les "gestionnaires" du secteur pétrolier algérien devraient dire les vérités économiques et financières, à savoir raisonner en termes de balance des comptes courants et non de balance commerciale (les biens sans les services soit 10 milliards de dollars hors solde commercial), déterminer la rentabilité effective.
En effet, les raffineurs dans le monde savent qu'une raffinerie est faite pour obtenir un baril, dit raffiné, supérieur au baril dit brut, nonobstant les raffineries algériennes qui pourtant exploitent le pétrole brut saharien parmi les meilleurs au monde car léger (à valeur élevée) et propre en soufre.
Pour répondre à la question posée, la raffinerie d'Augusta risque de devenir un gouffre si elle est mal gérée en termes d'investissement, un peu comme sa "cousine" pétrochimique qui lui fait face, à Tarragone (Espagne), c'est-à-dire le projet propylène, avec 50% de participation pour Sonatrach. Ce projet-ci, négocié en 1997 par Sonatrach avec Basf, révélait un délai de récupération de 16 années et non de 4 ou 5, ce qui est un non-sens en matière de participation à un investissement.
En 2020, soit une vingtaine d'années plus tard, les résultats financiers 2017 de Sonatrach (cf. le rapport sur le site web SH) montrent encore que ce projet est une véritable supercherie, avec un retour sur investissement qui permet à peine de rémunérer le représentant de Sonatrach à Tarragone, en plus du propane, matière première, quasiment offert avec une formule de prix digne des républiques bananières (cotation US au lieu de cotation européenne). Hier, Tarragone, aujourd'hui Augusta, demain le projet Renaissance de Sonatrach en Turquie. Etat rentier et/ou Algerian Disease '
Les augmentations successives des prix des carburants depuis 2015, dont la tarification à la pompe est passée du simple au double, n'ont pas permis d'enrayer la hausse effrénée de la consommation des produits pétroliers. Pourquoi les velléités de rationalisation par les prix n'a pas été efficace jusqu'ici '
S'agissant de la consommation des produits pétroliers, les économistes considèrent que la sensibilité de la demande par rapport aux prix est faible à court terme et, par contre, élevée à long terme. Dit différemment, cela signifie que le pauvre devra payer quel que soit le prix du diésel, et que le riche changera de voiture pour s'adapter.
Revers de la médaille, avec la reprise des achats de voitures, la consommation et les importations de carburants vont reprendre de plus belle. Ceci apparaîtra au citoyen qui, en 2022, va décortiquer le paragraphe "subventions pour produits pétroliers dans la future loi des finances", et se rendra compte que les gestionnaires de Sonatrach ne seront que des intermédiaires qui, à travers la loi de finances, répercuteront au citoyen-fiscal les subventions accordées à la pompe au citoyen-conducteur.
L'Etat rentier de ces 20 dernières années avait jugé opportun d'opter pour les prix les plus bas du monde, hors Venezuela, au lieu d'appliquer le modèle équitable (vérité des prix hors taxes et compensation financière pour les ménages démunis du quartile inférieur) mis en ?uvre dans de nombreux pays, tels l'Iran, l'Egypte, etc.
L'Algérie, bénie des dieux, avait aussi d'autres solutions complémentaires et rentables : produire et consommer du DiMethylEther substituable au gasoil, et fabriqué avec du gaz naturel, ou développer la filière GNC (et GNL pour les navires, les locomotives et les camions). Mais ceci nécessite compétence et amour de la nation. Une autre histoire pour l'An II '

Propos recueillis par : ALI TITOUCHE


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