Algérie

«L'Algérie est en droit de renégocier l'Accord d'association»



«L'Algérie est en droit de renégocier l'Accord d'association»
- Les négociations entre l'Algérie et l'Union européenne semblent buter sur des questions en relation avec les secteurs industriel et agricole. Selon vous, quels sont les termes des derniers pourparlers qui ont eu lieu à  Alger, il y a de cela une semaine ' Au moment où les négociations entre l'Algérie et l'Union européenne semblent atteindre la vitesse de croisière, portant notamment sur le report à  2020 de l'application des dispositions en relation avec la zone de libre-échange (session de Bruxelles juin 2011 et d'Alger en juillet 2011), la problématique de la révision de liste comprenant les 1500 positions tarifaires s'impose encore avec acuité. Ces dernières négociations ont porté justement sur les deux volets industriel et agricole qui sont concernés par les 1500 positions douanières, objet des pourparlers. Certains secteurs, ayant trait à  ces négociations, représentent un danger direct pour l'économie du pays. C'est pourquoi j'accrédite sans détour le droit à  l'Algérie de renégocier l'Accord d'association conclu en 2002 avec les pays de la zone euro, dont l'entrée en vigueur est intervenue en septembre 2005. L'objectif de ces négociations est de parvenir à  un démantèlement tarifaire, ou du moins à  une panoplie de concessions au profit de la partie algérienne. Il faut reconnaître qu'il y a actuellement une prise de conscience au niveau de la partie algérienne. Cette prise de conscience est en relation avec des pertes qui seraient considérables dans le cas où le démantèlement tarifaire interviendrait en 2017. Le manque à  gagner est déjà de l'ordre de 2,5 milliards de dollars entre 2005 et 2010, c'est-à-dire depuis l'entrée en vigueur de cette convention Algérie-UE. - D'après vous, quelles sont les raisons qui motivent réellement cette volonté de l'Algérie de revoir certaines clauses de l'Accord d'association avec l'UE ' La partie algérienne a pris conscience également du danger qui guette son économie, tributaire exclusivement des recettes des hydrocarbures, d'où cette volonté d'appeler son partenaire européen à  renégocier l'accord en question. Il y a un déséquilibre énorme en matière d'échanges commerciaux. Nous importons entre 15 à  18 dollars pour un seul dollar exporté vers la zone euro. Il faut reconnaître aussi que le fonctionnement de nos entreprises demeure aussi tributaire de l'offre européenne en matières premières. La dépendance oscille entre 35 et 50%. C'est pourquoi, je considère que la période 2011-2017 est insuffisante pour la mise à  niveau des entreprises, voire de l'économie algérienne, pour qu'elle soit capable de concurrencer les produits européens qui affluent sur le marché algérien. En un mot, le tissu industriel algérien risque d'être carrément laminé par l'afflux des produits européens, si le démantèlement tarifaire venait à  àªtre appliqué dès 2017. Il ne faut pas perdre de vue, tout de même, que l'UE, en tant qu'entité économique, représente le premier investisseur direct étranger en Algérie sur la période 2005-2010, avec un total de près de 10 milliards de dollars. N'oublions pas également que l'Algérie est le premier importateur de services depuis la zone euro avec au tableau de bord, 11 milliards de dollars sur la période 2009-2010 uniquement. C'est dire que l'économie algérienne est à  la fois tributaire de l'offre européenne ainsi que de ses hydrocarbures. D'où la nécessité qui s'impose à  l'Algérie : celle de repousser l'échéance du démantèlement tarifaire. - L'Union européenne semble ne pas faciliter également la tâche à  certaines entreprises algériennes capables de placer leurs produits sur le marché européen… Si l'Algérie s'est mise à  réclamer l'ajournement du démantèlement tarifaire, c'est parce que les programmes de mise à  niveau décidés au profit de l'économie algérienne restent insignifiants comparativement aux besoins. Il faut reconnaître également que l'Union européenne exerce un certain protectionnisme qui n'est pas favorable pour certaines entreprises algériennes soucieuses de placer leurs produits dans les pays de la zone euro. Du côté algérien, l'absence d'une économie compétitive a fragilisé davantage le déséquilibre entre les deux parties, puisque, faut-il le reconnaître, l'Algérie peine toujours à  consommer l'ensemble de ses contingents tarifaires. Certains sont consommés uniquement à  hauteur de 10%. - Avez-vous une idée sur les divergences qui ont caractérisé la dernière session de négociations entre l'Algérie et l'UE ' Globalement, les dernières négociations ont buté sur des questions d'ordre industriel et agricole. L'Algérie cherchait à  acquérir des concessions européennes en vue de reporter le démantèlement tarifaire concernant 1500 positions tarifaires, tandis que la partie européenne entendait imposer des compensations en contrepartie de ses concessions. L'enjeu pour l'Algérie est celui de réduire la part des hydrocarbures dans le PIB (60% actuellement) et dans ses exportations (97%). Certains secteurs demeurent également très fragiles à  la concurrence, à  l'instar du secteur des services et des banques, dont l'Algérie est appelée à  redoubler d'efforts. - L'Algérie a-t-elle failli sur certains points, tels que les contingents tarifaires qu'elle n'a pas su mettre à  profit ' Il faut reconnaître que l'Algérie a mis du temps pour négocier un Accord d'association beaucoup plus profitable que préjudiciable, car elle est la dernière contrée de la rive sud de la Méditerranée à  le faire. L'Algérie n'a pas su également mettre à  profit certains contingents dont elle disposait afin de s'imposer sur l'échiquier du commerce extérieur. Je me contenterai d'émettre ces deux réserves pour ne pas remonter le temps et évoquer à  nouveau un Accord d'association négocié précipitamment, dont les contrecoups se sont avérés préjudiciables cinq années plus tard. Il sied de rappeler dans le sillage que l'Algérie est le pays le moins consommateur des programmes MEDA, contrairement aux deux voisins, la Tunisie et le Maroc en l'occurrence. L'Algérie n'a pu bénéficié que de 4% de ces programmes, soit de 144 millions d'euros. Le niveau reste tout de même différent d'une année à  une autre, 32,1% pour 2000 et 35,82 en 2004, etc. Globalement, la part de l'Algérie des programmes MEDA ne dépasse pas 4%, alors que celle du Maroc était de 25%, l'Egypte 20% et la Tunisie 18%. Idem pour ce qui est des investissements directs. - La question qui se pose actuellement est de savoir si l'Algérie est en droit de revoir certaines clauses de l'Accord d'association conclu avec l'UE. Quel est votre avis ' Malgré le déséquilibre en matière des échanges entre les deux partenaires, l'Union européenne demeure une entité collaboratrice de première importance pour l'Algérie puisqu'elle représente près de 55% des échanges commerciaux de l'Algérie. Maintenant si la question de la révision de certaines dispositions de l'Accord d'association se pose, c'est parce que, non seulement il semble y avoir une prise de conscience du côté algérien, mais aussi un cadre légal qui permet à  l'Algérie d'agir de la sorte. Il s'agit plus précisément des articles 9 et 11 de l'Accord d'association en question, signé en 2002. Dans le dernier paragraphe de l'article 9 de cet accord, il est stipulé que l'Algérie est en droit de demander la révision de la liste des produits concernés par le démantèlement tarifaire sur la période 2005-2017 avant l'entrée en vigueur des autres mesures en relation avec la concrétisation d'une zone de libre- échange. Mais cette révision en question devrait intervenir dans le cadre d'un accord commun entre les deux parties signataires de la convention d'association. Ceci, alors que l'article 11 stipule que l'Algérie est en droit de prendre des mesures spécifiques, pour une durée déterminée, afin de protéger certains secteurs qui s'avéreraient fragiles. C'est dans ce cadre qu'intervient donc cette volonté du gouvernement algérien de revoir, plutôt d'appliquer certaines clauses de l'Accord d'association qui permettraient au pays de mieux aborder le volet de la concurrence.     


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