Algérie

«L'Algérie doit repenser sa fiscalité»


L'Expression: L'Etat est en phase de réflexion à l'effet d'aboutir à une réforme profonde du système de subventions publiques. Pensez-vous que cela soit possible avec les mécanismes actuels'Professeur Godih Djamel: Il est impératif à notre sens, que les pouvoirs publics doivent entreprendre des réformes structurelles. Dans ce cadre, avons-nous les montants exacts des subventions qui sont accordées'
L'information économique et financière constitue une source stratégique afin de pouvoir mesurer, en termes financiers, les subventions en question. Or, un système d'information efficient est un levier indispensable pour une gestion rigoureuse. Aujourd'hui, le montant exact des subventions publiques n'est pas cerné de manière fiable. Certes, des montants importants sont cités, mais reflètent-ils vraiment la réalité' La rationalisation des ressources est une mesure économique efficiente, nous ne pouvons plus dépenser sans compter comme auparavant. Aussi, les pouvoirs publics doivent mettre en oeuvre des outils fiables afin d'avoir des informations qui puissent permettre de chiffrer correctement les subventions.
L'obsolescence des mécanismes actuels ne permet pas à notre humble avis de mettre fin, à court terme, au syndrome hollandais. L'expérience des autres pays qui ont eu recours à la suppression progressive des subventions peut nous être utile.
Quels sont les critères à mettre en place pour assurer une répartition équitable et judicieuse de l'aide de l'Etat aux plus démunis'
Plusieurs questions centrales sont au coeur de la problématique afférente aux subventions: quels sont les critères d'un démuni' Combien y a-t-il de démunis en Algérie' Quelles sont les régions dans lesquelles ils vivent ou les zones où ils prolifèrent' Il s'agit de collecter, avant tout, des informations fiables, afin de disposer d'une base de données exhaustive. En effet, les risques de subterfuge, de détournement, de fausses déclarations sont légion en Algérie. Parler de critères pour assurer une répartition équitable de l'aide de l'Etat s'avère difficile, en l'absence d'un système d'information qui puisse déterminer avec exactitude la population démunie. À ce titre, le modèle de la Pologne, par exemple, peut constituer une référence à prendre en compte dans ce cadre en Algérie. En général, les critères sont nombreux, entre autres: les personnes et les familles qui vivent de l'informel (qui n'ont aucun salaire ou rente), Les salariés (fonctionnaires et autres considérés à juste titre comme des couches moyennes), la détermination du seuil salarial est également primordiale dans ce sens, et ce, eu égard à l'inflation qui sévit en Algérie. À partir de quel salaire, doit-on bénéficier de l'aide de l'Etat' La détermination des familles nombreuses est à prendre en considération dans ce sens (le nombre d'enfants par exemple), les retraités constituent également une importante frange de la population à prendre en compte pour l'aide de l'Etat: À partir de quel montant, le retraité peut-il avoir droit à l'aide des pouvoirs publics' Les étudiants, les sans familles etc. peuvent également prétendre à l'aide de l'Etat en compensation des suppressions progressives des subventions. Nous ne pouvons faire une recension exhaustive des critères en question, au vu de leur diversité. Notre inclinaison personnelle nous conduit à mettre en exergue les critères généraux. Toutefois, nous considérons que pour pouvoir aborder la question ayant trait aux critères qui puissent permettre d'assurer une répartition équitable et judicieuse de l'aide des pouvoirs publics aux démunis, il y a lieu, à notre humble avis, de mettre en place une commission nationale qui puisse déterminer les critères en question. La commission doit être composée des représentants des différents syndicats, des représentants de la société civile dans son ensemble, des retraités, des économistes, des politiques etc. Une commission qui puisse représenter en quelque sorte le «terrain», c'est-à-dire des personnes qui vivent au quotidien les problèmes concernant la «vie de tous les jours» et non pas des représentants bureaucratiques, qui n'ont aucun lien avec la réalité quotidienne du citoyen.
Dans l'état actuel des choses, est-il judicieux de parler de suppression des subventions, quand bien même, progressive'
Nous pensons que les pouvoirs publics doivent mettre en oeuvre «le gradualisme» et non pas une « thérapie de choc» en matière de suppression des subventions.
En effet, nous ne pouvons plus occulter l'urgence et la nécessité de supprimer les subventions, qui bénéficient, de facto, aux populations aisées et ce, eu égard au déficit budgétaire accumulé déjà depuis plusieurs années. Aussi, la «pédagogie» économique s'avère indispensable. Il faut expliquer à la majorité du peuple la nécessité de la suppression des subventions progressivement, tout en mettant en relief les aides nécessaires afin que le citoyen lambda puisse comprendre. L'instauration d'un climat de confiance est une nécessité absolue.
La «pédagogie» qui sera développée par des professionnels dans le domaine demeure un instrument primordial pour faire adhérer la population à cette nouvele stratégie économique et ce, afin d'en atténuer le choc psychologique.
En Occident par exemple des mesures économiques, budgétaires etc. sont largement expliquées au peuple avant toute mise à exécution. Il demeure bien entendu que des solutions soient proposées, notamment une aide financière de compensation aux démunis et autres, par un virement bancaire ou postal. Aussi, l'éducation financière et bancaire est nécessaire dans ce cadre.
L'inclusion financière demeure un paramètre important dans cette optique. Les pouvoirs publics doivent restaurer la confiance qui doit être au coeur de la relation entre les gouvernants et les gouvernés.
Quelles incidences pourrait avoir une telle politique sur l'économie nationale' N'y a-t-il pas de conséquences sur le front social'
Certes, des conséquences sur le front social sont à prévoir, mais elles peuvent être atténuées, notamment par des informations sincères, une pédagogie politique et économique de pointe est nécessaire dans ce cadre. Il y a aussi, les aides financières aux démunis et autres catégories sociales fragilisées, à prendre en ligne de compte.
Le montant devra être déterminé par des spécialistes en la matière, comme nous l'avions expliqué ci-dessus. Il faut également envisager une politique, savamment étudiée, basée sur le gradualisme (une suppression progressive), qui devra s'échelonner sur plusieurs années. Il faut éviter la thérapie de choc, du genre «ça passe ou ça casse», développer une culture visant à mettre en lumière, la situation réelle de l'économie rentière, qui est dépassée. D'où également la nécessité d'une diversification économique où l'entreprise productive constitue le «talon d'Achille» pour une émergence économique à l'instar de la Malaisie, la Turquie et les autres pays qui ont su mettre en oeuvre des politiques publiques efficientes. Quant aux incidences d'une telle politique sur l'économie nationale, elles sont de plusieurs ordres, entre autres. Il y aura une diminution du déficit budgétaire (les subventions représentent plusieurs milliards de dollars). Cette somme colossale devra être orientée vers des investissements productifs.
La suppression progressive des subventions va permettre, également de développer une culture nationale basée sur la rationalité des dépenses et évitera progressivement au pays la culture du gaspillage et de la gabegie, et permettra aussi au dinar algérien de retrouver progressivement sa splendeur. Sur le plan économique, la suppression des subventions poussera les opérateurs économiques à développer la comptabilité analytique en ce sens, elle permettra de prendre en considération le calcul exhaustif du coût, qui est un paramètre prépondérant dans l'échiquier économique. Car la suppression progressive des subventions va engendrer des répercussions positives, d'une part sur le budget de l'Etat et, d'autre part sur la culture économique du citoyen.
En un mot «le dinar aura une certaine valeur». Toutefois, une question se pose: Par quels moyens les pouvoirs publics vont ils financer l'aide aux démunis et autres'
La question se pose avec acuité, étant donné que malgré la suppression des subventions, le déficit budgétaire va encore subsister. Dans ce cadre, le système fiscal algérien doit être revu en profondeur. Une révolution fiscale est à préconiser en ce sens. En effet, un nouveau paradigme en matière de fiscalité doit être instauré en Algérie. La fiscalité à ce jour, demeure faible. Les spécialistes mettent en évidence que le marché de l'informel peut contribuer efficacement, en matière de recettes fiscales, à la baisse du déficit budgétaire. En effet, les recettes fiscales proviennent, en grande partie de la fiscalité pétrolière, qui ne peut à elle seule couvrir toutes les dépenses. Une refonte de l'administration fiscale constitue un levier d'action pour mettre un terme au déficit budgétaire. Ce sont là des recommandations à mettre en place impérativement, à travers le lancement de réformes structurelles et non pas conjoncturelles progressives, pour luter contre l'inflation.
La mise en place d'une telle politique, requiert un effort pédagogique judicieux en direction des populations cibles. Comme mesures d'accompagnement, nous devons mettre au coeur de nos préoccupations «l'entreprise productive», notre talon d'Achille, à travers laquelle les puissances occidentales prospèrent aujourd'hui. Quant à la mise en place d'un système d'informations économique et financière en Algérie, nous devons asseoir, en urgence, les réelles bases de ce travail, afin de naviguer dans le bon sens.
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