Algérie

L’Algérie dans le cinéma de Merzak Allouache, De Nabil BoudraaLe cinéaste de la jeunesse



L’Algérie dans le cinéma de Merzak Allouache, De Nabil BoudraaLe cinéaste de la jeunesse
Publié le 23.01.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie
MERIEM GUEMACHE

C’est une rétrospective de la carrière cinématographique de Merzak Allouache que nous propose Nabil Boudraa, à travers cet ouvrage. Ecrit en anglais, L’Algérie dans le cinéma de Merzak Allouache, paru en septembre 2023 aux Éditions Chihab, a été traduit et préfacé par Ahmed Bedjaoui.
Près de 50 ans à endosser le costume de cinéaste, ce n’est pas rien ! Très peu de réalisateurs algériens peuvent se targuer d’avoir eu un parcours aussi prolifique et d’avoir représenté l’Algérie au cinéma aussi longtemps. La caméra de Allouache a scruté, filmé et décrypté une société en constante évolution, dans l’Algérie postindépendance : Omar Gatlato, Les Aventures d’un héros, Le Repenti, Bab el-Web, Harragas, Normal... Dans l’avant-propos, l’auteur écrit : «L’essentiel de l’œuvre cinématographique d’Allouache repose sur sa volonté de répondre à des questions incontournables relatives à l’Algérie : qu’est-ce qui a mal tourné après l’indépendance ? Comment, nous Algériens, avons-nous rendu possible l’émergence de l’islamisme radical au sein de notre peuple ? Pourquoi avons-nous sombré dans la violence ?...»
Omar Gatlato (1976) marque une rupture avec le cinéma dit révolutionnaire. C’est un long métrage qui retrace le quotidien de la jeunesse algéroise avec son lot de problèmes : chômage, pauvreté, crise du logement, misère affective, oisiveté, frustration... Un univers que le cinéaste, lui-même enfant de Bab-El-Oued, a su traduire avec brio par l’image. «Allouache scrute la société qui l’a vu naître. Son point de vue de jeune homme sur la société a trouvé un écho considérable au sein de la jeunesse algérienne. Son film agit comme un miroir qui reflète leurs problèmes.» Les acteurs parlent en darja, arabe dialectal tranchant avec les films réalisés jusque-là en arabe classique.

Merzak Allouache a dépeint les années de terrorisme islamiste à travers un téléfilm Alger-Beyrouth : pour mémoire commandé par la chaîne de télévision franco-allemande Arte ainsi que trois documentaires : L’Algérie en démocratie. Femmes en mouvement, Vie et mort des journalistes algériens, Jours tranquilles en Kabylie.

En 1994, Merzak Allouache s’installe en France mais ne coupe pas le cordon ombilical avec l’Algérie. Dès qu’il le peut, le réalisateur revient dans son pays natal, armé de sa caméra. En 1999, il tourne L’autre monde qui sortira un an plus tard. Le cinéaste a besoin d’être au plus près de la tragédie, dans l’œil du cyclone afin de témoigner de cette violence fratricide : «Malgré les tentatives faites par son entourage pour l’en dissuader, Allouache écrit le scénario et repart en Algérie accompagné d’une équipe légère pour tourner L’Autre Monde.»

Le cinéaste trouve l’inspiration dans les drames qui secouent son pays. Ainsi, en 2009, il signe un nouveau film intitulé Harragas. À travers ce long-métrage, il cherche à comprendre les motivations de tous ces jeunes qui mettent leur vie en péril en «brûlant» la Méditerranée dans l’espoir d’une vie meilleure sur les terres européennes. Un film qui lui avait alors valu quelques inimitiés. «Pour le ministère de la Culture de l’époque, Merzak Allouache avait avec ce film franchi la ligne rouge. Il est vrai que le cinéaste avait souligné les échecs et responsabilités du gouvernement dans l’irrépressible désir d’exode de la jeunesse (...)
Le film Harragas dévoile le mépris avec lequel les autorités algériennes traitent la population, en balayant les problèmes et en les dissimulant sous le tapis de la bonne conscience. Du coup, le gouvernement se sentant mal à l’aise a décidé de riposter en censurant dans un premier temps le film en Algérie, puis en rendant les conditions de travail très difficiles. Ce dernier n’a plus reçu de financement du gouvernement pendant les quelques années qui ont suivi», écrit Nabil Boudraa.

L’immigration, autre thématique chère au cœur du cinéaste qui y consacre plusieurs films tournés en France : Salut cousin, Un amour à Paris, Chouchou, Tata Bakhta.

Dans Madame Courage, (2015), il signe son quatorzième long métrage à Mostaganem, ville côtière de l’Ouest algérien. Il y traite le fléau de la drogue et de son emprise sur la jeunesse désœuvrée. «Madame Courage est le surnom donné à l’une des substances euphorisantes, qui a rendu beaucoup de jeunes dépendants, ces dernières années. Depuis son premier film, Allouache n’a évidemment pas renoncé à aborder sans complaisance, les nombreuses difficultés sociales qui ont entravé la jeunesse algérienne.»

Depuis ses premiers courts-métrages filmés à l’Institut du cinéma d’Alger, Merzak Allouache n’a pas cessé de raconter l’Algérie et son évolution depuis les années 1970 jusqu’à nos jours. Comme un sociologue ou un historien, les séquences tournées qu’il offre à voir sont une sorte d’ADN de l’Algérie. Dans cet ouvrage, vous pourrez aussi lire une interview accordée par le cinéaste, en 2018, à Nabil Boudraa. En outre, quelques photos prises lors de tournages agrémentent l’ouvrage.

Après un parcours universitaire en Algérie et en France, Nabil Boudraa a entamé une carrière de professeur d’études françaises et francophones à Oregon State Université, aux États-Unis.

Meriem Guemache

L’Algérie dans le cinéma de Merzak Allouache, Nabil Boudraa.
Éditions Chihab. 2023. 151 p.1 250 DA.



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