Algérie

«L'Algérie a rompu le socle doctrinal de son rapport avec les Palestiniens»


«L'Algérie a rompu le socle doctrinal de son rapport avec les Palestiniens»
Diplomate chevronné, Abdelaziz Rahabi, qui scrute les évolutions géostratégiques dans la sphère régionale, estime qu'«après l'effacement de l'Egypte et de l'Algérie et le démembrement de l'Irak, la Ligue arabe est tombée sous l'influence des pays du Golfe, eux-mêmes affaiblis par les luttes entre sunnites, chiites et wahhabites.-L'attaque israélienne contre la bande de Ghaza en est à sa troisième semaine sans qu'une issue soit trouvée. Est-ce un échec de la communauté internationale ou s'agit-il d'un «laisser-faire» qui ne dit pas son nom 'Laguerre contre Ghaza s'arrêtera quand Israël aura atteint les objectifs qu'il s'est fixés de cette arrogante démonstration de force militaire. Il est assuré du soutien du noyau dur occidental (USA, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Canada et Australie) et est rassuré par le fait que le Conseil de sécurité est verrouillé par ses alliés traditionnels. La communauté internationale, au sens juridique, se limite malheureusement aux Nations unies, qui sont exclues de tout processus de paix au Moyen-Orient et n'ont même pas la capacité d'intervenir pour arrêter l'implantation de nouvelles colonies en Palestine occupée. Il n'y a que les pauvres et les faibles qui fondent encore des espoirs sur cette organisation.-Pourquoi la Ligue arabe n'arrive plus à peser dans ce conflit 'Après l'effacement de l'Egypte et de l'Algérie et le démembrement de l'Irak, la Ligue arabe est tombée sous l'influence des pays du Golfe, eux-mêmes affaiblis par les luttes entre sunnites, chiites et wahhabites. La ligne de fracture entre ses membres n'est donc plus idéologique, comme dans les années 1970, ou stratégique visant la création d'un Etat palestinien, mais essentiellement de nature religieuse, combinée à quelques ranc?urs historiques entre les familles régnantes dans cette région. Ils devront également gérer chez eux un fort sentiment populaire anti-occidental, qui accompagne toujours des situations comme celle de Ghaza.-Cette organisation dispose-t-elle de moyens de pression pour obtenir immédiatement l'arrêt des attaques 'Pratiquement aucun, pour plusieurs raisons. La première est que la politique étrangère de chacun de ses membres est en grande partie tributaire des puissances occidentales. La seconde est que l'immense majorité des gouvernements des Etats arabes ne jouissent pas de la légitimité populaire, qui donne cette force de ne rendre compte qu'à son peuple, et enfin la troisième réside dans le fait que le Hamas représente, à leurs yeux, une forme d'intégrisme religieux qu'il faut combattre. A ce titre, ils pensent comme Israël et ses soutiens et ne divergent que sur les moyens de lutter contre le Hamas.-Faut-il dissoudre cette organisation 'Je ne pense pas que cela soit la solution, elle ne changera que quand les peuples changeront leur façon de voir leurs dirigeants et quand la société civile arabe prendra conscience qu'elle est également un acteur de politique étrangère. Il faudrait à ce stade la réformer pour élargir ses missions et la rendre plus visible sur la question du développement et des droits de l'homme. Elle est absente d'Irak, de Syrie, de Libye et aujourd'hui de Ghaza. Il n'y a rien de surprenant ou de nouveau.-L'Algérie était dans le temps active sur le plan diplomatique concernant la question palestinienne, aujourd'hui sa position est jugée «timorée» par certains acteurs politiques locaux. L'Algérie fait-elle assez pour la cause palestinienne 'L'Algérie a rompu le socle doctrinal de son rapport avec les Palestiniens. Elle n'a reçu aucun dirigeant palestinien de haut rang depuis près de huit années, sous prétexte qu'ils devraient d'abord s'entendre entre eux et parler d'une seule voix. A mon sens, elle aurait dû continuer à jouer son rôle de facilitateur entre Ghaza et Ramallah. Il est bon de rappeler ici que Chadli Bendjedid, contre l'avis de beaucoup de responsables algériens et des avertissements de nombre de dirigeants étrangers, a maintenu la réunion à Alger du Conseil national palestinien, qui a proclamé la naissance de l'Etat palestinien. C'était en novembre 1988, un mois après les événements sanglants d'Octobre 1988.-Pensez-vous que l'hostilité de certains pays arabes à l'égard du Hamas empêche une forte action diplomatique 'La diplomatie algérienne s'est effacée devant celle des pays du Golfe sur un choix fait par le chef de l'Etat, qui avait orienté ses efforts sur les puissances occidentales autour d'un agenda limité aux questions de commerce et de lutte contre le terrorisme international. Je ne sais pas ce qui a motivé ce choix stratégique dénué de toute vision pragmatique et qui a beaucoup plus servi l'ego des hommes que l'ambition de l'Algérie. C'est ce que l'on a appelé de façon triviale le retour de l'Algérie sur la scène internationale, laissant en réalité la scène arabe aux pays du Golfe et l'Afrique à El Gueddafi et au Maroc avant de réaliser que sa seule profondeur stratégique reste l'Afrique et que la Palestine est avant tout une question nationale.-On aura remarqué également que la rue arabe ne se mobilise plus, alors que partout dans le monde des centaines de milliers de personnes y descendent pour dénoncer le massacre des Palestiniens. Pourquoi, selon-vous 'Les dirigeants arabes ont peu de considération pour leur société civile qui se radicalise chaque jour et qu'ils mobilisent en général pour servir d'alibi électoraliste ou encore contre une hypothétique menace interne ou externe à la stabilité nationale. Mais le développement des niveaux de conscience et des réseaux sociaux est en train de faire évoluer les choses, notamment chez les jeunes. Ils ne sont pas en colère contre Israël seulement, mais aussi contre leurs propres gouvernants, car ils mesurent le décalage entre leurs moyens internes de répression, leur incapacité à peser sur les événements internationaux et à protéger les plus faibles d'entre eux.


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