Algérie

L'Algérie a besoin de députés-kamikazes



L'Algérie s'apprête à inaugurer une nouvelle séquence de son histoire contemporaine. L'installation prochaine de la première Assemblée populaire nationale constitue, en soi, un événement politique majeur, en ce sens que cette institution législative a vu le jour après une nouvelle Constitution et a été élue sur la base d'un nouveau Code électoral. La double spécificité de cette APN tient de la transparence du scrutin qui a arbitré les protagonistes, mais également à la faible participation de l'électorat.Forts d'une légitimité juridique et constitutionnelle incontestable, les nouveaux députés auront la lourde tâche de gagner en légitimité populaire. Quelles que soient leurs obédiences, les futurs élus de la nation partent sur un dénominateur commun, celui de ne représenter que le quart de l'électorat national.
Un déficit de représentativité qu'ils devront combler par un travail acharné. Cela consiste prioritairement à convaincre les Algériens de leur «bonne foi». Mais en politique, la bonne foi ne suffit pas. De fait, les députés ne sauront pas par quel bout prendre leur mission, d'autant que la société ne semble pas en disposition de prêter une oreille plus ou moins attentive aux discours des politiques. Cela complique la tâche des députés de la majorité présidentielle. Ils devront attirer le regard de citoyens préférant les ignorer pour se concentrer sur l'Exécutif, seul à même de régler les problèmes de logements, d'emploi, de santé et autres préoccupations quotidiennes des Algériens.
Les députés de l'opposition ne seront pas mieux lotis.
Les «démonstrations oratoires» lors des plénières n'apportent aucune avancée dans les débats.
Les Algériens qui ont de nombreuses fois suivi les «directs de l'Assemblée» attestent de l'inutilité de l'exercice. Il faut autre chose pour convaincre.
Comment donc se présenter à une opinion publique, majoritairement en rupture avec la chose politique' Comment démontrer l'utilité d'un député, autrement qu'en réglant des situations individuelles' Cela ne ramènera pas beaucoup de voix. En tout cas pas assez pour gagner suffisamment en légitimité populaire.
Le nouveau député devra ainsi se contenter de sa légitimité constitutionnelle, travailler dans sa circonscription et au sein des commissions de l'APN, ne rater aucune plénière et accepter les remontrances des citoyens. C'est à ce prix que les élus, qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition, contribueront un tant soi peu à réhabiliter une institution de la République qui a beaucoup perdu en consistance aux yeux des Algériens. Censée être au centre du jeu démocratique national, l'APN n'a été, sur ses huit premières législatures, qu'une caisse de résonance du pouvoir exécutif. Ceci rend d'autant plus compliquée la tâche de cette 9e législature, présentée comme l'entame de nouveaux rapports entre les pouvoirs exécutif et législatif.
Comment peut-on espérer une APN dynamique, politiquement visible et institutionnellement autonome dans le cas de figure d'une large majorité présidentielle appelée à mettre en oeuvre le programme du chef de l'Etat' Verrons-nous une critique dudit programme au sein de cette majorité' assurément non. Mais la coalition partisane au pouvoir, saura-t-elle écouter un avis de l'opposition et l'adopter à contre-courant d'une décision de l'Exécutif' Il sera difficile de répondre par «oui» à cette éventualité, mais l'on pourra peut-être voir un rappel à l'ordre de l'Exécutif sur une question qui relève du caractère social de l'Etat. Cela a d'ailleurs déjà été constaté lors des précédentes législatures. Les contours impopulaires des lois de finances sont, soulignons-le, généralement retoqués par les députés. Il n'y a pas de raison que ceux de la 9e législature ne suivent pas l'exemple. Mais le contrôle de l'Exécutif ne devrait pas s'arrêter à de simples amendements de dispositions contenues dans des textes législatifs. Il faut «montrer des muscles», quitte à provoquer des mini-crises entre l'Exécutif et sa majorité au Parlement. Le prochain président de l'APN et l'ensemble des élus doivent faire entendre au gouvernement qu'ils représentent le peuple et que l'Exécutif lui-même est une émanation des rapports de force au sein de l'Assemblée populaire nationale. Pour gagner leur ticket auprès des Algériens, les députés doivent oser contredire le pouvoir lorsque la situation l'exige.


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