Algérie

L'Aïd, ça se fête aussi à l'hôpital



L'Aïd, ça se fête aussi à l'hôpital
Il est des gens aux besoins modiques et aux exigences modestes. Les enfants en sont l’exemple, en particulier ceux qui n’ont pas eu le privilège, le jour de l’Aïd El Fitr, de sortir dans leur quartier, rendre visite à la famille ou gambader au parc d’attractions. Eux, ce sont les enfants malades. Une visite, un jouet ou un clown suffit pour mettre du baume au cœur des gamins prisonniers de leur état de santé. El Watan Week-end s’est introduit dans un hôpital de la capitale pour partager ces joies particulières, dissimulant des douleurs cruelles, le temps d’une journée.

Une poupée, un Spiderman ou une dînette, un rien les fait sourire, pourvu que ce soit coloré et ludique. Il est si aisé de dessiner un sourire sur les lèvres des enfants, notamment en ces jours de fête, passés par les gamins rencontrés au CHU de Beni Messous, loin de chez eux, entre les murs verts de l’hôpital. En cet après-midi du premier jour de l’Aïd El Fitr, les couloirs de la pédiatrie sont désertés. Le calme couvre le bloc, où quelques médecins et infirmiers de garde veillent sur les malades, aux aguets au moindre petit bruit. Même les plus fatigués des enfants ne peuvent s’empêcher de se tourner vers la porte lorsque nous rentrons dans ce petit monde où toutes les émotions sont au rendez-vous.

Une petite fille de deux ans, de Ouargla, nous sourit. Elle s’agite, pousse des cris de joie et nous tend ses bras, comme si elle voulait quitter son brancard. La raison n’est autre que l’arrivée d’un groupe de clowns et «Charlie Chapelin» les bras chargés de ballons et le cœur plein de volonté et de compassion pour ces enfants hospitalisés. La petite Amina, souffrant d’un cancer, s’est habituée, depuis quelques mois déjà, à sa «nouvelle demeure». Assistée par sa jeune mère à la peau brune et au foulard qui voile une partie de son visage portant les marques de plusieurs nuits blanches, la petite gamine «ne comprend pas ce qui lui arrive, tant mieux !» lâche sa mère.

A sa droite, un jeune garçon de dix ans allongé, moins excité que sa voisine, se contente de lancer des regards amusés aux personnages colorés venus égayer leur chambre, avant d’accrocher son regard sur le plafond. Sa mère souriante parlant le français avec un accent léger, nous apprend qu’ils viennent, après un long périple, d’un pays subsaharien pour assurer les soins à son fils cancéreux. «Je suis touchée par la solidarité des Algériens. Je ne m’attendais pas à recevoir autant de cadeaux de la part de volontaires. Je ne me sens pas dépaysée», confie-t-elle.

«Partager les douleurs de ma fille»

Nous longeons le couloir peint en dessin avant que nos pas nous guident vers une pièce où Sarah, 11 ans, contrairement à la plupart des malades, reçoit la visite de sa famille algéroise. Nous la taquinons, lui montrons une dînette, aucune réponse, aucun geste. La fillette, figée, les yeux ouverts, ne réagit pas, comme si elle était dans un autre monde. C’est alors que son père, dans un long soupir, laisse libre cours à son chagrin. «Ma fille ne vous entend pas. Elle a fait plusieurs convulsions depuis le mois de juin. Depuis, elle a perdu progressivement la vue, l’odorat, l’ouïe et l’usage des membres supérieurs et inférieurs», explique-t-il. Dépité, le père tient à raconter le drame qui a frappé la vie de sa fille et celle de sa petite famille depuis juin dernier. «Ma fille était en bonne santé et fréquentait l’école primaire du quartier, jusqu’au jour où elle commença à se plaindre de maux de tête. Les vomissements et les vertiges s’en sont suivis. A ce jour, aucun médecin n’a pu déceler son mal», relate le père avant de préciser avoir frappé vainement à toutes les portes pour obtenir une prise en charge à l’étranger.

A l’instar de ce brave père qui ne rate aucune occasion pour parler de sa fille et demander conseil pour la «rendre à la vie», de jeunes mères ayant quitté mari et maison, passent leurs journées, elles aussi, cloitrées à l’hôpital. Entre les gémissements de sa fille et la morosité de la vie hospitalière, Fahima, à peine la trentaine, avoue être arrivée au bout de ses forces. Elle a laissé son mari et sa ville natale, depuis le mois de mai, pour veiller sur sa fille de trois ans qui souffre d’une tumeur à la gorge. «Je ne supporte plus les gémissements de ma fille, car je me sens égoïste de ne pas pouvoir partager ses douleurs. Je reste avec elle jusqu’à ce qu’elle guérisse ou…», s’alarme la jeune maman en se battant pour résister à une envie de pleurer, voire de sortir de la pièce. Ses yeux s’assombrissent lorsqu’elle évoque son mari qui a reporté sa visite au second jour de la fête.

Au même moment, une jeune fille pénètre dans la chambre et distribue des jouets aux enfants. Réjouis, les filles mettent les bandeaux multicolores sur leurs cheveux, les adolescentes ont eu droit à des gourmettes et les garçons à des voitures et des figurines Spiderman. Samy, six ans, lui ne partage pas cette «effervescence» et affiche une moue renfrognée due à l’absence des pistolets. La jeune bénévole lui explique «ne pas avoir prévu de pistolet, jouet inspirant la violence ! » le raisonne-t-elle. Avant de quitter le service de pédiatrie, la jeune fille prend soin de noter ce dont ont besoin les enfants et leurs gardes-malades. Ces derniers, dont la majorité habite loin de la capitale, se confient discrètement à la jeune volontaire, et après une longue hésitation, elles lui font part de ce qui leur manque à l’hôpital. Une robe d’intérieur, de la lessive pour laver les ustensiles, un drap… Des choses simples qui, pour elles, sont nécessaires et difficilement accessibles.

Lamia Tagzout


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