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L'Aïd à l'ombre des traditions



L'Aïd à l'ombre des traditions
La célébration de l'Aïd dans la région s'accompagne de plus en plus du respect des traditions qui connaissent un regain d'intérêt. Il y a eu toujours timechret, appelée aussi par endroits lawziia. De Bouhinoun, dans la proche périphérie de Tizi Ouzou, des villages de Yakouren à ceux de Mizrana ou d'Ath Djennad, des b?ufs ont été immolés au premier jour de l'Aïd. A l'air libre, à l'ombre de frênes ou de caroubiers. Pendant que certains dépéçaient puis répartissaient en parts égales la viande, d'autres s'adonnaient au plaisir de la discussion à la bonne franquette. On s'interpelle dans la bonne humeur, tantôt pour plaisanter et tantôt pour presser un tire-au-flanc de se retrousser les manches. Ici, l'on ouvre ses bras à un ami ou un émigré que l'on a tardé à retrouver et, plus loin, les enfants salissent déjà leurs beaux habits. Ils pataugent, sans prendre garde, au milieu des salissures et des rigoles de sang. Depuis son évocation par Mouloud Feraoun dans « Jours de Kabylie » comme une tradition immémoriale qui réunit riches et pauvres, peu de choses ont vraiment changé dans son ordonnancement. Peut-être le peu d'empressement à s'adjuger les peaux qui ne sont plus autant prisées. Les sonneries de téléphones brisent, par intermittence, la concentration des vénérables vieux faussement plongés dans la méditation. Il se constate, par contre, depuis quelques années, un engouement pour cette manifestation collective dont la vertu première est d'être un carrefour de rencontres et l'occasion de retrouvailles. Elle revêt aussi une dimension religieuse car beaucoup de personnes, en ce jour, consentent à délier les bourses pour des offrandes. Plus importantes, le prix de la viande sera revu à la baisse. « Tout le monde peut, aujourd'hui, acheter de la viande chez le boucher, mais rien ne remplace timechret où nous nous retrouvons », confie Kamel, un commerçant de Bouhinoun. « Nos enfants et nos femmes lient connaissance aussi, et ainsi nous brisons les chaînes de l'individualisme qui nous éloignent l'un de l'autre », ajoute-t-il. Avec le retour de la paix, de plus en plus de villages renouent avec cette tradition et des jeunes s'intéressent davantage à la revitalisation de rites qui forment l'identité du peuple qui font à la fois, pour reprendre les mots d'un médecin de Freha, « sa richesse et sa singularité ». Même la religion qui entoure le cérémonial n'a rien de ces démonstrations inamicales et comminatoires auxquelles veulent la réduire certains. Avant que chacun ne rentre tranquillement chez lui, l'imam est invité à prononcer un sermon. Les émigrés et les malades ne sont jamais oubliés. Il ne s'agit pas de ces cérémonies à la va- vite, mais d'un moment de communion ou nul ne se sent exclu.Joie des enfants et des adultes Il y a aussi d'autres traditions moins connues, tout autant anciennes. Ainsi, dans les villages de la commune de Tassaft Ouguemoun, la fête commence la veille. Cette année, elle a revêtu un éclat particulier. Des heures avant l'aube, des escouades joyeuses d'enfants ont sillonné en groupes les ruelles tortueuses de ce gros bourg posé sur un sommet de montagne pour quémander leur part de tout. Leur avancée est rythmée par un chant où la quête de bonnes choses revient comme une litanie. « Awid Aylaw, Aylaw » (donnez-moi ma part, donnez-moi ma part) scandent les enfants devant chaque porte. Les âmes généreuses et celles qui ne peuvent rester insensibles offrent alors des plats de couscous, des biscuits et des produits laitiers. Cette cérémonie matinale est vécue comme un moment de retrouvailles que des habitants qui résident dans des wilayas de l'Oranie ou dans les grandes villes comme Alger, Blida ou Tizi Ouzou ne veulent aucunement rater. Pour un homme venu de Mostaganem, « c'est un ressourcement et une transmission de ces us dans lesquels doivent baigner les enfants qui s'opèrent à la faveur de ce retour au bercail le jour de l'Aïd ». Tout le monde se retrouve plus tard au cimetière ou à tadjmaât pour se recueillir et prolonger cette parenthèse de joie. Les comités de village qui fleurissent ne s'attachent pas seulement à revendiquer de meilleures conditions d'existence et l'amélioration du cadre de vie des habitants. Ils encouragent aussi cette « résurrection » des traditions ancrées dans la mémoire populaire. Sans elles, nos fêtes perdraient leur caractère et se réduiraient à des journées chômées et payées. Et surtout ennuyeuses.




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