Algérie

«L'agronome et la terre», le diagnostic serein d'un ancien ministre de l'Agriculture Patate brûlante et bataille perdue des semences


Mohammed Elyes Mesli, ancien ministre de l'Agriculture, donne, dans un livre serein, les clés pour comprendre l'état de l'agriculture algérienne. Et permet de situer les vrais enjeux. Sur les étals, la patate balance entre 50 et 70 dinars le kilo. Elle est toujours chaude. Cette fièvre durable, elle la devrait au mildiou, aux changements climatiques, à quelques spéculateurs... A cause de la hausse des cours mondiaux, mais aussi de notre faible productivité, les céréales flambent aussi. Le lait, aussi, en entraînant les dérivés, notamment ceux exportés qui accusent désormais une hausse de 50 à 80% !! Un responsable racontait, récemment, que «l'Etat injecte chaque année plus de 300 milliards de dinars pour le développement et le soutien au secteur de l'agriculture». Il n'y a pas de quoi s'en vanter, au vu des résultats actuels. Comment expliquer qu'il y ait autant d'argent, avec de si maigres résultats ? C'est que probablement, l'on n'a pas vraiment cerné la problématique agricole. C'est en tout cas ce que peut inspirer la lecture de «L'agronome et la terre» (éditions Alpha - 2007) de Mohammed Elyes Mesli. Agronome de son état, haut fonctionnaire qui fut aussi ministre de l'Agriculture, ce Monsieur en connaît des sillons sur le sujet et il en parle calmement, sans chercher la polémique. Cela ne fait que donner plus de force à son propos. Chaque région, avec ses spécificités agricoles, est passée en revue. Cet ouvrage, qui gagnerait à être traduit en arabe, donne les outils et les grilles de lecture de l'état actuel de l'agriculture, en l'éclairant de ce qu'elle fut dans le passé colonial et post indépendance. Il expose aussi ce qu'est devenue, présentement, la terre d'Algérie: appauvrissement des sols, insuffisance de l'utilisation des engrais, délaissement de la steppe et bien d'autres problèmes dont le volet stratégique de la semence. Durant la crise inachevée de la pomme de terre, on est trop vite passé sur cet aspect. Dérangeant pour le lobby des importateurs. Et fort puissant, puisqu'il a réussi à étouffer - pour ne pas dire assassiner - un projet - engagé en 1986 ! - de centre de production de semences de pomme de terre, installé à Sétif. Mohammed Elyes Mesli lui consacre des développements qui édifient sur l'importance de cet enjeu. On comprend que l'Algérie a perdu «la guerre des semences» au début des années 90 et que maintenant il y aurait peu de chances de la remporter «car les intérêts qui seraient remis en cause sont énormes». Si ce défi n'est pas relevé, il restera aux pouvoirs publics à contrôler et réguler le commerce des semences, ce qui - à la lumière du vécu - n'est guère évident. Faut-il désespérer de l'avenir agricole ? M. Mesli, lui, demeure optimiste et trace dans son ouvrage didactique des pistes réalistes pour le développement de l'agriculture qui prenne en compte le facteur humain, tant rural que citadin. Il revendique sa part dans «le destin de l'autogestion, de la révolution agraire et de la restructuration des domaines autogérés en domaines agricoles socialistes». Mais qui s'en souvient encore ? Pourtant, elles peuvent expliquer - au moins en partie - ce qu'est devenue l'agriculture aujourd'hui. Le frémissement actuel n'est pas encore une dynamique. Car si c'était le cas, on ne manquerait pas de céréales au pays des céréales. Ni même de patate.


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