Algérie

L'Afrique et l'Europe en temps chinois



Robert Mugabe, devenu héros malgré lui d'une exigence britannique déplacée d'interdiction de participer, est bien présent au deuxième sommet UE-Afrique de Lisbonne. Ce n'est pas le sujet principal de la rencontre mais toutes les manoeuvres visant, avant la tenue du sommet, à éviter la présence du président zimbabwéen, ont échoué devant la fermeté des Etats africains. C'était, qu'on le veuille ou non, devenu un test, celui qui allait donner le ton à un sommet où il est évident que chacun a besoin de l'autre. Le test n'a pas été en défaveur de l'Afrique, quelle que soit l'appréciation que chacun peut avoir à l'égard de Robert Mugabe. Tant pis si les responsables britanniques ont fait une fixation sur celui qui dirige leur ancienne colonie et qui ne lui pardonnent pas l'expropriation des propriétaires terriens blancs. L'Europe a passé outre les objections des Britanniques car elle a compris que les chefs d'Etat africains ne viendront pas à Barcelone si l'invitation officielle n'était pas adressée à un chef d'Etat membre de l'Union africaine. C'est que les temps ont bien changé et l'Afrique a de moins en moins un tropisme européen et découvre que d'autres horizons sont possibles. Cette évolution dans les états d'esprit des dirigeants africains, on la doit un peu -ou beaucoup - à cette Chine entreprenante et dynamique qui empêche de dormir ceux qui continuent de penser le continent en terme de chasse gardée. On connaît le discours volontairement sinistre sur la «sinisation» de l'Afrique, il n'a guère d'écho sur les Africains. Ceux-ci débattent beaucoup sur les bienfaits et les inconvénients de la dynamique chinoise en Afrique, mais les contre et les pour s'accordent sur un point fondamental: la Chine a révélé à l'Afrique qu'elle avait un potentiel considérable, qu'elle n'est pas totalement démunie dans la négociation au niveau mondial. Ce n'est pas rien que de découvrir qu'on n'est pas captif d'une relation et que l'on peut, en jouant la concurrence - ce mot si défendu par les capitalistes - l'aménager dans une direction plus équitable. L'Europe gagnerait à le comprendre: au lieu d'essayer d'effrayer avec le «péril chinois», invendable en Afrique où la Chine a une image très positive, elle devrait s'engager sérieusement dans un vrai partenariat. Et même si cela leur est déplaisant, c'est bien la Chine qui montre la voie à suivre. Le capitalisme chinois ne fait pas dans la philanthropie mais, engagé dans une concurrence pour l'accès aux ressources énergétiques et minières, il fait des offres plus intéressantes aux pays africains. Dans cette rencontre entre l'Afrique et l'Europe, la Chine est bien en toile de fond. La nouvelle réalité qu'elle a créée permet aux Etats africains de taper fort, d'emblée, en dénonçant la volonté de la Commission européenne de vouloir leur imposer de nouveaux accords commerciaux qui risquent de ruiner leur industrie et leur agriculture. La nouveauté est que les Africains le disent fortement.


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