Algérie

L'Afrique du Sud malade de ses viols Criminalité



Le viol collectif particulièrement sauvage d'une adolescente sud-africaine, abandonnée mourante après avoir été éventrée, a rappelé à l'Afrique du Sud qu'elle détenait le triste record mondial du nombre de viols, des mouvements de protestation récurrents n'y changeant pas grand-chose.
Deux des auteurs présumés de ce "viol en réunion" devaient comparaître mardi pour demander une libération sous caution.
Le calvaire d'Anene Booysen, le 2 février dans la petite ville de Bredasdorp (sud-ouest), a éc'uré le pays.
Cette jeune fille de 17 ans a été violée en sortant d'un pub par un groupe d'hommes - dont faisait partie son ex-petit ami, selon l'accusation -, éventrée, éviscérée. La victime a été découverte agonisante par des agents de sécurité et elle est morte à l'hôpital quelques heures plus tard, après avoir dénoncé l'un de ses agresseurs.
Mais comme à chaque fois qu'un viol particulièrement affreux suscite l'indignation, le soufflé est vite retombé. Les médias et le public se sont passionnés pour l'affaire du champion handisport Oscar Pistorius, accusé du meurtre de sa petite amie, et ont oublié le drame de Bredasdorp.
"Je crois que l'indignation publique a été largement conduite par les médias, ce qui est aussi un problème car ils ne se concentrent que peu de temps sur un sujet", juge Lucy Holborn, chercheuse à l'Institut sud-africain des relations entre les races (SAIRR).
Dans la tempête de réactions qui a suivi le drame, le président Jacob Zuma a condamné un crime "choquant, cruel et inhumain". L'opposition a organisé une (petite) manifestation devant le Parlement, la Ligue des femmes de l'ANC (le parti au pouvoir) a "appelé à l'action" et la fédération syndicale Cosatu a lancé un vaste brainstorming pour trouver des solutions.
Mais la tâche est rude.
"De nombreux Sud-Africains sont victimes de leur histoire et de leur situation économique. Le chômage et l'abus de drogues ajoutent un ennui enivré à une culture sociale qui semble donner aux hommes un droit aux corps des femmes. Rien de tout ça ne peut être changé du jour au lendemain", s'est désolé dans un éditorial le journaliste Stephen Grootes.
"La brutalité et la cruauté contre des femmes sans défense est inacceptable et n'a pas sa place dans notre pays", a déclaré le président Zuma devant le Parlement le 14 février, appelant à "une unité d'action pour éradiquer ce fléau".
Mais le chef de l'Etat n'a pas annoncé de mesures concrètes. Lui-même a déjà été jugé pour viol, et acquitté. Il a nommé à la tête de la Cour constitutionnelle un juge qui avait réduit les peines de violeurs. Et le centre d'assistance aux victimes a failli fermer il y a quelques mois, faute de moyens.
Toutes les quatre minutes
Des radios ont diffusé pendant quelques heures un "bip" toutes les quatre minutes - soit la fréquence des viols dans le pays - pour sensibiliser la population. Mais certaines statistiques montrent qu'une femme serait violée toutes les 17 secondes en Afrique du Sud. Surtout dans les townships et les zones rurales où certains croient, par exemple, que violer une jeune vierge guérit du sida.
De fait, les statistiques sont effrayantes: 40% des Sud-Africaines seront violées dans leur vie (de même que 3,5% des hommes), plus du quart des hommes admettent avoir déjà commis un viol et le quart des violeurs sont séropositifs.
Les chiffres varient selon les sources, car la majorité des cas ne sont pas rapportés à la police. Seuls 14% des violeurs passeraient en jugement.
La loi prévoit bien la perpétuité pour les viols en réunion ou de mineurs - ce qui n'a pas empêché Jacob Zuma de demander "les plus dures sentences" pour les agresseurs d'Anene Booysen -, mais cette perspective ne semble pas calmer les pulsions de nombreux Sud-Africains.
Dans les jours qui ont suivi le calvaire d'Anene Booysen, une autre adolescente a été violée en réunion et tuée près du Cap, et la police a arrêté dans le Nord-Ouest le violeur et meurtrier présumé d'une "gogo" (grand-mère) de 98 ans.
Pas plus tard que vendredi, un homme a violé un bébé de 2 ans dans le nord du pays. Il était en liberté sous caution après avoir forcé deux femmes, dont une "gogo".
"L'indignation fait quelque chose, elle permet d'attirer l'attention sur le problème, mais ça peut passer très vite", regrette la sociologue Lucy Holborn, estimant que le pays aurait surtout besoin d'une police et d'une justice efficaces, ainsi que de programmes d'éducation dignes de ce nom.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)