L'année 2018 a été marquée par une affaire des plus spectaculaires liée à la saisie de 701 kg de cocaïne au port d'Oran, dissimulés dans une cargaison de viande importée du Brésil.Au centre de ce dossier pendant au pôle pénal spécialisé d'Alger, Kamel Chikhi, un gros importateur de viande, devenu en quelques années un puissant magnat de l'immobilier.
En cette journée du 26 mai, personne ne se doutait que sur le navire Mercury Vega, en rade au port d'Oran, en attente d'une place à quai pour décharger sa cargaison de viande, était bourré de cocaïne. Informées, les unités de la marine, des garde-côtes, de la Gendarmerie nationale et des Douanes font leur irruption à bord et obligent le commandant à accoster.
L'information de la découverte de la drogue fait le tour du monde. Jamais une telle quantité de cocaïne pure n'a été saisie en Algérie. Les premiers éléments de l'enquête aboutissent à l'arrestation de Kamel Chikhi, son agent consignation, ses deux frères et son directeur commercial, mais aussi le chauffeur personnel de Abdelghani Hamel, ex-patron de la police, qui surprend le monde avec une déclaration publique violente.
Il accuse les gendarmes d'avoir commis de graves violations de la procédure et rappelle aux responsables : «Celui qui veut enquêter sur la corruption doit être lui-même clean» et menace de remettre à la justice «le dossier que ses services ont sur l'affaire».
Le message qui est vite passé lui a coûté son poste, quelques heures après. L'implication de son chauffeur personnel et les soupçons qui pesaient sur son fils, propriétaire du port sec où la cargaison de viande devait être stockée, ont alimenté les commentaires de la presse aussi bien locale qu'internationale.
Confiée au pôle pénal spécialisé d'Alger, l'instruction judiciaire abouti, quelques jours après, aux nombreuses connexions qui ont permis à Kamel Chikhi d'avoir ses entrées et sorties au niveau de l'administration et de la justice.
Les premières inculpations et arrestations touchent le fils de Abdelmadjid Tebboune, ancien Premier ministre, le fils de l'ancien wali de Relizane, l'ex-maire de Ben Aknoun, et deux magistrats, le procureur de Boudaouaou et son adjoint, pour des faits liés à la «corruption», le «trafic d'influence» et l'«abus de fonction». L'affaire prend de l'ampleur et fait couler beaucoup d'encre.
Des commissions rogatoires sont délivrées à plusieurs pays, dont le Brésil et l'Espagne, par où la marchandise a transité et où le conteneur, où la drogue était cachée, ouvert et refermé, alors que d'autres arrestations et mises sous mandat de dépôt sont opérées et concernent les chefs des services de l'urbanisme de Kouba, Aïn Benian, Draria, Chéraga et Hydra ; des conservateurs fonciers de Hussein Dey et Bouzaréah, de deux contrôleurs de la conservation foncière de Hussein Dey, d'un fonctionnaire de la conservation foncière de Bouzaréah ainsi que d'un architecte de la direction de l'urbanisme d'Alger.
Dans sa première sortie, Me Saïd Younessi, avocat de Kamel Chikhi, demande l'audition de Abdelghani Hamel par le juge d'instruction et, à ce jour, aucune réponse ne lui a été donnée. En tout, 24 personnes sont en prison, dont six seulement sont concernées directement par des crimes liés au trafic et commerce international de drogue, les 18 autres sont poursuivies pour des délits de corruption et de trafic d'influence.
Leur détention ne peut excéder les huit mois, impartis par le code de procédure pénale et qui coïncident avec le début du mois de février prochain. Parallèlement, le juge d'instruction a procédé au gel de nombreux chantiers de Kamel Chikhi, de ses comptes ainsi que de ceux de ses frères et de ses sociétés.
Il y a quelques semaines, le magistrat a également gelé les comptes des enfants de Abdelghani Hamel, dont l'un d'eux a été inculpé.
L'instruction se poursuit, mais elle n'a pas pour autant levé le voile sur les circonstances qui entourent la transaction liée à la drogue, son acheminement du Brésil jusqu'en Algérie, en passant par l'Espagne, les vrais propriétaires de la marchandise et le circuit de paiement qu'elle a pris. Même avec le retour des commissions rogatoires, le juge n'a toujours pas levé le mystère de cette affaire qui a ébranlé les institutions de l'Etat.
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Posté Le : 30/12/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Salima Tlemcani
Source : www.elwatan.com