Algérie

L'affaire Ayache



C'est l'histoire de Youcef, jeté dans un puits par ses frères, mais qui finit mal. Si Youcef a été sauvé par une caravane qui faisait route vers l'Egypte et devint prophète par la suite. Ayache Mahdjoub, lui, a fini par mourir, seul, à 30 mètres au fond d'un puits artésien, de 40 cm de diamètre, dans un village au sud-ouest de M'Sila. Il a succombé après plusieurs jours de souffrance alors que le pays a fait de son drame une question d'opinion nationale. L'affaire Ayache c'est ce fossé qui sépare l'Algérie rurale, campagnarde, montagneuse de celle de la capitale, des postes de responsabilité, des contrats et de la famille et des amis. Il a fallu six jours pour que son cadavre ne soit retiré après de nombreuses et vaines tentatives des autorités mais aussi et surtout par un magnifique élan de solidarité citoyen de le sauver.L'affaire Ayache, c'est aussi ce dialogue à la limite de l'absurde entre le frère de la victime et le wali de M'Sila. L'un terrassé par la douleur de voir son frère dépérir et l'autre drapé dans l'importance de son costume de haut responsable de l'Etat. Un échange surréaliste qui traduit, superbement, ce dialogue de sourds qui relie les Algériens à leur tour de contrôle. «T'étais où pendant tout ce temps-là '», l'interrogation du frère adressée au wali résume à elle seule le ressentiment de tout un peuple face à ceux qui sont censés le gouverner. Elle trahit surtout le désarroi d'une population abandonnée, livrée à l'implacabilité d'un destin appelé en renfort par le wali. Elle scelle, définitivement, ce divorce prononcé depuis des années entre les Algériens de seconde zone et les fonctionnaires parachutés d'Alger, quel que soit leur rang. Une répudiation qu'on cherche à tromper en bitumant les routes et en badigeonnant les trottoirs. L'affaire Ayache c'est cette réponse du wali en guise de caution face à une incommensurable détresse humaine : «le pays a fait son devoir», affirme-t-il péremptoire, précisant qu'ils n'avaient pas dormi depuis le début de cette histoire. L'affaire Ayache c'est également cet aveu d'échec de toute une politique basée sur la rente pétrolière où l'arrière-pays ressemble fort à une arrière-cour qui sert de rebut, à la vitrine officielle. Incapable de dégager un citoyen algérien, tombé au 21ème siècle dans un puits, dans un pays qu'on présente meilleur que la Suède, l'Allemagne, la France et la Suisse réunis, on se demande à quoi servent un gouvernement et ses ministres. Sous d'autres cieux, on aurait forcé le destin pour sauver une vie mais là-bas une vie a le prix qu'elle mérite. Aujourd'hui, en Algérie, la vie d'un Algérien ne vaut que par le poids de ses connaissances, de sa famille. Pour le reste, les puits de la république les attendent.


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