Algérie

L'adieu aux libertés



L'adieu aux libertés
Louh, tu nous as trahis», a titré hier le journal El Khabar, le c?ur gros contre le ministre de la Justice qui s'était engagé, un temps, et publiquement, sur la question de la détention préventive, à ne tolérer celle-ci que dans les cas extrêmes, notamment lorsque la liberté des accusés menace la sécurité publique, le bon déroulement de la justice, ou quand la sécurité de l'accusé est menacée. Comme ces cas de figure ne concernent nullement les responsables de la chaîne TV KBC et la directrice au ministère de la Culture chargée des autorisations de tournage, leur mise sous mandat de dépôt est de ce fait grave, arbitraire et honteuse.Le coup de colère d'El Khabar se justifie : la responsabilité première revient au ministre de la Justice qui a laissé faire le tribunal administratif de Sidi M'hamed, mais plus globalement, ajoutons-le, au pouvoir politique qui use et abuse de la détention préventive, l'autre cas récent concernant le général à la retraite Benhadid dans les geôles depuis neuf mois, sans que son jugement soit programmé. Les excès de la justice, comme son instrumentalisation vont de paire avec les restrictions apportées aux libertés d'expression. Si ces pratiques ne sont pas nouvelles, elles s'exacerbent à chaque crise politique et à la veille des grandes échéances électorales que sont les législatives, les communales et la présidentielle (normale ou anticipée). L'Exécutif balise le terrain pour que ces élections ne viennent pas bousculer l'ordre établi et ne fassent pas émerger des forces politiques nouvelles en mesure de remettre en cause le système et les intérêts qui ont proliféré sous son ombre.L'opposition vient de dénoncer le forcing opéré actuellement par les autorités en direction des députés pour faire passer en un laps de temps très court ? mettant à profit le jeûne et les chaleurs ? tout un dispositif législatif, dont le contenu a un impact direct sur les prochaines élections et la vie politique et économique en général. Mobilisée dans le Parlement sur cette question, l'opposition redoute que ces lois, votées en catastrophe, ne viennent aggraver l'état déjà désolant des libertés dans le pays et que s'installe définitivement l'omerta sur les grands dossiers de corruption, de prédation politique et financière et d'atteinte aux libertés fondamentales des citoyens. Chaque jour amène son lot de dérives totalitaires. Parmi les plus récentes, celle concernant le groupe El Khabar est la plus significative, car elle a abouti à des incarcérations de cadres de valeur n'ayant commis aucun délit pénal.El Khabar a été ciblé bien avant son rapprochement avec l'industriel Issad Rebrab en raison de sa liberté de ton, notamment à travers sa télévision KBC. Sur celle-ci pèse aujourd'hui une menace de disparition après que des émissions satiriques aient été interdites et des responsables incarcérés. D'une pierre deux coups : museler un journal de qualité et régler des comptes à un homme d'affaires qui dérange, telle est la conduite des autorités qui ne cessent de harceler les médias en général, ce dernier refuge de la liberté de ton et du printemps démocratique de la fin des années 1980-début 1990.Après les interdictions de journaux et les harcèlements judiciaires, c'est le temps de l'étranglement financier. L'accès à la publicité étatique reste toujours interdit aux médias qui contestent l'ordre établi, tandis que les entreprises et organismes étrangers subissent de fortes pressions du côté des autorités sur leur choix des supports publicitaires.Le journal El Watan, qui vit cette réalité depuis deux années, axe aujourd'hui ses efforts sur la fidélité de son lectorat, premier garant de son indépendance éditoriale et financière. Acquis après quinze années de luttes et de sacrifices, son nouveau siège est confronté, avant réception, à des contraintes administratives et techniques en mesure d'être facilement levées par les autorités administratives locales si n'interfèrent pas des considérations d'ordre politique. Affaiblir El Watan, après El Khabar, et demain Liberté et les îlots de bonne presse, y compris électroniques et audiovisuels, ce sera l'adieu définitif à la liberté d'expression et donc à l'Algérie démocratique.


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