La grande dame du cinéma algérien, Chafia Boudraâ, crève l'écran dans le film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb. Elle campe le rôle d'une mère de trois fils.
Une histoire d'une famille déracinée, expropriée, séparée, victime du colonialisme français et poussée vers un exil forcé. Chafia Boudraâ est la mère de Messaoud (Roschdy Zem) s'engageant en Indochine, Abdelkader (Sami Bouadjila) 'uvrant et militant pour l'Indépendance de l'Algérie, et Saïd (Jamel Debbouze), une « petite frappe » et du milieu interlope de Pigalle, à Paris. Leur destin, scellé autour de l'amour d'une mère, se mêlera inexorablement à celui d'une nation en lutte pour sa liberté. Dès les premières images, Chafia Boudraâ, est photogénique, « cinégénique ». Le plan serré (close-up) sur la poignée de terre qu'elle prend dans sa main avec rage pour se répandre en diatribe contre l'injustice du caïd, suppôt du colonisateur et lancer son cri du c'ur. Celui d'une mère battante et combattante.C'est elle qui ose défier l'ordre colonial établi à la place du père. Mère courage marquée par la vie et les destins croisés d'une fratrie. Du coup, Chafia Boudraâ incarne un rôle pivot, clé et pilier dans Hors-la-loi. Matrice, mère nourricière et protectrice, c'est elle qui fédère sa cellule familiale. Elle est le giron maternel ! Tout au long de son travelling filial, elle maintient le cordon ombilical avec ses trois enfants. C'est elle qui envoie une lettre attendrissante à Messaoud, sur le point d'être parachuté en Indochine et de s'y faire prisonnier, en lui exprimant son amour et lui remonter le moral. C'est elle qui, à son retour au bidonville de Nanterre, lui « arrangera » son mariage.C'est elle qui ira rendre visite à Abdelkader incarcéré dans un pénitencier de Paris en lui disant : « La prison est faite pour les hommes (en dialecte arabe). » Une séquence très émouvante et lacrymale. Une « mer de larmes » ! C'est elle qui essaie de dissuader et raisonner Saïd de se retirer du milieu de la pègre et de gagner sa vie honnêtement. « Saïd, dans Hors-la-loi, se sent moins concerné que ses frères par la guerre. Ce qui l'intéresse avant tout, c'est d'assouvir sa passion pour reconquérir le c'ur de sa mère qui le considère comme un voyou et un moins que rien : il souffre énormément d'avoir été rejeté par elle. Du coup, il se consacre totalement à la boxe qui lui permettra, pense-t-il, d'atteindre son objectif. Moi aussi, j'aurais sans doute choisi une route un peu marginale. Et puis, moi aussi, j'aime ma maman », dira Jamel Debbouze à propos de son rôle par rapport à sa mère (Chafia Boudraâ).C'est vers elle que se jette Messaoud pour lui confesser ce que font ses mains « mortifères ». Et puis, Chafia Boudraâ, dans Hors-la-loi, c'est la parabole de l'Algérie colonisée, meurtrie qui a mal dans sa chair. D'ailleurs, elle laissera un précieux legs à son fils Abdelkader, cette poignée de terre de l'humus de Sétif. Le rôle de stabat mater (douleur de la mère) de Chafia est tout simplement grandiose.
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Posté Le : 23/05/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : K. Smaïl
Source : www.elwatan.com