«L'accès aux informations crédibles peut aider les proches à faire leur deuil»

- Quel est l'état d'esprit des parents (proches) des pèlerins qui restent sans nouvelles pendant plusieurs jours 'Plusieurs cas de figure sont possibles dans les situations dramatiques, comme celle survenue récemment à La Mecque. De façon générale, les personnes physiquement proches des lieux du drame et particulièrement celles qui étaient directement exposées au danger de mort et/ou aux blessures graves durant la bousculade, auront un important risque de présenter des réactions post-traumatiques intenses, qui se manifestent généralement par des cauchemars, des insomnies, des flash-backs, des pensées intrusives où les victimes vont repenser et revoir «avec l'impression de revivre intensément» les scènes du drame, des douleurs gastriques (ventre, colon,..), des céphalées (maux de tête), des sursauts au moindre bruit et des peurs persistantes et, j'ajouterais que ce cas particulier (bousculade) est propice à l'apparition de certaines phobies spécifiques (comme la peur des espaces clos, des foules, ..) et des attaques de panique diurnes et nocturnes.Dans la plupart des cas, ces réactions vont disparaître progressivement, cependant, certaines personnes vont, à leur retour à la maison, continuer d'avoir ces réactions avec le même niveau d'intensité qu'au moment de la bousculade, voire plus élevé. Ces personnes auront besoin d'être reçues, dès leur retour, par des psychologues ou psychiatres ayant une compétence reconnue en psychotraumatologie, pour une évaluation spécialisée qui permettra de voir si elles ne présentent pas un trouble de stress post-traumatique, trouble qui peut être traité efficacement s'il est pris en charge précocement.Pour les familles et les proches, durant la période d'attente pour avoir des informations fiables, ils seront soumis à un important stress qui va mettre à rude épreuve leur organisme et leur état psychologique. Le sentiment d'impuissance face à ce drame est, dans cette situation, exacerbé par le fait de la distance géographique, d'où l'importance de l'action des pouvoirs publics et des autorités pour rassurer et soutenir les familles et les proches. Plus la durée du stress se prolonge, plus son intensité deviendra plus importante et plus grand sera le risque de générer des complications psychologiques et somatiques.Dans ce cas présent, certaines familles et proches, ayant perdu un des leurs et qui sont confrontés aux informations et exposés aux images et vidéos (avec des corps entassés,..) circulant sur les réseaux sociaux et les médias, vont avoir du mal à faire leur deuil et peuvent dans certains cas développer des deuils compliqués et pathologiques. C'est pour toutes ces raisons qu'un plan de gestion de crise est recommandé dans ces situations, car nécessaire pour assurer une meilleure gestion de l'information et des différents aspects liés à la crise.- L'installation d'une cellule de crise pour gérer l'aspect psychologique de ces familles n'était-il pas nécessaire pour prendre en charge ces familles 'En effet, dans des situations comme celle que nous évoquons présentement, la mise en place d'une cellule de crise semble évidemment relever, j'allais dire autant du bon sens que de la recommandation scientifique. Il ne s'agit pas de réinventer, dans ce cas, les principes de gestion de crise, mais tout au plus adapter et ajuster aux réalités locales, des procédures et des plans existants et qui ont montré leur efficacité dans de pareilles situations. Pour ce qui est de la qualité et de la diffusion de l'information liées à ce drame, elles ont indéniablement un impact psychologique direct sur les familles et les proches.En effet, la cellule de crise est le dispositif qui offre les meilleures conditions organisationnelles et le cadre idoine pour assurer une gestion efficace de l'information et des autres aspects liés à la catastrophe. La cellule va permettre aux familles et aux proches d'avoir des interlocuteurs identifiés dans leurs tâches, qui peuvent les aider autant que possible à avoir accès aux informations disponibles pour mieux comprendre ce qui s'est passé et ainsi pouvoir faire face au mieux à cette douloureuse réalité.La cellule de crise prévoit également des débriefings psychologiques, animés par des psychologues ou des psychiatres compétents et expérimentés, pour permettre aux victimes, à leurs familles et proches d'avoir des informations et des réponses à leur préoccupations concernant les conséquences psychologiques et traumatiques du drame et de prévenir les éventuelles complications.Je profite de cette occasion pour attirer l'attention sur le fait que les récentes études scientifiques ont montré que certaines méthodes de débriefing psychologique dit «DP- Mitchell » du nom de son concepteur, ne sont pas efficaces et dans bien des cas risquent d'aggraver la situation. Le modèle du débriefing communicationnel et psychoéducatif proposé par le docteur Gérard Lopez est à ma connaissance l'un des rares modèles disponibles à ce jour, qui peut être recommandé pour ces situations.- Quelle serait l'attitude la plus adéquate dans ce genre de drame, du moins du point de vue psychologique 'Comme dans tous les cas de catastrophe, la solidarité et le soutien sous toutes leurs formes ont une importance considérable pour les victimes et leurs proches. La reconnaissance, sociale, juridique et politique des victimes et de leurs droits sont une condition nécessaire pour amorcer le processus de réparation et participe grandement à la reconstruction. Parmi ces droits, l'accès aux informations crédibles, concernant les causes et les conséquences de la catastrophe, peut aider les victimes et leurs proches à faire leur deuil.Enfin, mettre à la disposition des familles et proches des victimes un dispositif d'accompagnement social et juridique et proposer gratuitement, à ceux qui le souhaitent, une aide médico-psychologique assurée par des professionnels de la santé ayant des compétences confirmées.