Algérie

L'ACAFE est née



Je suis un cerveau, donc je pense. Je pense, en tant que porte-parole de l'Association des cerveaux algériens en fuite à l'étranger (ACAFE), que la harga intellectuelle est l'autre face de la harga traditionnelle, à dos de vagues. Les raisons sont convergentes, l'avenir divergent. Nous les cerveaux diplômés sommes très recherchés par les pays étrangers qui restent toujours à l'affût de compétences à moindre coût et sur lesquelles ils n'ont pas déboursé le moindre sou, pour nous former. On nous recrute directement à la porte des universités, on nous facilite l'octroi des visas, on promulgue, pour nous caser, des circulaires sur mesure, histoire de combler les déficits en ressources humaines qualifiées. On nous offre les conditions d'une vie décente, de bons salaires même s'ils ne sont jamais alignés sur leurs blonds aux yeux bleus, on nous garantit un minimum de dignité, de la reconnaissance et même des promotions pour les cerveaux les plus exceptionnels. Et ils sont nombreux ces cerveaux ‘made in bladi' qui font recette dans les laboratoires internationaux, dans les universités prestigieuses et s'illustrent dans le gotha mondial des compétences. Alors qu'on revendique une fiche de paie décente, un environnement professionnel adéquat et des conditions de travail acceptables, on nous envoie les matraques pour nous répondre. Sur quelle partie du corps sont portés les coups ' Eh bien, sur la tête, en visant la matière grise pour mieux nous faire passer l'envie de battre le pavé et de déranger le sommeil de l'Etat.Le problème n'est pas dans les stratégies et autres réflexions du gouvernement pour traiter de la question, il est dans la volonté politique de ne pas brimer les compétences nationales, de ne pas les pousser à s'exiler pour chercher si l'herbe est plus verte ailleurs et, face au désert, n'importe quelle pelouse, fut-elle mal entretenue fait figure d'une vaste prairie. Ce n'est pas tant les sirènes de l'étranger qui sont fortes mais les coups de poings dans le dos, les croche-pieds et l'incompétence nationale érigée en modèle de gouvernance qui poussent vers le large, construisent des radeaux et soufflent dans les voiles. Quand des diplômés de la 6e année primaire décident à la place de professeurs, universitaires et toutes les compétences du pays, c'est que quelque chose ne tourne pas rond. Alors, l'ACAFE revendique un statut particulier pour ses adhérents, cerveaux en situation précaire, et exige des autorités l'ouverture, sans conditions, des portes du dialogue. Elle appelle, également, à la mobilisation de tous les ‘harraga', intellectuels et traditionnels, pour trouver une solution à cette hémorragie et propose, comme alternative à la crise, un visa longue mais vraiment très longue durée, et un billet aller sans retour, à tous ces responsables zélés qui n'ont de matière grise que le sang «bleu» qui coule dans leurs veines. Mais avec ce qui nous attend, après le 18 avril prochain, gageons que la fuite des cerveaux sera, désormais, une inondation.


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