Algérie

«L'absence de l'information sanitaire à l'origine des maux du secteur



«L'absence de l'information sanitaire à l'origine des maux du secteur
L'Institut national d'études de stratégie globale (Inseg) a abrité, jeudi dernier, une conférence sous le thème : «Le système de santé en Algérie, un enjeu stratégique : état des lieux, enjeux et perspectives.» La conférence animée par le Pr Farid Chaoui, professeur en gastro-entérologie. Ce dernier a exercé la fonction de chef de service dans les CHU Aïn Taya et Bab El Oued en 1989. Il était chargé de mission auprès du chef du gouvernement en 1990/1991 (chargé de la santé et de la sécurité sociale). Depuis 1993, il exerce à titre privé. Il est aussi chef de projet «Santé» à l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipmed) depuis 2004. Le Pr Chaoui est très critique vis-à-vis de la politique nationale de santé en Algérie. Plutôt toutes les politiques mises en place depuis l'indépendance du pays. C'est qu'il considère qu'il n'y a jamais eu de véritable politique nationale de santé crédible et qui réponde aux besoins de la population. Selon ses dires, des programmes ont été élaborés et mis à exécution, en investissant particulièrement dans la réalisation de nouvelles structures et l'acquisition de nouveaux équipements, mais «tout cela a été fait dans la précipitation».Le conférencier cite la période d'après «la guerre civile» en Algérie et celle de l'époque du président Boumediène : «C'est pratiquement la même situation. Réalisation de nouvelles structures, acquisition d'équipements modernes et augmentation de l'offre de soins. La même erreur a été toutefois commise durant les deux périodes. Tout a été fait dans la précipitation. Durant les années 80, par exemple, des équipements lourds et très chers ont été achetés, mais jamais utilisés. Il y avait de l'argent, il fallait investir et c'était investir n'importe comment. Aujourd'hui encore, du moins jusqu'à cette chute des prix du pétrole, il y a eu beaucoup de réalisations et d'acquisitions au profit de la santé, mais ça s'est fait sur la base de l'argent disponible et non pas sur la base des besoins réels de la population.»Le Pr Chaoui évoque également les lobbies de l'industrie pharmaceutique et certains impératifs politiques qui demeurent aux commandes pour la définition des programmes du secteur. «Le grand problème c'est que ce n'est jamais fait sur la base des besoins réels de la population qui ont bien changé de l'indépendance jusqu'à aujourd'hui», insiste-il encore. Le conférencier revient aussi sur la période du terrorisme qui a lourdement impacté la population et les structures du pays. Il déplore le départ à l'étranger de plus de 6 000 médecins spécialistes, la destruction des structures de santé dans différents endroits du pays et aussi les conséquences sur la santé mentale de la population. «La violence que nous voyons aujourd'hui, à l'école, dans les familles, dans le milieu urbain, sur la route et autres est la résultante de cette période de terrorisme. J'en profite pour interpeller nos psychiatres sur la nécessité de prendre au sérieux ce problème et venir en aide à toutes les catégories souffrantes.»La transition démographique et épidémiologique est aussi à prendre en considération dans la définition des projets du secteur. Le conférencier évoque particulièrement le passage des maladies infectieuses aux maladies non transmissibles, le poids des personnes du troisième âge qui représentent une part importante de la population, les conséquences du transfert de l'offre des soins du public vers le privé... tout un ensemble de facteurs qui impose une révision radicale de la soi-disant politique de santé qui est en vigueur. Mais derrière tous ces freins, il y a un élément de grande importance qui est, selon ses dires, la raison première de toutes les défaillances relevées dans le secteur. Il s'agit de l'absence d'un dispositif d'information sanitaire. Ce dernier qui sera à même de fournir toutes les données concernant l'état de santé de chaque citoyen. «C'est seulement en ayant l'information exacte sur l'état de santé de chaque citoyen que nous pourrons définir la politique adéquate», a-t-il dit. Et d'insister : «Il est aussi nécessaire que les pouvoirs publics disent toute la vérité aux citoyens en ce qui concerne leur prise en charge. Les Algériens doivent savoir que l'Etat ne peut pas s'occuper de tout le monde. Il y a des priorités à faire.» Parlant justement de cette prise en charge étatique, le Pr Chaoui note : «Ce n'est pas vrai, la médecine n'est pas gratuite en Algérie et les dépenses pour la santé sont très faibles. Nous sommes un pays sous-développé, pauvre. Les dépenses pour la santé en Espagne sont de 3 000 euros par habitant, en France près de 4 000 et chez nous, c'est seulement 350 à 380 euros. C'est très faible.» Aussi, relève le conférencier, «l'indice de l'évolution de la santé en Algérie est le taux de mortalité maternelle, ainsi que celui infantile. Or, les chiffres à notre disposition sont très inquiétants : 80 à 100 femmes sur 100 000 décèdent lors d'un accouchement et ce sont des femmes en bonne santé et d'un âge moyen. Rien ne justifie a priori leur décès dans ces circonstances. Le taux de mortalité infantile est de 30 pour 1 000».K. M.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)