Algérie - Ras El Aioun


L'abreuvoir
«  Il est l'heure, nous rentrons ! » Je parlais à mon équipe. Ainsi le retour vers le village et ses vies se formulait dans la saveur du soir, la douceur succédait au jour endiablé et cuisant, les cœurs des blancs pèlerins battaient à l'unisson du mien et de celui de notre ménil. L'abreuvoir vert de mousse venait à notre rencontre et à celle des faméliques manades félahines. On lui prétendait une fonction de lavoir. Sa margelle de gros cubes de pierre se laissaient surmonter par une dalle de schiste servant aux improbables lavandières pour frotter le linge, il y eu même deux barres de bois pour le poser. Le bassin s'enracinait sur la route de la civilisation à la sortie du bourg. Il avait été construit au début du siècle par la volonté des premiers défricheurs. Long de presque quatre mètres et large de cinquante centimètres, il avait vraisemblablement possédé un toit, peut-être en ardoise, dont il ne restait qu'un solide mur, assimilable à une cheminée ou à un minaret, que surmontait un nid de préposées cigognes, parfois en goguettes depuis cette lointaine Alsace maintes fois reconquise dans nos livres d’histoire. Les grands oiseaux se moquaient de notre faible qualité de français. Indifférents à nos drames, mes beaux amis se nourrissaient en groupes et s'ils nichaient en cette demeure, c'était à vie. À la saison, le mâle qui arrivait en premier, commençait à refaire immédiatement leur couvoir, puis rester, pendant quelques jours, à attendre l'arrivée de la femelle. Les échassiers jouaient à la girouette en glotorant, en claquant leurs becs droits et effilés comme des poignards, en pratiquant une annuelle parade nuptiale. Eux, ils étaient libres de choisir leurs visas ou passeports.


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