«L'Etat devrait présenter ses excuses officielles aux familles des
disparus, ça n'a rien de déshonorant, il doit leur donner un statut spécial», réclame
le président de la Commission nationale consultative de protection et de
promotion des droits de l'Homme (CNCPPDH).
Mustapha Farouk Ksentini estime que ce que demande «cette minorité active»,
qui sont les familles des disparus, «est légitime, je respecte leur point de
vue». Vérité et Justice sont les maîtres mots des revendications des familles
qui se sont regroupées hier à la place du 1er Mai, à l'occasion de la Journée
internationale des disparus. Mais, précise le président de la CNCPPDH, «c'est
irréalisable ! Je ne le dis pas de gaîté de coeur, je respecte la douleur de
ces familles, mais c'est carrément irréalisable !». En effet, explique-t-il, si
Vérité et Justice voudraient signifier pour ces familles «retrouver les tombes
de leurs proches enlevés et identifier leurs squelettes, c'est carrément
impossible !». Il est clair qu'après tant d'années de lutte pour connaître la
vérité et réclamer justice auprès des autorités qui semblent frappées d'amnésie
- du moins pour ce qui concerne le dossier des disparus - ces familles
attendent probablement un acte politique qui leur permettrait un tant soit peu
de faire leur deuil. « J'ai toujours milité pour la réhabilitation morale des
disparus, j'ai toujours dit que l'Etat doit leur donner un statut spécial, j'ai
même proposé que leur soit consacré une journée nationale», nous a affirmé
hier, Maître Ksentini. «L'Etat devrait présenter à leurs familles, ses excuses
officielles, ça n'a rien de déshonorant, bien au contraire, ça grandit l'Etat»,
recommande-t-il. Le président de la CNCPPDH a rappelé que le chef de l'Etat en
avait même fait mention dans un de ses discours. Mais, a-t-il dit désolé, « ça
n'a pas été suivi d'effet ». Il reste cependant persuadé que «ce n'est jamais
trop tard pour le faire ». Aux familles qui pensent qu'il tente de les
dissuader de poursuivre leur combat pour la vérité et la justice, Maître
Ksentini répond « jamais de la vie, je ne me le permettrais ! Je n'ai jamais
refusé de les recevoir et de discuter avec elles, je n'ai employé aucun moyen
immoral pour les obliger à accepter quoi que ce soit ».
Les familles de disparus peinent, en effet, à faire entendre leur voix.
«L'Etat a préféré s'occuper des terroristes, il leur a donné des droits que
nous n'avons pas eu, il n'a aucune considération pour nous», disaient hier, des
familles qui continuent de se regrouper tous les mercredis devant le siège de
la commission, en espérant un jour que l'Etat daigne les regarder en face et
décide d'actes politiques forts à leur égard. « Je n'ai jamais demandé que ces
rassemblements cessent, si ça peut exorciser leur douleur... J'ai toujours
revendiqué une solution à ce drame sur la base d'un dialogue et d'un compromis
entre les deux parties. D'ailleurs, je leur ai toujours dit que je ne défends
pas l'Etat contre vous mais je vous défends contre l'Etat ». Il note à cet
effet que «même les indemnisations, que certaines familles ont acceptées, ont
été difficiles à arracher. Rappelez-vous, en 2001, parler de disparus, c'était
un tabou, les gens avaient peur».
Interrogé sur les raisons qui font que l'Algérie refuse à ce jour de
ratifier la convention internationale contre les disparitions forcées, comme
revendiquée par les associations des familles des disparus, le président de la
commission dit simplement «je ne peux pas répondre à cette question, je ne
connais pas ces raisons si elles existent». Mais, souligne-t-il, «si l'Algérie
signe cette convention, je ne pourrais qu'applaudir. Ce serait une bonne
chose».
Pour rappel, la CNCPPDH a été
sommée de se conformer aux règles onusiennes en matière de légalité. « Nous
conformons les statuts de la commission aux règles consacrées par les Nations
unis, mais il faut savoir que ce sont les Nations unies qui ont changé leurs
règles du jeu parce qu'il faut reconnaître qu'avant qu'on ne soit déclassé, on
était classé conformément à des règles bien onusiennes », a indiqué Maître
Ksentini.
Instituée par décret présidentiel,
la CNCPPDH devra l'être désormais par une loi. En fait, la demande onusienne
réclame plutôt l'indépendance de la commission vis-à-vis de la présidence de la
République et des instances du pouvoir politique. «Ils demandent l'indépendance
de la commission, nous l'avons toujours revendiquée. Mais vous savez qu'il y a
plus de 70 commissions dans le monde qui ont les mêmes critères d'institution
que celles de notre commission, ce sont des commissions d'Etat et personne ne
trouve à redire ni ne discute de leur indépendance. Je ne comprends pas
pourquoi ils le font pour l'Algérie», dit son président. Il estime qu'il n'y a
rien d'incompatible entre le fait que l'Etat subventionne la commission et son
indépendance. A «ceux qui prêtent à la commission beaucoup de pouvoirs qu'elle
n'en a», il rappelle que «nous ne pouvons pas créer un Etat de droit, nous tous
seuls, on peut y contribuer». Et même s'il répète que «nous sommes une
commission d'influence», ce qui signifie que la commission pourrait influer sur
la décision politique, il reconnaît qu'«on n'a pas toujours réussi à imposer
notre point de vue dans tous les cas. Nous l'avons réussi peut-être pour 60 %
des cas». Maître Ksentini, dont le mandat prendra fin «dans 18 mois »,
rappellera toujours que «les droits de l'Homme, c'est une culture !».
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Posté Le : 31/08/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com