Algérie

Kosovo, le poids d'un Etat


Dimanche 17 février 2008, 15h35, le parlement kosovar adopte le texte de proclamation de son indépendance à l'unanimité et crée un Etat souverain, démocratique, multiethnique, laïc. Moment solennel. Les grandes chaînes diffusent l'information en direct. L'ENTV, de ses trois têtes, diffuse des dessins animés de mauvais goût pendant que le regard du monde est tourné vers ce petit territoire qui imprimait un fait historique nouveau pour la communauté internationale. Mais de cela, plus personne ne s'étonne. En balade en Afrique, Bush soutient le nouvel Etat et se dit prêt à l'aider. Deux heures plus tard, la Serbie ne reconnaît pas cette indépendance, pendant que les observateurs internationaux craignent des affrontements. Dans les rues de Pristina, c'est la fête, une joie d'indépendance faite de couleurs et de danses locales. Leur 5 juillet 1962 pour ceux qui vivaient en Algérie. Les musulmans ont à présent un autre territoire dans cette partie du monde. Le drapeau américain est brandi en signe de reconnaissance. En dehors de la précipitation des Français, des Anglais et des Etats-Uniens, la reconnaissance des Etats arrive timidement par crainte de créer un précédent dans les relations internationales et de contagion des communautés ethniques. Et chacun en a au moins une. L'Europe est divisée sur le sujet, les musulmans, à travers leur sommet, félicitent comme d'habitude la réussite américano-française, sans se soucier des questions ethniques qui se posent à leurs pays. Et c'est là que l'Histoire à venir les attend. Au-delà de la répression contre un peuple qui s'est attaché à ses particularités culturelles et cultuelles, le Kosovo n'aura été qu'un laboratoire pour expérimenter le séparatisme sous le prétexte de l'humanitaire et du sauvetage des peuples en danger. Les pays musulmans n'ont aucune leçon à donner sur ce terrain, autant fragile que semé d'embûches léguées par l'Histoire et la géographie. Une nouvelle vague pour permettre au droit international une plus large marge de man?uvre d'intervention dans n'importe quelle partie du monde où les intérêts occidentaux sont menacés et où des communautés se disent lésées par les pouvoirs centraux. Deux conditions d'avenir. Une question qui pose l'avenir de ce que pourra être l'unité nationale, l'intégrité territoriale, la souveraineté et tous les concepts de nation dont il faudra désormais redéfinir les sens. L'expérience irakienne est en ce cas plus parlante. Sous le prétexte de libérer un pays de son « dictateur » et en dépit du droit international, se basant sur des informations qui se sont avérées fausses a posteriori, les USA ont envahi sans sommation, engagé des budgets qui auraient pu faire le développement de l'Irak, y compris sans Saddam. Le fait accompli, la loi du plus fort. Il s'en est suivi un découpage ethnique, religieux, économique de l'Irak. Résultats de plus en plus de morts, de plus en plus de destruction des infrastructures, de plus en plus éloigné l'espoir d'un retour à la paix. Les Américains partiront un jour, mais qu'auront-ils laissé comme haine et comme désastre après eux ? Lorsque à Pristina le drapeau américain symbolisant la liberté et l'union des Etats est hissé par les Kosovars, on est en droit de se demander à quoi joue l'Histoire en ce mois de février 2008. L'image de l'Américain libérateur de peuples musulmans, « surhomme affranchi », donneur de leçons, effaçant celle du croisé, qui expose sunnites et chiites à une violence fratricide, s'en portera-t-elle mieux à l'avenir ? Qu'adviendra-t-il de l'Espagne soumise à une lutte contre le séparatisme, à la Belgique aussi ? La France de Koutchner aura à répondre au Corses, aux Bretons et autres Alsaciens pour leurs revendications autonomistes. « L'arroseur arrosé ». L'avenir serait-il donc au communautarisme et au tribalisme comme forme d'Etat ? Qu'aura-t-elle à répondre aux Palestiniens ? Toutes les tribus africaines qui ont hérité de l'Etat central après leurs indépendances et de frontières stratégiquement tracées pour une future division ? Le Darfour de Kouchner n'est qu'une succession de violence et de génocides ou, dans le meilleur des cas, de déplacement de populations. On ne peut pas dire effectivement que l'indépendance du Kosovo soit une mauvaise chose en soi, mais que cache-t-elle comme arrière-pensées ? Qui garantira au Kosovo une stabilité politique, un tracé territorial respecté et une vie meilleure ? L'ONU ? Risible, si l'on se réfère à ses positions dans les conflits où les Américains étaient partie prenante. L'Union européenne ? Trop d'intérêts en jeu dans la région pour donner à cette indépendance un corps et surtout une âme. Les pays musulmans ? Trop frileux au regard de leur légitimité pour appuyer une quelconque position commune et peu de poids devant la suprématie américaine. Les Kosovars n'ont à compter que sur eux-mêmes dans cette aventure de la liberté qu'ils devront assumer une fois tout ce monde-là parti vers d'autres aventures économiques. Il ne s'agira plus de supporter la charge d'un Etat mais plutôt son poids.
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)