(né en 1947) Calligraphe et peintre. Sans doute l’un de nos artistes contemporains les plus productifs et les plus accomplis, Koraïchi est né à Aïn-Beïda. Etudes à l'Ecole nationale des Beaux Arts d’Alger (1967-1971), l'Ecole Nationale Supérieure des Arts
L'oeuvre de Rachid Koraïchi puise toute sa force dans la richesse de la lettre. L'usage du signe, Koraïchi, issu d'une famille soufie très religieuse, le pratique dès son jeune âge. Enfant, il fréquente l'école coranique où il apprend à reproduire les sourates du livre sacré. Il est élevé dans la religion jusqu'à seize ans, âge auquel il décide d'abandonner la pratique. Mais la gestuelle de l'écriture, le tracé des lettres sont sans aucun doute restés gravés dans son esprit. Lorsqu'il doit faire le choix de ses études, il préfère les arts plastiques à la littérature. Mais celle-ci n'a jamais été bien loin. Elle est demeurée au coeur même de son art. Après avoir reçu une formation à l'Ecole des Beaux-Arts d'Alger de 1967 à 1971, il s'installe à Paris et suit des cours à l'École des Arts Décoratifs de 1973 à 1975, puis aux Beaux-Arts jusqu'en 1977. De cet enseignement, il a tiré un sens pointu de la technique et un ecclectisme qu'illustre la variété des supports qu'il emploie.
Bien qu'il expose depuis les années 70, c'est surtout avec le nouveau regard porté sur l'art contemporain africain qu'il bénéficie d'une place majeure sur la scène internationale. L'exposition "Rencontres Africaines" à laquelle il participe en 1994 n'est que le début d'une série de manifestations qui marquent ce tournant. Déjà en 1990, le Centre George Pompidou présente "Salomé", fruit d'une collaboration entre le peintre et l'écrivain Michel Butor. La même année, il est de ceux qui rendent hommage à René Char (1907-1988) au Palais des Papes à Avignon. Mais, passer la rive méditerranéenne n'a jamais signifié rompre avec sa culture. Les lithographies qu'il crée pour l'Enfant-Jazz de Mohammed Dib (recueil de poésie récompensé du Prix Mallarmé en 1998) ou encore sa collaboration avec le poète palestinien Mahmoud Darwish (L'Hymne Gravé, Poème de Beyrouth) en sont la preuve. Cela est d'autant plus vrai que son art est profondemment inspiré par les maîtres soufis.
Koraïchi a cité Ibn Arabi (1165-1240) et al-Attar (1142-1221). Hommages qui, comme le souligne Maryline Lostia, "sont comme le fil d'Ariane menant à un lieu et à un homme" (1). Il s'agit de l'érudit religieux et poète al-Rûmî (1207-1273). C'est à lui que Koraïchi dédie son Chemin de Roses auquel il consacre plusieurs années. Cette installation, présentée à Londres pour la première fois en 2003 (October Gallery), regroupe des sculptures métalliques de signes étrangement anthropomorphes, des broderies de fil doré sur soie bleue (un clin d'oeil au coran sur parchemin bleu du Musée d'Arts Islamiques de Cairouan, Tunisie) et des vasques en céramique remplies d'un fond d'eau parsemé de pétales de roses.
Dans ce travail Koraïchi reprend des textes d'al-Rûmî. Mais il ne s'agit pas d'une simple retranscription. Tout comme il n'est pas question de calligraphie à proprement parler. Comme il le dit dans une interview avec Leticia Cordero Vega, "la calligraphie a ses propres règles et techniques" (2). Koraïchi, lui, n'obéit qu'à son inspiration, faisant, au besoin, appel à des spécialistes. On connait la brodeuse marocaine Fadila Barrada, les potiers de Djerba ou les tapissiers tunisiens, dont un maître formé à Aubusson (3). Il conserve alors une liberté de création qu'il met au profit de l'élaboration de sa graphie.
Si son alphabet trouve ses origines dans un registre qui s'étend du monde arabo-berbère à l'Extrême-Orient, il est avant tout invention de l'artiste. Au point que la lettre peut très bien n'avoir aucune autre signification que celle suggérée par sa forme. Mais dire cela ne fait pas de Koraïchi un artiste abstrait. Si d'un côté il aborde la mystique soufie, cela ne l'éloigne en rien de faits bien concrets. Son travail conjoint avec Darwish en dit long sur ses prises de positions. Parmi ses derniers projets, "Répliques". Koraïchi propose au plasticien Philippe Mouillon d'adapter l'idée de Berge 2000 (Grenoble) à la scène algeroise. Sur les parois du Tunnel des Facultés sont projetées, en jeux d'ombres et lumières, des travaux d'artistes venus des quatre coins du monde. Pour l'artiste qu'il est, c'est un pari gagné. Rendre l'art accessible à tous, faire de lui un événement quotidien, mobiliser les institutions algériennes, c'est peut-être l'une de ses plus grandes contributions à la scène culturelle de son pays.
(1) Maryline Lostia "Rachid Koraïchi: A Celestial Architecture", S. Hassan et O. Oguibe (ed.), Authentic/Ex-Centric, Conceptualism in Contemporary African Art, New York, Forum for African Arts, 2001, p. 163.
(2) Leticia Cordero Vega, "Meeting with Rachid Koraichi", Third Text, n° 25, Winter 1993-94, p. 62.
(3) M. L. Borras, "Rachid Koraïchi: A Passion for Writing", Atlantica n° 21, Autumn 1998, p. 151.
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Posté Le : 18/08/2007
Posté par : hichem
Source : www.arab-art.org