Kleenex Casbah
S?il fallait rédiger un guide de la Casbah, on devrait ajouter dans le volet pratique : vous munir de plusieurs paquets de mouchoirs en papier car vous risquez de pleurer. Jeudi dernier, l?envie, le hasard, un compagnon et le beau temps me poussèrent à y retourner. La tradition séculaire des rues de corporations a rejailli sous une forme étrange avec l?ex-rue Randon devenue à une semaine du Mouloud la rue des vendeurs de pétards et de feux d?artifice. S?il n?y avait pas les étendards du Mouloudia pour en rappeler le fief, on aurait cru le territoire occupé par le NAHD. Tout était jaune et rouge, aux couleurs de l?équipe d?Hussein Dey. Mais ce n?était que les emballages de la pyrotechnie chinoise qui coloraient ainsi les lieux. Des Chnaouas vendant des produits chinois, une autre image de la mondialisation ! Passé ce cap, on entre dans un monde exempté des bruits mécaniques, des huées de la foule et des harangues des camelots. Cette qualité de silence est le dernier vestige intact de la Casbah. Pour le reste, il faut sortir les mouchoirs, pour pleurer éventuellement, en tout cas pour se préserver des odeurs. Des talus de sacs-poubelles, bien fermés et regroupés ? mais toujours en plastique noir ! ? prouvent que les habitants s?efforcent de maintenir l?hygiène mais que la voirie ne le peut pas. Les ânes de Netcom (seul service de nettoyage urbain au monde à se déguiser en agence de communication) seraient-il en grève ? La décrépitude des lieux est tragique. Des murs, non plus lézardés mais éventrés, des maisons en ruine, d?autres disparues, une sensation terrible de lèpre architecturale? Début mars, la direction de la culture de la wilaya d?Alger a annoncé la mobilisation d?un budget de 300 millions de dinars pour la restauration de la Casbah d?Alger, programme « qui sera parachevé au plus tard dans trois ans ». Pour les endurcis du centime, cela représente 30 milliards, soit le prix de dix petites villas ou de 30 appartements quelconque à la périphérie d?Alger. Cela pour restaurer un ensemble architectural aussi ancien, aussi vaste, aussi précieux pour notre histoire et notre fanfaronnade à le savoir classé par l?UNESCO au patrimoine mondial de l?humanité, sauf votre respect ! Il est clair que cet argent ne suffira pas, d?autant que l?argent ne suffit pas à entreprendre de tels projets. La wilaya de Tindouf vient de stopper la réhabilitation de ses sites historiques, entamée début 2007, par absence de main-d??uvre qualifiée. Il faut donc des hommes ainsi qu?une vision et un programme ambitieux. Soit la volonté de ne pas laisser la Casbah finir comme un mouchoir qui recueille la partie la moins noble du nez , lequel est ? comme chacun le sait ? le symbole de notre fierté.
Posté Le : 20/03/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ameziane Ferhani
Source : www.elwatan.com