Algérie

KIOSQUE ARABE Revoilà le commissaire !



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Il s'était fait connaître après l'assassinat, le 19 janvier 2010, d'un dirigeant du Hamas palestinien par le Mossad à Dubaï. Dhahi Khelfane, chef de la police de l'émirat, avait livré les preuves vidéo de l'implication israélienne, moins d'une semaine après l'attentat.
Les tueurs lui avaient facilité la tâche, il est vrai, en agissant comme s'ils étaient en excursion touristique. Tous leurs faits et gestes avaient été suivis et filmés par les nombreuses caméras dont la capitale des émirats est équipée, jusque dans les caves des immeubles(1). Ceci dit, sans vouloir diminuer les mérites de ce brave policier, qui m'est très sympathique, par ailleurs comme vous allez le voir. En février 2012, Dhahi Khelfane avait à nouveau défrayé la chronique en lançant un mandat d'arrêt contre le cheikh Karadhaoui. Lors d'un prêche du vendredi, l'imam d'Al-Jazeera avait vilipendé les autorités de l'émirat, après l'arrestation d'agitateurs Frères musulmans syriens. «La méthode de Karadhaoui est simple, avait déclaré Khelfane, elle consiste à nous dire : “ou vous laissez les Frères musulmans agir à leur guise à Dubaï, ou nous vous attaquons sur Al-Jazeera. Il parle de Syriens expulsés, ce qui n'est pas vrai, mais il garde le silence sur la décision de Doha de retirer leur nationalité à des centaines de citoyens du Qatar.» Le policier était allé beaucoup plus loin en affirmant qu'il avait des preuves que des Frères musulmans fréquentaient assidûment des dames de petite vertu. Quant à Karadhaoui, lui-même, il suffisait à sa turpitude qu'il ait laissé un «dossier noir»(2) en Algérie. Une nouvelle crise a éclaté cette fois-ci en décembre dernier avec le gouvernement islamiste et la chapelle mère du mouvement des Frères musulmans. Persuadés que les autorités de Dubaï voulaient réduire l'influence considérable de leur mouvement dans l'émirat, les islamistes égyptiens ont voulu attaquer les premiers. Comme ils avaient déjà une vieille dent, celle de Karadhaoui en l'occurrence, contre Dhahi Khelfane, ils ont monté une histoire de complot d'enlèvement du président Morsi, en personne. En plus de cette gigantesque opération, qui l'aurait propulsé au rang de superhéros, «Dirty Dhahi» devait procéder à l'élimination des principaux responsables de l'organisation islamiste. Las, le commissaire mal-aimé des Frères a opté pour l'humilité et la simplicité, synonymes d'efficacité : il a fait arrêter une douzaine des militants qui procédaient au maillage de l'émirat. Ils avaient mis en place des cellules, dont certaines dissimulées, selon la règle de la «Takia». L'Egypte a réagi en deux étapes élaborées par un même centre de décision, le «guide» du mouvement en l'occurrence : parlant en tant que parti, il a demandé la libération immédiate des Egyptiens emprisonnés à Dubaï. Agissant au nom du même parti, le président Morsi(3) a envoyé une délégation, pour une action plus diplomatique, sans plus de succès. En fait, lorsque Dhahi Khelfane monte au créneau pour dénoncer les mœurs et les pratiques illégales des Frères musulmans, il ne fait qu'exprimer en langage cru une inquiétude fondée : la crainte des monarchies du Golfe de voir disparaître leur emprise sur les mouvements islamistes qu'ils ont aidés, favorisés, ou mis au monde, dans tous les pays arabes et musulmans. C'est l'un des éditorialistes arabes les plus aptes à se pencher sur cette question, sans craindre de courbatures, Abdelbari Attouane du quotidien Al-Quds, qui a exposé le mieux ces inquiétudes monarchistes. «La guerre contre les Frères fissure le Golfe», s'alarme-t-il dans son éditorial de ce samedi, consacré à cette crise égypto-émiratie, qui dissimule une fracture plus grande. «La situation actuelle est, en réalité, la conséquence de la rupture de l'alliance historique entre les monarchies du Golfe et les mouvements islamistes », note-t-il. Et de s'interroger : «Pourquoi les monarchies du Golfe se retourneraient-elles brusquement contre une idéologie qu'elles ont soutenue et protégée durant ces quatre-vingts dernières années ' Bien plus, elles ont permis aux penseurs Frères musulmans de contrôler leur système éducatif, d'élaborer leurs manuels scolaires. Et ceci, non seulement à l'intérieur de leurs frontières, mais dans tous les pays musulmans du monde.» Adbelbari Attouane expose ensuite ses éléments de réponse, dont certains sont incontestables, à savoir que le mouvement des Frères musulmans est un mouvement mondial, dirigé par une organisation internationale. L'allégeance organique est due au «Guide suprême» qui se trouve en Egypte, et non pas aux gouvernements locaux, encore moins aux émirs locaux du mouvement. Autre argument : la mainmise du mouvement islamiste sur la formation des nouvelles générations, au moyen des systèmes d'enseignement. Ce qui lui a permis d'asseoir son hégémonie sur les armées et les services de sécurité, et d'en faire le parti le plus qualifié et le mieux préparé pour faire tomber les régimes en place, et pour s'emparer du pouvoir. Mais la plus grande inquiétude, selon l'éditorialiste, est cette alliance qui se dessine entre la Turquie, le Qatar et l'Egypte : le premier apportant la puissance militaire, le second fournissant l'argent, et le troisième offrant son poids stratégique et humain. Juste à droite de l'édito, Al- Qudsnous livre cette déclaration optimiste du ministre marocain (islamiste) des Affaires étrangères : «La montée de l'Islam politique aide au rapprochement entre le Maroc, la Tunisie, l'Egypte et la Libye». Etrange omission : il n'y a pas d'Algérie dans cette coalition rêvée. Et nous alors ' Faut-il vous envoyer Cheikh Ferkous, nos imams officieux et officiels, pour vous persuader que nous sommes résolument et durablement ancrés à droite de la droite du wahhabisme '
A. H.
(1) C'est ainsi que l'assassin de la starlette libanaise Suzanne Temim, un ancien policier égyptien, avait été démasqué en août 2008, parce qu'il avait oublié, ou ignoré, l'existence des caméras de surveillance. Le commanditaire, un richissime homme d'affaires égyptien «plaqué» par la victime, initialement condamné à mort est toujours en attente d'un nouveau procès.
(2) Certains auraient aperçu ce «Dossier noir» déambulant dans les travées de l'APN, sous la bannière du FLN. «Ouallahou Aa'lam».
(3) On comparera l'attitude très partisane du Caire, dans la crise avec Dubaï, et la tonalité conciliante qui a marqué les déclarations officielles, après l'attentat contre une Eglise orthodoxe en Libye. Les emprisonnés de Dubaï sont des musulmans, des frères et des Egyptiens, les deux morts de Libye sont des Egyptiens, mais des Coptes. CQFD.


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