Algérie

KIOSQUE ARABE L'unité arabe scellée à Doha '



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C'est à y perdre son latin et son arabe sacré : un pape qui lave les pieds d'une femme, une femme musulmane qui plus est. C'est à se demander si le chef suprême de la chrétienté ne se serait pas converti en secret à l'Islam dont il applique l'un des plus beaux principes : «Le paradis est sous les pieds des femmes.»(1) Ne nous arrêtons pas aux récriminations des tenants de «l'ignorance sacrée», chère à Arkoun, qui au lieu de saluer le geste fustigeront son objet.
Ils crieront qu'une musulmane, ou supposée telle, et jeune de surcroît, s'est laissée laver les pieds, zone «awra», ou partie honteuse, par un homme non-musulman. Outrage suprême : ledit guide suprême du monde chrétien a embrassé les pieds de la jeune musulmane, après les avoir lavés et essuyés. Tout cela relève du symbole, bien sûr, mais pour les chasseurs de transgressions, il y a là une occasion unique de faire donner la batterie d'anathèmes et de fulminations. Ils ne s'attarderont pas trop, bien sûr, sur le lieu où l'acte a été commis, une prison romaine en l'occurrence, bien qu'ils aient en boîte une réponse toute faite : Rome est située en «maison de guerre»(Dar-Al-Harb). Et puis, pourquoi gâcher le plaisir : la jeune femme pourrait faire partie de l'avant-garde des forces qui partiront à la conquête de l'Italie, un jour prochain. C'est juste une question de calendrier… Tout ceci pour en venir à la question centrale : que fabriquaient le «pape» musulman télévisuel et ses cardinaux de vidéothèques pendant tout ce temps ' Eh bien, comme supposé plus haut, d'aucuns fulminaient, tandis que d'autres faisaient tourner la machine à anathèmes, ne vous en déplaise. Entretemps, l'émir du Qatar faisait le deuxième putsch de sa carrière, après celui réalisé aux dépens de son propre père, en s'emparant de la Ligue arabe. Pour la première fois, les Arabes sont enfin réunis sous la bannière du Qatar, en dépit de quelques timides réserves, dont celles de l'Algérie. Là où tant de chefs prestigieux ont échoué, à coups de slogans galvanisants, le Qatar a réussi, avec pétrodollars et chaîne TV : sceller l'unité arabe. L'Histoire retiendra que, pour la première fois, les pouvoirs du syndicat des chefs d'Etat arabes se sont déplacés du Caire à Doha. Et pour entériner quoi ' L'exclusion de l'Etat syrien, encore officiellement représenté par Bachar, et l'octroi de son siège à une opposition hétéroclite et diverse, dont on devine qu'elle finira sous commandement frère-musulman. Ce coup d'Etat unique dans les annales de la Ligue arabe, désormais «ligue de Doha» en ce qui me concerne, a été précédé de deux évènements, sans liens apparents, mais qui portent la marque du «complot ourdi», comme dirait Slim. D'abord, c'est l'influent prédicateur saoudien, Mohamed Al- Arifi, très apprécié par les islamistes tunisiens, qui a plaidé en faveur du mouvement Al- Qaïda et de son défunt chef Ben-Laden. Puis, il y a eu le «providentiel» attentat de Damas qui a débarrassé opportunément la mouvance wahhabite d'un opposant redoutable et irréductible, Ramadhan Al- Bouti. Si l'on avait appliqué immédiatement et stricto sensu la règle policière qui est de chercher à qui profite le crime, tous les regards arabes et autres se seraient tournés spontanément vers Doha. Mais il n'y avait pas nécessité de mettre ses vertèbres cervicales à l'épreuve, puisqu'il suffisait simplement de regarder la chaîne Al-Jazeera. Avec une contrition apparente et une jubilation intérieure perceptible, quoiqu'elle ne soit pas de mise en Islam, le cheikh Karadhaoui a procédé, une deuxième fois, à l'enterrement du théologien syrien. Il a affirmé que Ramadhan Al-Bouti était un fervent supporter du président honni, Bachar Al- Assad, et que sa mort était prévisible, sinon ardemment souhaitée, dans les centres de propagation du wahhabisme. On ne peut pas faire le même reproche à Karadhaoui sur ses accointances avec l'émir du Qatar, puisque Karadhaoui est la référence des musulmans, et que leurs intérêts rejoignent, jusqu'à se confondre, ceux du monarque de Doha. L'imam en chef de la chaîne Al-Jazeera a quand même eu la décence de ne pas vouer «son ami» Al- Bouti aux flammes de l'enfer, comme il le fait régulièrement pour ses adversaires politiques. Cette cynique sortie de Karadhaoui lui a valu une volée de bois vert sur les réseaux sociaux d'internet, mais les journaux sont restés à peu près muets. A moins que je ne me trompe, seul le quotidien algérien Al- Fedjr a ressenti de l'indignation devant le comportement du sieur Karadhaoui. L'éditorialiste et directrice du journal, Hadda Hazem, s'est insurgée en particulier contre le rôle du prédicateur qatari à la tête de l'Union mondiale des ulémas. «Une organisation que le cheikh de l'hypocrisie a mise au service du Qatar, au service du plan américano-sioniste, et des projets néocolonialistes de l'OTAN», dit-elle. Affirmant que Karadhaoui utilise l'arme de destruction qu'est la chaîne Al- Jazeera, pour nuire uniquement aux intérêts des peuples arabes et musulmans. «Karadhaoui est un soldat américain qui n'est pas différent des “Marines”, tout comme il n'a aucune différence avec les agents des centrales de renseignement américaines. Il a mis l'Islam au service de ces gens-là», souligne encore l'éditorialiste avant d'asséner cette vérité que nul ne veut encore admettre : «Karadhaoui poursuit aujourd'hui la tâche qu'a menée Ghazali, à son retour en Egypte, et après avoir conditionné la rue algérienne, dans les années quatre-vingt, à la réussite du projet islamiste. Tout comme l'a fait Karadhaoui contre Al-Bouti, Ghazali a témoigné en faveur des assassins du penseur égyptien Farag Fodda, en affirmant que ce dernier était un apostat et qu'il méritait donc la mort.» Pour mieux illustrer le rôle néfaste de Karadhaoui et de sa chaîne, Hadda Hazem a mis sur la Toile une caricature éloquente. Elle montre une maman tirant l'oreille de son enfant et lui posant la question : «Où finissent les menteurs '» Et l'enfant de répondre : «A la chaîne Al-Jazeera !»(2) Décidément, je me sentirai toujours tout petit devant les caricaturistes, je parle des vrais, bien sûr.
A. H.
1) Selon des spécialistes, ce Hadith ne serait pas tout à fait authentique, mais il est tellement beau que tous les bons musulmans le considèrent comme vrai, y compris en territoires de souveraine misogynie.
2) A voir sur cette page : http://www.facebook.com/ahme d.halli1 Mes excuses, par ailleurs, à mes lecteurs et à mes amis du journal pour le faux-bond de lundi dernier, la maladie m'ayant pris à revers et gâché mon plaisir d'écrire et le vôtre de me lire.


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