Algérie

KIOSQUE ARABE Des femmes qui font peur



halliahmed@hotmail.com
Il y a des moments à la télévision où il vaut mieux regarder un film d'horreur, avec des torrents d'hémoglobine, que de voir une émission d'actualité. Dans le genre thriller et épouvante, les personnages et les situations sont purement imaginaires. Toute ressemblance avec la réalité serait purement fortuite, et ne relèverait que d'un simple hasard. Dans l'actualité à la télévision, jamais rien n'est laissé au hasard, sauf l'exception ENTV.
Les personnages sont bien réels, si réels qu'ils font peur, et cette peur n'a rien à voir avec celle qu'on éprouve devant Dracula s'abreuvant à la gorge de l'innocente vierge. Oui, il y a des jours où il vaut mieux aller voir ailleurs que d'affronter les horreurs qui défilent sur nos petits écrans. Non ! Je ne pense pas aux apparitions du fantomatique Kadhafi, ni aux messages guerriers de sa fille, transmis à partir du Clubdes- Pins(1). Quant à notre Unique et Orpheline «Yatima», les personnages qui y défilent au sommet ne sont pas plus épouvantables que ceux qui défraient la chronique à Damas ou à Syrte. Nous avons certes un président coléreux et autoritaire, tendance après lui le déluge, mais il est bien loin d'égaler Kadhafi ou Assad, même s'il s'obstine à leur ressembler. La peur de l'avenir, la seule vraie peur omniprésente et affligeante, c'est celle qui vous saisit lorsque vous assistez à l'interview irréelle d'une apparition, menée par un journaliste célèbre, mais décrié. L'apparition, c'est la maman de Khaled Islambouli, le meurtrier du président Sadate, ramenée d'on ne sait quel exil pour la commémoration prochaine du 30e anniversaire de la mort du «Raïs». C'était le 6 octobre 1981, alors qu'il présidait un défilé commémorant la «victoire» de la guerre d'Octobre 1973. Des militaires qui participaient au défilé, et menés par le lieutenant Islambouli, avaient pris d'assaut la tribune, dressée sur la place Al-Tahrir, tuant Sadate. A l'annonce de la tragédie, j'avais cru devoir saluer l'évènement dans Algérie-Actualité avec ce titre triomphaliste : «L'Egypte revient !». J'avais tort, comme la suite me l'a amplement prouvé. Le 15 avril 1982, Khaled Islambouli, membre du djihad islamique, fondé par Aymen Zawahiri, successeur de Ben Laden, avait été exécuté, en même temps que cinq de ses compagnons. Les mollahs d'Iran avaient octroyé la qualité de «chahid» à Islambouli et baptisé à son nom les rues de plusieurs villes iraniennes. Depuis, le djihad islamique a fait amende honorable et renoncé à l'usage de la violence. Bref, tout le monde a changé, sauf la maman de Khaled Islambouli. Cette dame, d'un âge certain et d'une lucidité effroyable, était ces jours-ci l'invitée de Wael Al- Abrachi(2), journaliste vedette, animateur de l'émission «Al-Hakika», sur la chaîne privée Dream TV. Face à un journaliste, beaucoup plus soucieux d'émotion que de témoignages, la maman d'Islambouli, filmée comme une «Mater dolorosa», s'est évertuée à confirmer toute la suspicion qu'on peut éprouver devant le projet islamiste. D'abord, elle ne regrette rien de ce qui s'est passé, et elle voit dans la révolution du 25 janvier une victoire posthume de son fils. Plus fort encore : Khaled n'a accompli son geste que pour obéir à Dieu et mériter la grâce divine. Il aurait dit à ses geôliers, lors de la dernière visite de sa mère, de prendre les victuailles qu'elle avait ramenées, parce que lui était attendu par les Houris. Que le meurtrier de Sadate ait cru jusqu'au bout à l'extatique récompense, cela peut se comprendre, mais la mère… Entendre une dame âgée justifier la violence et le meurtre, comme relevant de l'obéissance aux commandements divins, a de quoi semer le trouble et l'inquiétude sur l'évolution de nos sociétés. Quant à l'action d'une internationale islamiste, accointée avec Al-Qaïda et vivant de ses subsides, elle ne souffre plus aucun doute. C'est d'ailleurs Mme Islambouli, elle-même, qui le confirme : sa petite-fille est mariée avec l'un des nombreux fils de Ben Laden. Qui se ressemble s'assemble. Dans la catégorie des femmes à barbe, la très décriée Souad Salah occupe une place à part, comme l'attestent les polémiques qu'elle suscite. Elle mène ainsi une guerre acharnée contre les fondamentalistes qu'elle accuse d'être un danger pour l'Islam. Souad Salah est capable du pire comme du meilleur, le pire étant sa fatwa par laquelle elle décrète que le mari a le droit de violer son épouse. En revanche, la prédicatrice qui milite au Wafd, «un parti laïque et non-athée», admire la très controversée actrice Yusra qu'elle considère comme une très grande artiste. A l'occasion du débat en France sur le port du niqab, Souad Salah a pris implicitement position en faveur de son interdiction en affirmant que cet accoutrement n'avait rien à voir avec l'Islam. Dans la même catégorie, on retrouve Safinaz Kadhem, l'ex-femme du poète Fouad Negm, et la maman de la militante activiste Nouara Negm, l'une des égéries de la révolution du 25 janvier(3). Safinaz Kadhem ne cache pas son admiration pour le chef du Hezbollah, Nasrallah, et pour l'Ayatollah Khomeïni. Ses détracteurs l'ont accusée d'être à la solde des services secrets iraniens, et des animateurs l'ont même intégrée dans leur «liste noire» des adversaires de la révolution en cours. Safinaz Kadhem était, de son côté, l'invitée de la chaîne concurrente Al-Hayat (à ne pas confondre avec la chaîne adventiste du même nom), où elle a tenu des propos, non dénués de logique, mais qu'il faut juger avec circonspection. C'est ainsi qu'elle s'est montrée très réservée quant à l'admiration que suscite en Egypte le chef du gouvernement turc, Erdogan. Elle estime que c'est bien que M. Erdogan soutienne les habitants et les enfants de Ghaza, mais ce serait bien aussi qu'il cesse de tuer les Kurdes. Elle va même à l'encontre des idées reçues en la matière puisqu'elle soutient que les Kurdes aussi ont droit à une patrie. On peut lui retourner le compliment en notant que c'est très honorable de s'émouvoir du sort des Kurdes, mais qu'il serait encore plus louable de s'inquiéter du droit des coptes d'Egypte, ses concitoyens.
A. H.
(1) En réalité, je ne sais pas si Aïcha se trouve vraiment sur ce site protégé, mais comme nous avons l'habitude d'y accueillir les hôtes les plus encombrants…
(2) Al-Abrachi s'est illustré de triste manière, au lendemain du match de Khartoum en accusant le peuple algérien d'avoir comploté avec son gouvernement pour agresser les Egyptiens au Soudan. C'est une stupidité que de voir une collusion entre un gouvernement et son peuple, sachant l'aversion qu'ils éprouvent l'un pour l'autre. Après la victoire de l'Egypte sur l'Algérie, en coupe d'Afrique, il avait récidivé en s'écriant : «La victoire sur les “baltaguias” algériens est plus douce pour moi qu'une qualification au mondial.»
(3) Selon le quotidien Al- Khabar, Nouara Negm avait été invitée au Salon du livre, et elle devait participer au colloque sur les révolutions arabes, organisé par El-Watan, mais elle s'est récusée sans explication. Je l'ai directement interrogée là-dessus sur sa page Facebook, mais sans avoir eu de réponse, même silence sur son blog.


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