Algérie

KIOSQUE ARABE



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Attention, amis lecteurs, ne vous lâchez pas trop sur Facebook ou sur Twitter, il pourrait vous en coûter, surtout si vous débordez sur le terrain religieux. Les «3B» veillent sur la toile, comme dans les rues et les immeubles. Choisissez soigneusement chacun de vos mots, et pesez chaque phrase avant de la charger sur votre page ou sur celle de vos amis et relations sociales. Prenez garde surtout à ne pas déclamer des poèmes de Khayyam glorifiant le vin et fustigeant les gens de religion.
Le nom de Khayyam résonne déjà comme un blasphème aux oreilles sélectives des vrais et faux dévots, de là à entendre ses quatrains sans hurler…Faute de quoi, plus que vous en coûter, il vous en cuira, et ce n'est pas peu dire. L'enfer ici-bas promis et dispensé par les «pages» de Dieu serait pire que celui décrit par Dante (1). C'est arrivé en Turquie, et ce qui arrive en Turquie n'est pas loin de nous atteindre, si on en croit la rumeur ottomane. Fasil Say est un pianiste turc prodigieux, voire prodige, et il a acquis une renommée mondiale incontestable et enviable, si on en croit les attaques lancées contre lui par les islamistes de son pays. On ne badine pas avec la religion au pays de Dario Moréno (2), et la moindre observation ou critique sur la tartufferie ambiante peut vous mener devant les tribunaux et derrière les barreaux d'une prison. Ce qui est quelque part un euphémisme, puisque les prisons n'ont plus réellement de barreaux, et que nombre de pays sont des centres de détention à ciel ouvert. Je parle de pays musulmans, bien sûr, de pays comme le nôtre qui ont repris le flambeau de l'inquisition abandonné par la chrétienté. Fasil Say n'est pas seulement un virtuose du piano, il est aussi compositeur de sonates à succès, et comme les nouveaux musulmans n'aiment pas la musique… Que lui reproche-t-on au juste ' D'avoir tourné en dérision l'appel à la prière du muezzin, en s'aidant de poèmes d'Omar Khayyam, selon le correspondant du magazine Elaph. Pire : l'avocat des plaignants, habitués de Twitter, affirme que les vers mis en ligne ne sont pas du poète persan, mais de Fasil lui-même. Ainsi donc, non content de faire de la musique, le pianiste se pique rimailler, ce qui n'est pas très valorisant en pays d'Islam nouveau. Fasil Say (42 ans) qui devrait comparaître devant un tribunal d'Istanbul en octobre prochain, envisage depuis longtemps de s'établir ailleurs. Lui qui s'affirme ouvertement athée, n'hésite pas à dire ce qu'il pense de certaines croyances locales, mais il nie toute attaque dirigée contre l'Islam, le vrai chef d'accusation. Il affirme notamment qu'il ne s'attaque pas aux musulmans, mais à ceux qui font preuve de piété en public et commettent les pires vilenies en secret. Toutefois, il affirme ne pas comprendre notamment comment le «Raki» (la boisson alcoolisée turque) est promis aux bienheureux du paradis, alors que le «Chivas Regal» (Whisky renommé) est réservé aux damnés de l'enfer. Le compositeur qui est l'auteur d'une symphonie éponyme dédiée au grand poète turc Nazim Hikmet n'était pas présent vendredi dernier lors de sa mise en accusation. En tournée à l'étranger, il a promis de revenir dans son pays et d'assister à son procès où il risque jusqu'à un an et demi de prison. Bien avant cette inculpation, Fasil Say s'était plaint de recevoir des menaces de mort par courrier postal et électronique, ce qui l'avait poussé à envisager un exil au Japon. Avant lui, le journaliste d'origine arménienne Firat Hrant Dink (version non arabisée) avait été assassiné en 2007 pour avoir dénoncé le génocide perpétré contre les Arméniens. En 2008, c'est au tour du prix Nobel de littérature, Orhan Bamouk, d'être ciblé pour avoir dit que «sa nation» avait tué 1 million d'Arméniens et 300 000 Kurdes (3). Des faits que l'Etat turc nie avec véhémence, au point d'avoir institué une loi créant «atteinte à l'identité nationale», en vertu de laquelle Orhan Bamouk est toujours poursuivi. Cela n'a pas empêché le chef du gouvernement turc de caresser les Algériens dans le sens du poil en rappelant les crimes du colonialisme français contre eux. La Turquie de Tayeb Radjeb Erdogan (orthographe arabisée) frappe à la porte de l'Europe, mais s'empresse de s'éloigner dès qu'on fait mine de lui ouvrir la porte. La Turquie est au moins soucieuse des apparences, contrairement à la justice égyptienne, autrefois célébrée pour la compétence de ses juges, et qui est aujourd'hui l'objet du scandale. Ainsi, après avoir condamné en avril dernier l'acteur Adel Imam pour des faits antérieurs à la révolution du 25 janvier (ses rôles anti-intégristes au cinéma), elle vient d'opérer une volte-face dans le procès des Moubarak. Alors que l'ex-président et son ministre de l'Intérieur ont été condamnés à la prison à perpétuité, les deux fils du Raïs déchu sont lavés de toutes les accusations de corruption formulées contre eux. Relaxer une douzaine d'officiers de police, coupables d'avoir tué des manifestants, est déjà un scandale, mais abandonner des poursuites contre l'engeance corrompue et corruptrice est un acte qui déshonore les juges d'Egypte. Au-delà de ces juges, la sentence inique éclabousse ce pouvoir militaire de transition acharné à placer un nouveau Moubarak à la place de l'ancien. Comme s'il s'agissait uniquement de faire payer le prix fort aux deux principaux coupables et de sauver le reste de la famille. Comme le prédit si justement notre confrère Adel Hammouda, dans Al-Fedjr, en juillet l'armée cessera de régner, mais elle continuera à gouverner.
A. H.
(1) Une association italienne a récemment demandé que la «Divine comédie» de Dante Alighieri, considérée comme l'œuvre majeure de la littérature italienne, ne soit plus enseignée dans les écoles et les universités. L'association estime, en effet, que le roman est raciste et antisémite, notamment parce qu'il place tous les musulmans en enfer, à commencer par leur Prophète.
(2) J'ignorais jusqu'ici que l'auteur de la chanson du siècle, «Brigitte Bardot», avait la double nationalité turque et mexicaine, et qu'il n'avait jamais renoncé à la première, en dépit de la mauvaise réputation de la Turquie en son temps.
(3) A l'instar de ce qui se passe à Tripoli, au Liban entre sunnites et alaouites, des incidents ont opposé ces jours-ci des Kurdes d'un quartier d'Alep, opposés au régime, à des factions tribales alliées de Bachar Al- Assad.




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