Algérie

Kiosque arabe



Kiosque arabe
Par Ahmed Halli[email protected]/* */Dans son remarquable essai sur «Les Identités meurtrières» publié en 1998, l'écrivain libanais Amin Malouf se demandait pourquoi il était constamment sommé de choisir entre ses «identités multiples». Et il répondait : «A cause de ces habitudes de pensée et d'expression si ancrées en nous tous, à cause de cette conception étroite, exclusive, bigote, simpliste qui réduit l'identité entière à une seule appartenance.» Le voici, moins de trente ans plus tard, rattrapé par cette «conception étroite, exclusive, bigote, simpliste» de la littérature qui enfante des «assassins de la plume». Le prétexte ' On n'a généralement pas besoin de trop se triturer nos pauvres cervelles étriquées pour en trouver qui soient audibles, voire détonants. Quel crime a donc commis Amin Malouf, aux yeux de ses compatriotes libanais, pour justifier ce déchaînement médiatique initié par deux journaux libanais (Al-Safir et Al-Akhbar), et relayé par les réseaux sociaux ' Un crime impardonnable, inexpiable, condamné par la Ligue arabe et poursuivi par les derniers défenseurs de la cause palestinienne, encore en vie, le crime de «normalisation». à la veille du Ramadhan et du 49e anniversaire de l'agression israélienne du 6 juin 1967, Amin Malouf a accordé une interview à la chaîne israélienne satellitaire I24.Le sujet abordé n'avait certes rien à voir avec le problème palestinien ni avec la situation dans les territoires occupés, mais concernait le dernier roman d'Amin Malouf, Un fauteuil sur la Seine. Loin de la crise du Moyen-Orient et de son Liban natal, l'écrivain évoque les figures de ceux qui l'ont précédé au «fauteuil 29», dont il a hérité lors de son admission à l'Académie française. C'est de ce roman qu'il a accepté de parler aux téléspectateurs israéliens et à tous les autres qui suivent, en cachette ou pas, les émissions de I24, chaîne de propagande aussi objective que sa consœur qatarie, Al-Jazeera. Mais si la chaîne de Doha a le droit de «normaliser», et elle ne s'en prive pas en ayant des envoyés spéciaux en Israël, Amin Malouf en est exclu. Le quotidien de Beyrouth Al-Akhbar, aussi objectif qu'on peut l'être au pays du Hezbollah, a ainsi traité Amin Malouf de «Léon l'Israélien», allusion directe à son célèbre roman Léon l'Africain. L'éditorialiste, apparemment sûr de lui, annonce que l'écrivain a perdu l'affection et trahi la confiance de ses lecteurs arabes, en apparaissant sur les écrans d'une télé israélienne. Pour l'autre quotidien, jadis réputé de gauche, Al-Safir, être interviewé par une chaîne satellitaire israélienne ou se rendre en Israël, c'est quasiment la même chose.Une autre allusion, cette fois-ci, au voyage en Palestine de Boualem Sansal, dont les détracteurs, essentiellement algériens comme il se doit, n'ont retenu que les images de la visite au mur des Lamentations. Alors que le journal Al-Safir parle de «trahison intellectuelle», un autre magazine électronique Al-Moudoune ironise sur «l'écrivain garde encore une vieille carte d'identité libanaise dans un vieil album». Mais, «il se promène, ajoute-t-il, avec un passeport français qui est devenu sa première identité». Les réseaux sociaux se sont joints à la curée avec des «hashtags», vouant Amin Malouf aux gémonies, appelant notamment à renvoyer ses livres à l'écrivain honni. La célèbre chanteuse libanaise Élissa qui s'est enhardie à prendre la défense de l'écrivain a été assaillie de messages l'accusant d'être pour la «normalisation» avec Israël. Quant aux journalistes et intellectuels libanais, ils se tiennent cois, à l'exception notable de l'éditorialiste de L'Orient-Le-Jour, et des écrivains Abou Wazen et Mona Fayed. Cette dernière affirme avoir suivi l'intégralité de la fameuse interview, et n'avoir rien trouvé qui peut justifier l'accusation de trahison ou de défense d'Israël. En tout état de cause, Amin Malouf, qui dispose déjà d'un fauteuil sur la Seine, n'est pas sûr d'en avoir un sur le Litani, du moins dans l'immédiat.Quant aux éternels censeurs et donneurs de leçons de patriotisme, ils disposent de toute une panoplie d'injures et d'ostracismes, de réserves géostratégiques de mauvaise foi, susceptibles d'inonder le marché et de noyer la raison, avant le poisson. On nous parle de terrorisme islamiste, nous sortons notre argument massue, qui renvoie au même «Grand Satan», l'ennemi des mollahs et de cheikhs réunis, l'Amérique ! Et s'il le faut, le grand livre de la colonisation, la française de préférence, est là ouvert sur ses pages sanglantes. Et si besoin en est, pour décourager toute réplique, nous dégainons notre nouveau code religieux opposable à toute morale, fût-elle d'origine céleste. Prenons l'exemple du tueur d'Orlando, né musulman à New York, de parents afghans, et donc citoyen d'un pays, l'Amérique, qui l'a vu naître et qui a accueilli ses parents et des milliers d'autres coreligionnaires avant lui. Si un tel parcours peut sembler normal, au regard des traditions d'accueil des réfugiés en Occident, le scénario est évidemment inimaginable à Doha ou à Riyad. Dans ces pays, les règles traditionnelles de l'hospitalité ne s'appliquent qu'à l'étranger de passage et de passage seulement surtout s'il est de religion musulmane et de rite suspect. Cessez d'imaginer aussi qu'un chiite yéménite soit accueilli comme exilé politique en Arabie Saoudite et se livre à des attaques quotidiennes contre l'intervention saoudienne au Yémen !Aux États-Unis, vous pouvez non seulement l'imaginer mais le faire, à l'instar du père d'Omar Mateen, Seddiq, un partisan actif des talibans que combattent les Américains. «Yes you can !» Comme tous les pères qui s'empressent d'atténuer leurs responsabilités, Seddiq Mateen justifie les pulsions meurtrières de son fils par son hostilité aux mœurs gays. Il ne se hasarde pas, bien sûr, à expliquer pourquoi son fils fréquentait assidument les boîtes gays et n'ayant sans doute jamais entendu parler de Molière, il ne peut se poser cette question naà've : «Mais que diable est-il allé faire dans cette galère '» La réponse avait déjà été donnée, avant et après la tuerie, aussi bien de Mossoul que des musulmans qui pactisent en secret avec Daesh.


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