Algérie

Kiosque arabe



Kiosque arabe
Contrairement à ce que j'ai eu la présomption, ou l'imprudence d'affirmer ici il y a peu, les bons «djinns» ne sont pas tous à la retraite, ou bien au cimetière. Certes, les bons sont encore très minoritaires et moins bien armés de pouvoirs, comme leurs congénères méchants, mais ils sont souvent efficaces. Je le sais puisque c'est à l'un de ces «djinns» des quartiers où subsistent encore des pans d'humanité, qui m'a littéralement sauvé d'une mort quasi certaine. Je résume brièvement : ce matin-là , donc, je traversais la rue en empruntant, avec témérité, un passage piéton classique avec des bandes trop blanches encore, parce qu'ayant peu servi. Il ne me restait plus qu'un mètre ou deux à parcourir pour arriver en lieu sûr, lorsque ce diable, ce «djinn» de camion a surgi, roulant en sens interdit, et venant de ma gauche, alors que je regardais à droite. J'ai bien esquissé un geste dérisoire, main gauche tendue paume en avant, comme pour lui signifier de stopper, mais le véhicule de la voirie m'avait sans doute pris pour un autre (1). Au final, je m'en suis sorti avec une fracture de l'extrémité inférieure du radius droit et des contusions multiples, selon les conclusions médicales que je m'empresse de vous resservir. Du coup, j'ai une envie furieuse de faire un pied-de-nez à la mort et un bras d'honneur à ceux qui l'applaudissent lorsqu'elle réalise le plus abject de leurs vœux secrets.Cet accident de la circulation, somme toute banal, m'a quand même ouvert les yeux sur les dangers que l'on court à s'attaquer à cette variété de créatures qui peuplent les mondes surnaturels. Des mondes qui ne doivent pas être plus étranges ni plus diaboliques que ceux dont l'actualité nous rapporte chaque jour les turpitudes et les horreurs. Des mondes où les alliances se font et se défont, au gré des fluctuations des monnaies et des cours de l'énergie première. Dans un Irak en voie de démembrement où l'on se surprend à regretter l'omnipotent et impitoyable Saddam Hussein, se profile l'inattendue et incroyable coalition militaire entre les Iraniens et les Américains. Le grand Satan américain (2) n'est plus aussi diabolisé à Téhéran que ne le sont les djihadistes de l'EIIL, appuyés par les Saoudiens et les Qataris, eux-mêmes alliés de Washington. Des alliés indéfectibles pour les Etats-Unis, mais des alliés qui se laissent parfois griser par leur puissance financière, conjuguée à la prépondérance de leurs idées religieuses. Du côté iranien, il n'est pas question de laisser les djihadistes sunnites imposer leur loi et ramener les chiites d'Irak au statut où les avait confinés le régime baasiste. Ce qui devrait inciter les ayatollahs à envisager sereinement une «omra» à Washington à défaut d'un grand pèlerinage, qui reste une option d'avenir possible.Ce qui est gravissime, c'est que ni l'Iran, ni l'Arabie saoudite, et encore moins le Qatar ne peuvent prétendre au leadership du monde musulman même s'ils y exercent une influence considérable. Ces trois pôles intégristes représentent un islam passéiste et en totale inadéquation avec les aspirations des peuples musulmans à la démocratie, au progrès et à la prospérité. Ils sont simplement les artisans de la désertification des cœurs que la piété a abandonnés pour aller s'installer sur les espaces publics à la grande joie des imams obscurantistes. Pour ces expérimentateurs de la pratique ostentatoire, de la «cirrhose» de la foi, contre la piété sincère et la spiritualité accomplie, qu'importe ce que les musulmans pensent au fond de leur cœur et ce qu'ils font derrière leurs portes closes. L'essentiel est qu'ils remplissent les mosquées et que les clameurs de la foi retrouvée s'élèvent jusqu'au trène céleste. Comme je me suis promis de laisser les «djinns» tranquilles, hormis ma reconnaissance éternelle à celui qui m'a sauvé, je reviens à ces docteurs «Frankenstein» de la foi (3). Je l'aurais sans doute oublié s'il ne s'était pas rappelé tout récemment à mon bon souvenir, en se mêlant, certes de ce qui le regarde, mais en produisant Dieu comme témoin. Sadek Al-Ghariani, c'est de lui qu'il s'agit, est le grand mufti de Libye, l'un des artisans du rétablissement de la polygamie, après la chute de Kadhafi. Il y a quelques semaines, il a fait ériger un mur à l'intérieur de l'université Omar-Al-Mokhtar de Derna pour séparer les étudiants des deux sexes, avec tenues islamistes obligatoires. Ce mufti misogyne, mais au-dessus de la ceinture, c'est déjà signalé en 2013 en s'opposant à un texte de l'ONU qui condamne la violence envers les femmes et en appelant à manifester contre ce texte. Le seul résultat qu'il avait obtenu a été une manifestation de femmes libyennes qui protestaient précisément contre les violences que subissaient les femmes du pays. La semaine dernière, Sadek Al-Ghariani qui s'est proclamé chef de guerre a publié une nouvelle fatwa, dirigée contre le général Khalifa Haftar, qui a déclenché une guerre contre les milices islamistes. Al-Ghariani a, en effet, décrété que quiconque mourait dans les combats contre les troupes de Haftar serait considéré comme martyr avec accession directe au paradis. Ce qui classe Khalifa Haftar comme un champion du combat pour la modernité, contre l'obscurantisme. Même après avoir été échaudé par les expériences récentes de redditions en rase campagne, je suis tenté de crier encore : vive Haftar ! (4)A. H. 1. Des gens bien intentionnés m'ont fait part de leur désappointement, pensant que j'aurais mérité un véhicule plus seyant, une Mercedes ou une BMW. D'autres ont dû crier au ratage, à la maladresse. Un sombre crétin, un plâtré du cervelet, a même cru devoir saluer la «performance» de cet éboueur-chauffard, et ceci a résonné chez moi comme une apologie du meurtre. 2. A rappeler les propos conciliants tenus la semaine dernière, à Beyrouth, par John Kerry, et attribuant au Hezbollah un rôle de premier plan dans le règlement de la crise syrienne. Un Hezbollah, bras armé de l'Iran au Liban, considéré comme une organisation terroriste, jusqu'alors, par Washington. 3. Une nouvelle profession, un nouveau titre pour eux : après «Al-Ustaz-Al-Douktour», et «Cheikhouna-Aldjalil», ils ont créé une nouvelle imposture «Al-Cheikh-Al-Tabib», ou l'imam-médecin. Ayant percé tous les secrets de l'âme humaine musulmane, ils s'attaquent désormais aux maux des corps. Ce qui devrait nous valoir de sérieuses économies en matière de transferts pour soins à l'étranger. 4. Chronique rédigée au clavier sous ma dictée, puis corrigée uniquement avec les deux doigts de ma main gauche, encore endolorie, et sans trucages. C'est plus difficile que ça en a l'air.http://ahmedhalli.blogspot.com/




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