Il s'appelle Bouzidi Belgeld. C'était un artiste, virtuose du guellal, cet instrument typique de l'Ouest. Il vient de rendre l'âme sur scène à Annaba où sa troupe se produisait dans le cadre de la Semaine culturelle de Sidi Bel Abbes, sa ville natale. Le summum de la consécration n'est-il pas de mourir sur scène, pour un artiste qui a consacré toute sa vie à sa passion' Il avait 61 ans, un âge où on entre doucement dans la sagesse en commençant à regarder derrière soi. Lui regardait devant et ne rechignait jamais à la tâche, défiant les grandes distances pour exercer son art. Les autorités en charge de la Semaine culturelle ont aussitôt annulé toute la programmation une fois son décès annoncé. En signe de deuil. C'est là une grave méprise, voire un outrage, fait à un artiste qui aurait souhaité que l'on continuât à festoyer même après son départ. Quoi de plus triste que des planches sombres et vides pour rendre un hommage factice à un invité de marque mort sur scène et qui a donné sa vie pour son art ' Le meilleur hommage qu'on aurait dû lui rendre était de terminer les festivités en animant chaque soir la scène, avec en toile de fond, son esprit planant sur les planches et le public. Cette manière de baisser le rideau en signe de deuil s'apparente à un deuxième silence imposé au défunt. Une deuxième mort. Il nous souvient qu'en 1989 lorsque la figure emblématique de Mokhtar Arribi, personnage légendaire du football national, tira sa révérence, l'équipe qu'il entraînait alors, décida de ne pas jouer en signe de deuil et l'homme qui avait passé sa vie sur les stades bouillonnant de clameurs, eut droit à un silence morbide. Au point qu'un confrère inspiré avait dans une chronique consacrée au grand homme, titré : «On se trompe d'enterrement». Comme Bouzidi Belgeld, mort sur une scène qu'on a éteinte aussitôt : on se trompe de deuil. Il aurait fallu rallumer les lampions, faire s'illuminer la rampe, remplir la salle et lui consacrer une minute traditionnelle de silence avant chaque lever de rideau. Et comme dirait l'autre, toutes les minutes qui suivent sont de silence. Paix à son âme. Enfin, de quoi je me mêle ' Khelli l'bir beghtah.
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Posté Le : 04/09/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : R Khazini
Source : www.infosoir.com